Avec son 4e film Le Bonheur des uns, le réalisateur Daniel Cohen arrive à l’âge de la maturité, lui qui s’est fait discret depuis Comme un chef (2011). Ce mercredi sort en salle un film drôle, touchant et profond qui marque une évolution admirable depuis la sortie de son tout premier film Une vie de Prince en 1999.
Ce film réunit plusieurs pointures du cinéma comme François Damiens,Florence Foresti, Vincent Cassel et Bérénice Bejo.
Cette comédie a d’abord été écrite pour être jouée sur les planches, mais malgré plusieurs tentatives, c’est le format cinématographique qui s’est imposé sous les conseils de David Gauquié de Cinéfrance.

Quand Léa regarde quelqu’un, elle a le don de percevoir des bribes de vérité. Ce personnage attachant est au cœur de l’intrigue, celle d’une histoire qui aurait pu prendre la voie du film choral. Heureusement pour nous, ce n’est pas le cas !
La force principale du film réside dans son rythme et sa construction, qui permettent de percevoir les choses au delà de la «zone d’aveuglement» de chacun. Les meilleures amies sont heureuses quand elle peuvent aider leur amie, à condition que l’oisillon ne quitte jamais le nid.
Ce film nous montre que le bonheur des uns fait le malheur des autres, car nous vivons dans un idéal que l’on a construit de notre vie. Nous souhaitons ouvertement le meilleur à nos proches, avec toute la bienveillance du monde. Tout cela à condition que l’autre ne nous dépasse jamais en qualité et en succès.
Finalement, ce film dévoile une chose, on n’aime jamais vraiment les gens pour ce qu’ils sont, mais pour l’image qu’ils nous renvoient.
Même si la réussite soudaine de Léa va bouleverser l’équilibre du petit groupe, chacun des personnages va devoir s’accomplir au-delà de cette course contre l’égo. La zone d’aveuglement a tendance à détruire notre aptitude à l’objectivité. Derrière la frustration et la quête de l’approbation, il y a cette possibilité de vivre notre véritable passion.
L’accomplissement de soi
La recherche de sa passion est au cœur de ce film, mais aussi le thème de l’accomplissement de soi. Le mari qui écrase sa femme par son poste à responsabilités vit assez mal le succès de sa compagne, car elle n’a plus besoins de lui pour prendre ses décisions. Sa vie d’éternelle indécise semble avoir disparu, mais c’est faux, ce n’est qu’une question de contexte ! Léa reste la même femme, mais grâce à ce changement de situation, elle a remis en question sa manière de s’auto-évaluer. Elle grandit à travers le regard de ses lecteurs, de son éditeur et des médias.

Karine stagne dans sa carrière, elle est directrice artistique, mais sa seule tâche-décisionnelle qui soit montrée à l’écran, consiste à valider les dossiers de presse et signer des BAT.
Nous sommes très loin de l’épanouissement, très loin de l’accomplissement. On devine assez rapidement qu’au-delà de son rapport dominant-dominé avec Léa et avec son mari, que sa vie est assez terne et ritualisée. Elle en arrive même à ne pas voir les qualités de Francis (François DAMIENS), car elle se voit comme le monteur de son couple et du groupe. Sa zone d’aveuglement est si grande qu’elle met en péril son amitié avec son amie d’enfance. Elle ne comprend pas que quelqu’un d’autre au sein du groupe puisse avoir un talent artistique, être plus cultivé qu’elle. Elle vit ce changement de dynamique comme une mise en danger l’image qu’elle a construit d’elle-même depuis son enfance Cet aveuglement l’empêche de comprendre le succès du livre de Léa et elle ne réalise pas qu’elle est pleine de frustrations et de jalousie.
Le second personnage qui semble être le plus intéressant dans l’histoire, c’est Francis, il est investi dans tout ce qu’il fait, il ne lâche rien et quand il trouve sa vocation, il saute à pieds joints dans la mare. Il est l’opposé de Marc (Vincent CASSEL, le copain de Léa), qui ne fait que chercher chez sa moitié un moyen de se grandir socialement. Sa carrière ne décolle pas, il n’est pas sorti d’une grande école et sa seule qualité est de parler roumain couramment.

Ce qui est regrettable dans la conclusion du film, c’est le chemin prit par Marc, il finit par sombrer dans la caricature du petite-chef en sortant avec son assistante. Pourtant, au moment où Léa signe le livre d’or d’un restaurant, elle le fait avec le stylo qu’il lui avait offert. À ce moment précis, nous avons l’impression que les choses peuvent se recoller, que le groupe pourra se reformer. Fatalement, ce film se termine comme beaucoup d’amitiés, on ne peut revenir dans la vie de quelqu’un que si le temps nous a offert suffisamment d’options pour grandir et s’accomplir.
Une réflexion sur “Le bonheur des uns: un film, des personnages.”