Cédric Ido arrive à créer de la poésie là où d’autres ne verront que noirceur, misère et violence. Une véritable révélation cinématographique pour un second long métrage !
Dans son second long métrage intitulé La Gravité, le réalisateur Cédric Ido aborde la métaphore du plafond de verre auquel se heurtent les jeunes issus des banlieues défavorisées. Selon lui, ce plafond de verre est inversé dans son film, car les personnages sont irrémédiablement attirés vers le sol, emprisonnés par un système social difficile qui maintient les classes modestes à terre. Pour le réalisateur, cette métaphore a une dimension universelle, dans sa manière de questionner le rapport de chacun à une planète régie par des systèmes défaillants.

Des talents dans la cité :
Cédric Ido, qui a grandi lui-même en banlieue, à Stains, en Seine-Saint-Denis, et a perdu plusieurs amis dans des guerres de gangs. Par ce film, il souhaite mettre en lumière à travers son film les laissés-pour-compte, ces individus talentueux dont le talent n’a jamais pu s’exprimer en raison du déterminisme social. Il déplore que peu importe leur talent, ils finissent par croire qu’ils n’existent pas et qu’ils n’ont rien à apporter à la société. Selon le réalisateur, son film parle de ceux à qui tout a été enlevé sans explication. On aime ce passage dans le film, où l’un des habitants du quartier souligne le talent de dessinateur, il lui répond l’utiliser pour faire des coups et non pour gagner sa vie avec. Il n’est pas le seul, l’ensemble de ces habitants possèdent des talents inexploités comme le sport, l’ingénierie.
Quand la cité écrase ses habitants, ils finissent par ne plus croire en eux-mêmes et leur capacité, il y a comme un effet de Pygmalion où chacun va peu à peu devenir la racaille que l’extérieur voit en eux. C’est le piège et la zone la plus perverse ! Pour sortir de la Cité, il faut que le monde extérieur accepte de changer son regard sur ces jeunes et leur ouvre les portes pour qu’ils puissent travailler et s’intégrer.
Le plus étrange est l’analogie que l’on pourrait faire entre «Métro boulot dodo» et «Tour, école, prison». La cité détruit le potentiel et chacun des jeunes qui aspirent à la quitter doit le faire en silence pour ne pas être retenu et découragé par les autres.
L’équilibre est fragile et l’arrivée d’un alignement de Mars-Vénus vient perturber les jeunes qui lisent un peu trop de mangas et de sites sur les complotistes. Les plus jeunes ne veulent plus être dans ce néant et créer un conflit avec ces anciens qui reviennent peu à peu dans la cité. Les Ronins, Samouraï sans maître ont pris le contrôle et ont créé leur propre règle. Les anciens n’ont plus leur place et sont perçus comme seul responsable de cette forme de fatalisme social, car ils n’ont jamais cherché à faire fructifier leur argent.
Selon Cédric Ido, la génération des anciens a été maltraitée, invisibilisée et non reconnue. Elle n’a pas su léguer un vrai héritage aux plus jeunes, représentés par les Ronins. Par cette absence d’héritage, d’expérience de vie pour vivre dignement. Les deux générations vivent avec un fossé les séparant et bloquant tout véritable dialogue. Certains des plus jeunes sont devenus nihilistes, refusant les systèmes sociaux actuels et prêts à sacrifier les générations antérieures pour recommencer à zéro et exister dans leur propre réalité.

Un casting efficace :
Le casting de La Gravité est composé de trois acteurs principaux, Max Gomis, Steve Tientcheu et Jean-Baptiste Anoumon. Cédric Ido a découvert Max Gomis, qui interprète le rôle de Daniel, en 2008 à travers des courts métrages. Pour le réalisateur, Max Gomis avait le charisme cinématographique nécessaire pour ce rôle qui est plus physique que bavard. Steve Tientcheu, qui joue Joshua, représente pour Cédric Ido un personnage compliqué à trouver et à cerner, car il est fragile, mais avec une vigueur, une surprise et un abandon qui s’apparentent à une part féminine. Quant à Jean-Baptiste Anoumon, qui incarne Christophe, le réalisateur apprécie sa rigueur et sa discipline en tant que comédien de théâtre, ce qui apporte une tension professionnelle authentique avec les autres acteurs aux parcours différents.
La poésie dans tout ça ?
Il y a plusieurs éléments comme le talent du dessinateur qui se cache derrière ces différentes illustrations. Félicitation à Madd pour ses créations et pour avoir été doublure de Christophe pour les dessins.
Le réalisateur arrive également à créer une rotation dans sa narration démarrant par une chute, celle de Joshua enfant et le frère de Christophe, puis adulte, une même chute de Joshua et Christophe tous deux adultes. Cette permutation permet en quelque sorte de clôturer l’intrigue. Les choses vont pouvoir reprendre leur cours, il y a eu comme une révolution et nous sommes revenus au point de départ.
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3 mai 2023 en salle / 1h 26min / Action, Fantastique
De Cédric Ido
Par Cédric Ido
Avec Max Gomis, Jean-Baptiste Anoumon, Steve Tientcheu