Qu’est ce qu’un justicier de la Nuit?

I1 y a des limites à l’héroïsme. Souvent, les franchir vous emmènera au royaume des anti-héros. D’un côté il y aurait donc le chevalier blanc, avec son sourire étincelant, de l’autre il y aurait les personnages cyniques, désabusés, la plupart du temps peu admirables. t puis il existe un autre endroit, un peu à la lisière de ces jeux catégories. C’est là qu’on trouve les « dark knights », es chevaliers d’ombres, le surnom officiel de Batman aux JSA. Des personnages au bord du gouffre, gui voient l’hé-« oïsme se conjuguer avec une certaine dose de désespoir. évidemment, si vous ne connaissez Batman que par l’entre-îiise de la série TV « wizz » des années 60, cette entrée în matière peut vous paraître bizarre. Pourtant, qu’on ne i’y trompe pas : Batman est un personnage noir, et pas seulement à cause de la couleur de sa cape. Dans l’héroïsme classique, à la Gary Grant, le héros sait qu’il aura la fille à la fin et que tout débouchera sur un happy end. Au royaume de Batman, cet optimisme bon teint n’a pas lieu d’être. Bruce Wayne paye le prix fort (la mort de ses parents) pour arriver à se dépasser et entamer une lutte qui ne peut avoir de fin. En tout cas pas heureuse. Il a déclaré la guerre au crime. Le problème c’est que des criminels il y en aura toujours pour prendre la relève alors qu’il y a un seul Batman. Le héros est tout entier dévoré par son idée de vengeance au point de perdre, d’une manière ou d’une autre, toutes les femmes qui auraient pu le mener vers le bonheur. Ou plutôt, c’est Bruce Wayne qui est dévoré, ne laissant derrière lui que Batman qui s’accroche à sa croisade comme étant sa seule raison de vivre
A chacun son enfer
Les dark knights, au delà de l’idée de justice, ont en commun cette passion dévorante à laquelle ils s’accrochent. Marv, l’un des protagonistes principaux de Sin City, n’a rien d’un super-héros et pourtant c’est lui aussi un dark knight. Dès les premières minutes de l’histoire, quand il découvre qu’on a tué la fille avec laquelle il n’a couché qu’une fois et dont il n’est même pas sûr du nom, il s’enflamme pour cette cause : venger Goldie. En fait Marv n’avait tout bonnement pas de raison d’être et s’accroche dès lors à cette mission. « L’Enfer, c’est se réveiller les matins sans savoir ce qu’on fout là », dit-il à un moment. Les dark knights ont en commun cette impression d’être en «pilote automatique». La vengeance, plus que l’héroïsme, est leur moteur. D’une certaine manière, Bruce Wayne est mort le jour où ses parents ont été tués. Batman est né. Marv, lui, n’a trouvé de raison d’être qu’au travers de cette idée de « faire justice ». Le dark knight n’est en effet pas altruiste comme le héros traditionnel. Il peut l’être, à l’occasion, mais se bat avant tout pour lui, parce qu’il y trouve une raison d’exister… Le restedu temps, il est en roue libre, un peu à (« image de Max, le:
guerrier de la route, vedette des deux premiers Madtex (1).
AUTO PUNITION !
A l’idée de vengeance traditionnelle (« Tu as tué un tel iet donc tu dois payer ! ») s’ajoute une dimension expiatoire que Batman partage avec les autres knights. Paul Kersey, le,-« Justicier dans la ville », incarné par Charles Bronson, est| le précuseur d’une floppée de héros à la Punisher. On tue .j sa femme, il prend son flingue. On tue sa fille, il prend son |i flingue. On tue son chien… il sort l’artillerie. Bref, vousau(â compris. Mais il ne s’agit pas de faire payer l’assassin. Le ^| plus parlant dans l’histoire c’est peut-être le titre original | du Justicier dans la Ville, Death Wisn, qui se traduit par |j « voeu de mort » mais que les anglo-saxons utilisent aussl| pour décrire les pulsions suicidaires. Paul Kersey, Marv et ^ leurs congénères, à travers leur vengeance, se punissent eux-mêmc pour avoir survécu à leurs proches ou pour ne pas avoir su les protéger. Au mieux, ils auront le coupable, au pire, leur « death wish » sera accompli et ils iront rejoindre leurs chers disparus de l’autre côté.
HONNEUR PERDU…
On retrouve cette logique (entre autres, les sources sont nombreuses) dans Lone Wolf & Cub, un manga de Kazuo Koike et Goseki Kojima qui a donné lui-même naissance à 5 films au début des années 70 (la série des Baby Cart).
Voici un autre justicier de la nuit qu’il ne faudrait pas oublier, tant il possède toutes les caractéristiques du genre ! A commencer par l’environnement urbain glauque et oppressant, un Détroit rongé par la violence. L’histoire commence comme celle de bon nombre des « vengeurs » dont il est ici question : un jour qu’il rentre chez lui, Eric Draven, un jeune guitariste de hard-rock, trouve quatre junkies en train de violer sa fiancée, Shelly. Sur le moment, il ne peut rien faire pour empêcher les criminels de lés tuer, lui et sa promise. Mais son âme assoiffée de vengeance ne peut trouver le repos. C’est pourquoi un corbeau le ramène à la vie et lui confère des pouvoirs surnaturels le temps de sa ven-: geance. Le bal peut commencer !
The crow… Starway to heaven ?
C’est là la particularité d’Eric Draven. En un sens, il incarne la face la plus sombre des Dark Knights puisqu’il est déjà mort. Son combat ne recèle aucune parcelle de noblesse ou d’altruisme : sa « vie » même ne tient qu’à l’accomplissement d’une vengeance strictement personnelle. Et une fois cette dernière accomplie, il disparaîtra, le « pacte » est clair depuis le début du film. Même les effets positifs de son action, à savoir le sauvetage d’une jeune fille jadis amie de son couple, ne sont montrés que comme des « effets secondaires » de sa quête de sang. Paradoxalement, à l’instar du héros de Gladiator, la mort sera sa délivrance, il y retrouvera Shelly et le repos. Mais, quelque part, le véritable dark knight n’est-il pas le corbeau qui, de comic-book (le film est issu des comics de James O’Barr) en film et en série TV, continue de punir les criminels. Un nouveau film de Thé Crow (Wicked Pravcr) vient d’ailleurs de sortir aux USA, directement sur le marché vidéo, avec Edward Furlong, l’ex-gamin de Terminator 2, dans le rôle du vengeur et David Boreanaz (Angel) dans celui du méchant de service