Poppy Field, dans le quotidien d’un policier homosexuel en Roumanie


Poppy Field dévoile le quotidien de Cristi, un policier roumain. Découpé en plusieurs parties qui se devinent, le film a une narration qui rappelle le théâtre. Ce choix esthétique souligne la difficulté et les conséquences lorsque l’on a tout compartimenté dans sa vie.

À trop compartimenter, le héros se retrouve pris au piège entre le regard des autres, les préjugés et l’homophobie. On sent le malaise, la tension dans les scènes. Un peu comme quelqu’un qui a peur d’être démasqué, ce jeune policier avance sur un terrain miné et agit toujours dans l’excès. Il est guidé par la peur de l’abandon, il construit un mur entre lui, sa famille (sa sœur) et ses coéquipiers.

Un peu comme dans une tragédie grecque, une force agit et écrase le héros. Est-ce ici l’homophobie collective ou simplement le passé de policier, qui fait de lui son propre bourreau. Un peu comme un comédien, il se retrouve perdu à devoir sans cesse porter un costume et un masque de plus en plus étroit. La séquence violente et étouffante dans le théâtre a du sens, comme si finalement toute la vie de Cristi n’était qu’un interminable numéro où l’on ne doit jamais sortir de son personnage !

La Roumanie est un pays resté encore très religieux, où la culture et l’éducation enseignent la peur du pêché. Selon l’église romaine l’homosexualité est interdite. Le héros vit donc sa propre homosexualité comme quelque chose d’ambivalent et se braque dès que quelqu’un semble s’approcher un peu trop près de lui et de son intimité. Il a peur d’être percé au grand jour et qu’on lui vole son coming out.

Sa sœur essaie l’aider à traverser cette « phase », on perçoit à travers sa manière de parler que que son frère traverse une épreuve temporaire ou un caprice. Est-ce de l’incompréhension ? Peut-être bien, car ce frère silencieux ne se livre pas et n’échange jamais sur ce qu’il ressent et ce qu’il veut. Cristi est tellement tourmenté qu’il n’arrive pas à construire quelque chose de cet amour. Il n’est pas dans le partage et refuse d’aller se balader, de sortir publiquement avec son copain.

Poppy Field ne parle nullement du coming-out, mais du combat quotidien de quelqu’un qui n’arrive pas encore à assumer son orientation sexuelle. N’oublions pas qu’en 2001 l’homosexualité était encore pénalisée en Roumanie. Il faut du temps pour que les mœurs changent, que les peurs s’estompent et le monde de la police, l’armée et institutions sont encore des univers très conservateurs.

Une belle découverte cinématographique à partager, à analyser pour mieux percevoir le regard bienveillant que le réalisateur pose sur ses personnages. Il montre la tragédie du quotidien quand la peur nous enchaîne et nous prive de notre liberté. Un film qui rappelle le côté essentiel du cinéma.

En salle le 28 septembre 2022
1h 21min / Drame, Romance
De Eugen Jebeleanu Par Ioana Moraru
Avec Conrad Mericoffer, Radouan Leflahi, Alexandru Potocean

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