Le film de Eve Duchemin suit la permission de 48h de deux détenus et un troisième en réinsertion dans la société.

Être incarcéré et devenir uniquement un numéro d’écrou mène à une dépersonnalisation. Peut-on vivre après la prison ? Les permissions permettent peu à peu au détenu de retrouver la liberté et éviter de sombrer dans la récidive ou la dépression.
Nombreux sont les anciens détenus témoignant d’une phobie sociale et souffrir d’agoraphobie. Ce monde vivant à cent à l’heure où plus rien n’a de sens effraie et pousse souvent certains à rechuter pour revenir en prison, un lieu qui a du sens où tout est codifié.
Un peu comme dans le cas des personnes atteintes d’une maladie mentale, le héros implore de revenir en zone sécurisée, la prison.
L’extérieur est un milieu hostile et on n’imagine pas comment vivre hors des mécanismes et une routine très stricte est déroutant.
Un film intéressant par sa manière de filmer et de montrer comment les détenus vivent un retour à la liberté. On a beaucoup pensé à « Je verrai toujours vos visages » lorsqu’un détenu évoque sa peur de l’extérieur. On retrouve cette même crainte de la sortie et les rechutes sont motivées par ce dehors terrifiant…
La réalisation est subtile et bien menée, chacun des personnages a son histoire, sa manière de vivre et ses craintes. Il y a aussi cette très grande phrase sur le temps qui passe et que ne pouvons jamais rattraper : «La parole est comme l’eau, une fois versée, on ne la ramasse pas.» (Proverbe Sahariens). Qui montre combien ce temps précieux qui est parti ne reviendra jamais. Il faut donc apprendre à recomposer avec ce monde qui évolue et avance dehors. La réalisatrice aime rappeler l’idée qu’entrer en prison demande un processus très précis où l’on doit franchir plusieurs portes qui ne s’ouvrent qu’au bon vouloir des gardiens. Cette permission de 48h est en quelque sorte ce moment intimes de liberté que l’on va partager avec autrui. Ces mêmes personnes qui vont essayer d’être présents tout en montrant une certaine colère sur nos actions qui nous ont menés en prison.
On saluera la performance de Karim Leklou dans le rôle de Bonnard, ainsi que Issaka Sawadogo dans le rôle du sortant Hamousin en pleine réinsertion. Un film touchant sur le temps que l’on ne rattrapera jamais, mais aussi sur la notion du pardon.
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3 mai 2023 en salle / 1h 58min / Drame
De Eve Duchemin
Avec Karim Leklou, Issaka Sawadogo, Jarod Cousyns