16 ans, quand PHILIPPE LIORET revisite le mythe de Roméo et Juliette.


Un peu comme dans Roméo et Juliette où l’obéissance et l’obsession de l’honneur poussent à la perte et à l’excès. 16 ans propose une vision moderne et réaliste de cette tragédie. L’action place le couple dans une société en pleine guerre des classes où chacun doit rester bien docile dans sa condition sociale. Un monde sombre et tragique où l’on préjuge sur la vie des autres sans jamais imaginer chercher à comprendre le quotidien et les problèmes qu’ils subissent.

Habituellement, on imagine une guerre entre deux familles de confession religieuse différente, mais là, c’est le hasard ou la faute à pas de chance qui fait office de fatalité.
Nora, la sœur du caïd, se retrouve dans la classe du fils du directeur du magasin qui a viré son frère.

SABRINA LEVOYE et TEÏLO AZAÏS incarnent ce couple qui s’aime et lutte envers et contre tous.

Comme l’explique le réalisateur PHILIPPE LIORET : Nora vit dans l’ensemble HLM de la ville, Léo dans le quartier résidentiel. La magie du lycée gomme les différences sociales et permet à leur amour de se construire. « Ils se plaisent aussitôt et, pour leur première fois, tombent puissamment amoureux. Pour eux, rien d’autre n’a d’intérêt. »

Le réalisateur arrive à montrer comment l’engrenage de cette fameuse moralité et fierté va peu à peu mener au drame et à la tragédie. C’est dans l’intimité du foyer familiale que les plus grands drames se construisent et le réalisateur le sait très bien et aime construire toute sa dramaturgie autour de cela.

Une nouvelle construction de la tragédie plus sociale

On regarde deux familles aveuglées par leurs certitudes s’enfoncer. Un peu comme dans toutes les tragédies, un peu comme un cavalier aveugle s’élançant au galop contre des grands moulins à vent. Chacun choisit son camp sans jamais vraiment savoir pourquoi. Pourquoi est-ce simplement le hasard qui va nous imposer une condition sociale, celle qui va faire que l’on sera attelé à une banlieue ou né d’une bonne famille. Après, il y a une multitude de choix qui vont faire qu’on va être et devenir.

Ce qui fait mal, c’est quand le sort s’acharne. Tarek (Nassim Lyes, frère de Nora) essaie de s’en sortir en faisant des heures supplémentaires et des extras, mais fatalement, il se retrouve toujours pourchassé par ses démons. Il veut garder l’estime de sa bande et ne voit plus les limites. Aveuglé par sa haine de la société et de ceux qui ont réussi, il se prend autant de coups qu’il en donne, mais toujours en se battant contre plus fort que lui. Tarek ressemble énormément au Tybalt de Roméo et Juliette : Cousin protecteur de Juliette, il est pris par la folie et se noie dans la querelle de ses deux familles.

Cependant, il ne faut pas croire que c’est si simple. Même le directeur du magasin vit dans une prison dorée où tout est régi par le diktat de la direction régionale et des actionnaires. Lui aussi, il est abusé par le système. Comme on le dit souvent, la liberté a un prix. Beaucoup de gens réussissent au prix de nombreux sacrifices : ici les parents de l’adolescent vivent avec des horaires très étendus. Le week-end (et soirée), ils doivent jouer le couple modèle pour avoir le respect des politiques locaux. Sont-ils heureux ?… Personne ne semble heureux dans les deux familles. Ils pensent tous que l’ennemi vit paisiblement, mais ils ne savent pas ce qui se cache derrière les apparences.

Ce même réalisateur aime parler de la jeunesse et des passions, des sentiments forts, un peu comme dans « Je vais bien, ne t’en fait pas »… Nous naviguons dans l’Île-de-France, en Essonne, à Draveil, Montgeron et Évry. Nous suivons des jeunes au début de leur vie et pourtant ils ont mal de leur époque, mal de ces silences et des adultes qui pour sauver les apparences vont les mener à fuir.

Dans son film précédent, Lili attend le retour de son frère et sombre dans une dépression réactionnelle, ici ces deux amants bravent les interdits, car ils n’ont peur de rien… Ils ont 16 ans et vivent leur première vraie grande histoire d’amour.

16 ans est un film qui prend aux tripes et nous fait réfléchir sur notre attitude face à des ados ou des enfants qui s’aiment… On peut les aimer, on peut vouloir les protéger, mais il ne faut jamais minimiser leurs sentiments. On a tendance à oublier à quel point les premiers amours sont intenses. On pense que c’est pour la vie, nous nous surestimons en nous croyant invincibles et que le monde est con et ne peut pas nous comprendre.
Sinon, on va finir par oublier d’aimer (Prohom)… Et donner raison à Damien Saez qui dans No Place For Us parlait d’une génération condamnée, car il n’y a nulle part pour se cacher et pour avoir le droit de s’aimer.

Les lieux du film :
Théoriquement le film se passe en Essonne, car il y a plusieurs références comme Draveil, Montgeront et Evry.
Lycée privé de Sénart à Draveil. Cela semble être le lycée dont Léo est issu.
La croix blanche est une Zone industrielle et commerciale basée à Sainte-Geneviève-des-Bois.
Autre appellation, le quartier de la Croix Blanche de Vigneux-sur-Seine en Essonne reste beaucoup plus plausible.
Les Fauvettes et Guy Moquet : situent à Evry, ce sont deux arrêts de bus qui portent ce nom.
Pour Hyper M, dans le film il s’affiche comme étant dans le Val de Yerres. C’est probablement le centre commercial de Boussy-Saint-Antoine CC Val d’Yerres qui pourrait être le lieu théorique.

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Note : 5 sur 5.

4 janvier 2023 en salle / 1h 34min / DrameRomance
De Philippe Lioret
Par Philippe Lioret
Avec Sabrina LevoyeTeïlo AzaïsJean-Pierre Lorit

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