MY FATHER’S SON – Quand le deuil devient code source


Qiao vient de perdre son père. Mais c’est des années plus tard que le vrai combat commence. Devenu ingénieur, il recrée ce père par la magie de l’IA dans un ring numérique. My Father’s Son de Qiu Sheng explore les failles laissées par une figure paternelle absente ou brutale, et la manière dont le deuil, trop longtemps comprimé, se libère à travers l’image, le souvenir, la technologie… et l’imaginaire. Un drame bouleversant, entre mémoire intime et mythologie virtuelle, où l’onirisme devient le refuge de l’émotion, et la douleur s’échappe par les failles du réel.


Un film splendide sur les paradoxes du deuil d’un parent.
On retrouve cette grosse boule au ventre et ce nœud à la gorge qui condamne à la noyade les jeunes orphelins ! Les passages entre onirisme et création numériques sont saisissants !


Un film sur le deuil et la construction de soi

My Father’s Son est un drame poignant sur la perte, la mémoire et l’héritage. Qiao, jeune homme marqué par la brutalité silencieuse de son père, tente de reconstituer ce lien brisé à travers un avatar numérique. À la croisée du réalisme émotionnel et de l’expérimentation visuelle, le film mêle souvenirs et projections futuristes pour interroger le poids des absents. C’est une œuvre sur la réinvention de l’amour filial, où la douleur ne s’éteint pas, mais se transforme, ligne après ligne, en un dialogue fantasmé entre deux solitudes.

My Father's Son © New Story
My Father’s Son © New Story

Symbolique et sublimation de l’impossible réparation

Dès les premières scènes, My Father’s Son navigue entre réalisme cru et symbolique viscérale. Les amateurs reconnaîtront dans la chorégraphie des combats virtuels un hommage discret à Street Fighter, où chaque mouvement semble chargé de mémoire et de revanche. Mais ici, le combat dépasse la simple technique : il devient un dialogue impossible entre un père et un fils que seule la réalité virtuelle peut réunir.

La rivière, omniprésente, rappelle immanquablement la figure de Charon, le passeur des âmes. À chaque traversée, le spectateur devine qu’on change de monde : entre passé et présent, entre vie et mémoire, entre réel et virtuel. Le voyage aquatique devient alors celui du deuil, mais aussi de la réconciliation, ou du pardon. C’est par l’eau que le père raconte l’histoire de leur lignée. Une famille née sur un canal, littéralement enfantée par le courant. Le film assume ce lien entre mythe, biographie et psychanalyse.

La création de l’avatar du père dans un monde blanc, aseptisé, est bouleversante. Le fils, adulte, construit un substitut qu’il contrôle comme un démiurge. Mais cet être n’apprend que ce qu’on lui donne. Il devient le produit direct du regard que le fils porte sur son père. Renversement complet : l’élève crée le maître. Le fils devient père de son propre père. Dans ce monde codé, chaque ligne de programme est une larme réprimée, chaque coup porté est une confession tue. La peine devient tangible, presque palpable, dans cette fuite numérique où le deuil ne peut se faire qu’en s’incarnant.

My Father's Son © New Story
My Father’s Son © New Story

Un univers sonore capital et subtil

Dans un film aussi centré sur l’intériorité et le non-dit, la musique joue un rôle de contrepoint délicat. Peu envahissante, mais toujours signifiante, elle offre un espace de respiration dans ce récit parfois étouffant. Le choix du titre By This River de Brian Eno pour accompagner le générique de fin est tout sauf anodin. Doux, minimaliste, presque spectral, le morceau devient une berceuse pour un deuil enfin accepté. Le fleuve d’Eno répond à celui du film. Là où l’eau emportait les regrets, la musique les dépose en douceur, sans les effacer, mais en les apaisant.
🎧 Écouter le titre


Avec My Father’s Son, Qiu Sheng livre bien plus qu’un récit sur le deuil : il explore la façon dont nos fantômes intérieurs trouvent refuge dans les technologies que nous croyons dominer. Mais peut-on vraiment programmer une absence, coder une douleur, ou simuler un adieu ? Le film ne donne pas de réponse définitive, mais il laisse une empreinte tenace – comme ces visages qu’on croit avoir oubliés et qui nous reviennent dans nos rêves.


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Note : 3 sur 5.

23 juillet 2025 en salle | Drame
De Qiu Sheng | 
Par Qiu Sheng
Avec Weichen Luo, Anke Sun, Song Yang


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