Dans Youssef a du succès, nous découvrons comment un biographe sans succès va décider d’écrire un roman fortement inspiré de sa vie. À sa grande surprise, son livre devient un best-seller et il doit apprendre à gérer la pression de sa famille choquée d’avoir été utilisée sans leur accord.
Ramzy Bedia est touchant, drôle et terrible dans ce film.
Youssef est l’illustration parfaite d’une «France black blanc beur» prise entre plusieurs générations qui n’arrivent plus à communiquer. Dans un article de libération de Juillet 2018, Yvan Gastaut, Maître de conférences à l’université de Nice-Sophia Antipolis déclare que cette France avait disparu… Et ici Baya Kasmi semble bien décider à prouver oh combien il est nécessaire qu’elle perdure !

Dans ce film, le propos principal n’est pas simplement de montrer une personne qui réussi contre toute attente, mais plutôt de souligner combien certaines personnes vivent dans la crainte et la culpabilité. Le livre imaginaire du film souligne le paradoxe des religions où le plaisir est tabou, car le plaisir simple est systématiquement associé au châtiment divin.
Le héros Youssef prône l’auto-détestation comme antidote à cette culpabilité. Il a grandi avec la peur du choc toxique que ses parents algériens lui ont transmis. Pour lui, chacun a le droit à la médiocrité, d’assumer qu’il est bourré de défauts et vivre en assumant cela pour ne plus avoir peur et ne plus courir après un idéal de perfection. Pour lui écrire sur cette famille qui pourrait être aussi bien la sienne que celle de votre voisin est libérateur. Il ne veut pas parler de la réussite personnelle, mais plutôt de ce qui ne fonctionnement et les vices de tout à chacun que l’on cache honteusement. Finalement, c’est une forme de dédramatisation de la honte et du tabou que Le choc toxique véhicule ; à travers ce roman, Youssef veut dédiaboliser les plaisirs simples de la vie et des passions !
Une histoire à l’origine du choc toxique :
C’est la réalisatrice et amie Nadia Benzekri qui a raconté cette histoire qu’elle avait entendue à Constantine : «Mourir empoisonné par l’amour, ça racontait l’interdit d’une façon que je n’aurais pas pu imaginer moi-même. Je ne la remercierai jamais assez de m’avoir raconté cette histoire qui m’est restée en tête pendant des années et qui s’est imposée comme l’ouverture du film. C’était une légende urbaine et c’est devenu mon mythe fondateur.»
– Source interview BAYA KASMI du dossier de presse –
Le paradoxe de Youssef : il veut faire plaisir à ses parents et vit dans le mensonge.

L’autre thème fort du film est de rappeler que tous les Arabes ne sont pas musulmans et tous les musulmans ne sont pas forcément arabes. Il y a les berbères qui sont entre deux, qui ont une culture bien à eux. Et dans tout ce chaos, on a le récit de comment survivre et appréhender le succès. En effet, la polémique fait vendre et trop de polémique peut mener à un bouleversement du quotidien.
Un film qui reprend tous les codes du monde littéraire avec le Café flore pour le Prix Goncourt et les différentes émissions littéraires. On retrouve aussi la peur de l’après que nous avons déjà dans L’amour dure 3 ans… Souvent les auteurs écrivent pour guérir quelque chose, Youssef lui veut rendre les gens heureux avec ses mots, il est obsédé par la langue. Et pour lui, la Religion et les intellectuels de son époque ne comprennent pas sa démarche.
Le film est également un film sur la famille, la société et le sentiment d’appartenance à la France. Il souligne la force de l’écrit, le pouvoir de l’écrivain qui par des mots va travestir la réalité afin de dévoiler la vérité grâce au mensonge. Le choc toxique est l’éloge des mensonges, car le mensonge dévoile la vérité et permet de la faire émerger.
Verdict : Un vrai coup de cœur !
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18 janvier 2023 en salle / 1h 37min / Comédie
De Baya Kasmi
Par Baya Kasmi, Michel Leclerc
Avec Ramzy Bedia, Noémie Lvovsky, Melha Bedia