En Boucle – Quand toujours se résume aux mêmes 5 minutes


Dans En Boucle, Junta Yamaguchi transforme une répétition infinie de deux minutes en exploration des désirs, peurs et regrets humains. Entre humour, poésie et étrangeté, le film questionne notre rapport au temps, à l’éternité et aux choix qui façonnent nos vies.

Après avoir surpris le public avec Beyond the Infinite Two Minutes, Junta Yamaguchi revient avec En Boucle, une nouvelle variation sur le thème du temps suspendu. Dans une auberge isolée, au cœur des montagnes japonaises, employés et clients se retrouvent piégés dans une répétition mystérieuse : les mêmes deux minutes se rejouent indéfiniment. Plus qu’un simple exercice de style, le film transforme cette contrainte en terrain d’exploration émotionnel, questionnant la manière dont chacun affronte ses désirs, ses peurs et ses regrets lorsque l’avenir disparaît. Porté par le scénario de Makoto Ueda et la troupe Europe Kikaku, En Boucle mêle humour, poésie et étrangeté pour offrir une expérience à la fois ludique et vertigineuse.


Un semblant d’éternité comme prison

La même boucle de 5 minutes se répète, bouleversant le quotidien des employés d’une auberge aux abords d’un temple. Les différents riverains doivent revivre cette boucle en faisant soit la même chose ou en modifiant leurs gestes et actions.

Déjà vu ou précognition ? Chacun cherche à comprendre l’origine et à défaire cela pour retrouver l’équilibre et le cours du temps.

Cette réitération sans fin peut être perçue comme un cadeau ou une malédiction : vivre à l’infini sa mort, sa rupture ou un accident. Le film joue sur les abus, les expériences que certains vont se permettre puisque le temps est figé dans sa boucle. L’éternité est un choix : se faire manger le foie sans fin, pousser son rocher chaque jour, ou être immortel et finir par désirer la mort, car à force de plaisir, le désir s’épuise !


Le réalisateur nous offre un film dans la continuité de son œuvre

Après le succès international de Beyond the Infinite Two Minutes, présenté dans plus de 50 festivals et récompensé par une vingtaine de prix, Junta Yamaguchi et la troupe Europe Kikaku ont rapidement souhaité concrétiser un nouveau projet. Environ un an après la sortie du premier film, les financements ont été réunis, suivis d’un an et demi d’écriture et de préproduction, puis d’un tournage mené à un rythme soutenu.
Le choix de repartir sur une boucle temporelle de deux minutes n’était pas un simple recyclage, mais une volonté d’explorer une nouvelle dimension. Là où Beyond the Infinite Two Minutes relevait d’un exercice de style à la précision millimétrée, En Boucle adopte une approche plus émotionnelle : moins rigide, presque fluctuante, la structure s’efface pour laisser place aux sentiments, aux failles humaines et à l’impact d’une temporalité figée sur les existences.

Le scénario de Makoto Ueda, écrit pour servir cette ambition, s’appuie sur une forte symbolique, inspirée de cinéastes comme Nobuhiko Ōbayashi. Junta Yamaguchi a travaillé étroitement avec son directeur de la photographie afin que chaque plan exprime visuellement cette recherche émotionnelle. Le tournage a eu lieu à Kibune, petite ville montagneuse proche de Kyoto, rarement filmée pour ses contraintes d’accès et son climat changeant. Ces conditions extrêmes ont façonné la mise en scène : soleil, neige ou pluie ont été intégrés au récit, obligeant à réécrire quotidiennement les dialogues sur le plateau.
Malgré un budget plus conséquent, le tournage en extérieur a été un défi : quatre jours perdus à cause d’une vague de froid, seulement dix jours de tournage effectif, et la nécessité de reprendre rapidement pour tenir la date de sortie. Le montage, mené dans l’urgence, a conservé l’imprécision volontaire des transitions, traduisant les hésitations des consciences. Certaines séquences ont été écourtées, et la dernière scène a été choisie dans sa première prise instinctive.

En boucle © Busch Media Group GmbH



Ainsi, En Boucle s’inscrit dans la continuité de l’univers du cinéaste tout en s’en distinguant par un recentrage sur l’intime : la mécanique temporelle devient un miroir des émotions et des choix humains, transformant l’exercice formel en expérience sensorielle et philosophique.


Avec En Boucle, Junta Yamaguchi ne se contente pas de répéter le succès formel de Beyond the Infinite Two Minutes : il en détourne la structure pour en faire un prisme émotionnel. Le concept de boucle, ici moins contraint, devient un terrain de jeu pour sonder les désirs, les regrets et les pulsions, révélant ce que l’être humain ose ou redoute quand le temps cesse d’avancer. Le film s’imprègne de la nature changeante de Kibune, en fait un décor presque vivant, et mêle rigueur technique et improvisation dictée par le réel. Porté par le scénario ciselé de Makoto Ueda et une mise en scène qui privilégie l’humain sur la mécanique, En Boucle propose une réflexion subtile sur l’éternité, l’ennui et la quête de sens. Plus qu’un simple récit fantastique, il s’impose comme une fable sur la condition humaine, où chaque répétition devient un pas vers la liberté… ou une prison choisie.


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Note : 3 sur 5.

13 août 2025 en salle | 1h 26min | Comédie, Fantastique, Science Fiction
De Junta Yamaguchi | 
Par Makoto Ueda
Avec Riko Fujitani, Manami Honjô, Gôta Ishida
Titre original Ribâ, nagarenaide yo


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