AMORE MIO, le roadtrip d’Alysson Paradis et Elodie Bouchez

En quelques mots : Un film touchant sur le deuil et l’amour, mais aussi la famille sous toutes ses formes.
Le choix du format de l’image est singulier et les choix de cadrage soulignent une vision artistique forte ! Il renverse les codes des roadtrips.

Quand quelqu’un meurt, tout est chamboulé et tout s’effondre. Le quotidien n’est plus le même, les choses semblent s’être figées et pourtant tout continue.
On voit peu à peu les souvenirs s’estomper et ici, la magie de l’être fantomatique réside dans ces petites séquences vidéo filmées au téléphone.

Ceux qui restent, ce qu’il reste

Selon des croyances, la voix est la première chose que l’on oubliera après la perte de quelqu’un… Et c’est pour ça que beaucoup vont s’accrocher aux vestiges de l’être qui n’est plus : des messages vocaux, des messageries téléphoniques… On dit même qu’un jeune homme avait demandé aux parents de sa petite amie de pouvoir payer et continuer l’abonnement téléphonique de sa feu-copine. C’est romantique certes, mais le chamboulement intérieur est très grand. Un peu comme l’héroïne de ce film, c’est un moyen de fuir l’absence et le vide.
Au début, tout le monde est présent pour soutenir celui qui reste. Mais personne ne peut comprendre réellement, car on a chacun sa propre histoire. Il faut juste apprendre à donner du temps au temps et ne jamais brûler les étapes du deuil.

Une famille à deux

Quand quelqu’un meurt, on doit reconfigurer la famille et sa place au sein des autres. Le petit garçon le souligne si bien : peut-on encore être une famille quand il n’y a que deux personnes. Et comme dans beaucoup de deuils, de drames, les choses font qu’on se rapproche toujours de certaines membres. C’est une dynamique invisible qui agit et va rapprocher les êtres, car rien n’aime le vide. On peut avoir peur de revenir à la maison, parce que ce lieu possède des souvenirs, des traces de l’absent et nous ramène à la terrible réalité. Lola va fuir, prendre le large. Quand quelqu’un meurt, la famille n’est plus vraiment la même, on se demande si la belle famille va nous lâcher, si la nôtre sera présente. On a peur du jugement, on a peur des gens trop gentils, mais rien ne semble jamais assez suffisant pour aider. Les autres disent comprendre, mais il n’en est rien.

Alysson Paradis et Elodie Bouchez

Le duo de soeurs que tout semble opposé : l’une blonde, l’autre brune, l’une survoltée, l’autre terre à terre va néanmoins peu à peu se rapprocher. Alysson Paradis est touchante, Élodie Bouchez mystérieuse, Viggo Ferreira-Redier attachant. L’ombre du défunt compagnon incarnée par Félix Maritaud possède une vraie présence dans les plans visibles et dans le hors-champ. Un hors-champ qui rend encore plus poignant et violent l’absence. Il y a une grande poésie dans ce premier film de Guillaume Gouix, qui demeure quelque chose d’audacieux et paraît pourtant si naturel. On a des surcadrages venant capter des regards, ceux qu’on n’a pas l’habitude de voir dans les yeux des acteurs et des actrices. Tout comme Lola, le réalisateur n’aime pas les protocoles et préfère la dissidence. Ce roadtrip possède une force indéniable et permet d’aller à l’encontre des attentes des gens : « J’aime les héros qui disent « merde ». Quand on vit un deuil, on peut avoir envie de dire « merde » à ces conventions, à ce que les autres attendent de nous en tant qu’endeuillé, comme si on avait un rôle à endosser. » explique le réalisateur en entretien.

Et vous, qu’avez-vous fait de fou lorsque vous avez perdu quelqu’un ? Partir loin pour ne pas retrouver cette maison vide ? Partir sans revenir ? Ou simplement pris le temps de pleurer ?

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