Tom à la ferme: portrait d’une névrose familiale


Entre dépression et perversion, Tom à la ferme plonge le spectateur dans un monde implacable. Un lieu coupé de tout, un monde où les pulsions de vie et de mort s’affrontent dans des champs de maïs.

Xavier Dolan incarne et réalise un film riche en citations cinématographiques, le traitement de l’isolement qui rappelle celui de Gus Van Sant dans Last days. Le traitement esthétique et technique, tels que les mouvements de caméra et le traitement du son, mais aussi ses longs plans séquences où le personnage va de l’extérieur vers l’intérieur. Dans ces deux films on a le mal être d’un artiste. L’un est un musicien, l’autre publicitaire. Dans leur voyage pathologique le spectateur est tenu en haleine par les périples d’un homme. En ce qui concerne Tom, il n’est pas un personnage allant vers la mort, mais quelqu’un qui ère dans une instance noire, le faisant passer de la mort affective vers un renouveau. Perdu dans une lutte acharnée entre pulsions de mort et pulsions de vie, certaines scènes sont à la limite de l’érotisation. On peut citer celle où Tom demande au frère de son amant qu’il l’étrangle. Le réalisateur pousse la violence à un paroxysme tel, que le spectateur tout comme le personnage reste en suspend sur ces plans serrés montrant deux hommes buvant et pratiquant des violences librement consenties.

Perdus, nous sommes perdus, on ne sait plus où nous en sommes, un peu comme Tom, un veuf cherchant un peu de réconfort auprès d’inconnus. Des personnes, des visages formant une famille proche du point de rupture. Ils cherchent en somme un substitut de frère ou de fils décédé trop tôt. Dans les ruptures, il y a toujours des non-dits, des mensonges ou simplement le fantôme insaisissable d’un absent. Guillaume, amant défunt ne sera jamais plus vivant que par cette maison qui garde encore la trace de son passage : que ce soit des vêtements, des tasses ou simplement par son grand frère possessif à la limite de la perversion narcissique. A certains moments par le récit décousu, on finit par imaginer une relation amoureuse à sens unique du grand frère vers un petit frère homosexuel. Un homme dans le déni, un homme qui vit dans un fantasme d’une famille soudée, une famille qui n’aurait aucun problème. Pourtant il y a des problèmes, ce fils disparu de 26 ans ne parlait plus à sa famille. Sa mère vit dans les mensonges imposés par l’ainé. Elle vit et l’accepte jusqu’à la chute.

Dans cette instance insoutenable où des mensonges s’accumulent, Tom va naviguer entre la lumière aveuglante et leur déni. Il pense pouvoir être utile à ce monde, en restant dans ce lieu qui peu à peu le dévore et altère progressivement sa personnalité. On va passer d’un citadin branché aux cheveux décolorés à un Tom, chemise à carreaux et jeans troués. Ce personnage est à la limite de la folie. Il appelle une amie puis refuse de repartir avec elle. Dans cette dimension d’aliénation, notre personnage semble disparaitre pour devenir Guillaume. Il porte ses habits, dort dans son lit et accumule dans une boite à chaussures différentes photos et objets lui appartenant.

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Entre obsession et abandon de soi, Tom n’a qu’une seule solution pour sa survie : partir et retourner dans la civilisation. Dans sa fuite, on observe une sorte d’abandon, une rupture avec le passé comme si sa vie passée dans cette famille n’aura plus jamais d’incidence sur sa nouvelle vie. Lorsqu’on le voit tout quitter, le spectateur est surpris : pourquoi prendre une pelle ? Va-t-il tuer le frère de Guillaume ? Ou bien, est-ce simplement l’enterrement de son passé ? Dans l’abandon total, il va larguer sa valise dans un champ, où repose à peine une terre encore souillée par le sang. «En cette saison les maïs sont comme des lames de rasoir». Dans cette dissection de l’âme et de la mémoire, il doit quitter la campagne et redevenir Tom à la ville.

 

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