Comment devenir riche (grâce à sa grand-mère) – On peut tous changer, mais il faut le temps pour ça


Comment devenir riche (grâce à sa grand-mère), réalisé par Pat Boonnitipat, est un film poignant qui explore les liens familiaux et les défis économiques en Asie rurale. À travers l’histoire d’un jeune homme désabusé, le film met en lumière les tensions entre tradition et modernité, tout en célébrant la sagesse des aînés.

Un film d’une réelle sensibilité, le duo central est attachant, on aime voir l’évolution de ce jeune homme allant d’un intérêt motivé par le gain à de réel sentiment de bien-être pour sa grand-mère. On rit et pleure devant cette comédie dramatique bouleversante sur une Asie plurielle.

Comment devenir riche (grâce à sa grand-mère): Putthipong Assaratanakul, Usha Seamkhum © Tandem
Comment devenir riche (grâce à sa grand-mère): Putthipong Assaratanakul, Usha Seamkhum © Tandem

Un film sincère né d’une rencontre

Le film est né de la rencontre entre le réalisateur Pat Boonnipat et le scénario de Tosa Pong, qui l’a profondément ému en raison de ses résonances personnelles. Inspiré par les relations intergénérationnelles au sein de sa propre famille, le réalisateur a souhaité explorer les liens uniques entre une grand-mère et son petit-fils, un thème universel, mais particulièrement marqué en Thaïlande, où les grands-mères jouent souvent un rôle central dans l’éducation des enfants.

Le choix des acteurs a été crucial pour incarner cette dynamique. Putthipong « Billkin » Assaratanakul a été sélectionné pour son charisme et sa capacité à refléter les dilemmes de son personnage, tandis qu’Usha « Taew » Seamkhum, une novice au cinéma, a apporté une fraîcheur et une authenticité remarquables au rôle de la grand-mère. Cette distribution, combinée à une narration sincère et ancrée dans des traditions familiales thaïlandaises, a permis au film de toucher un large public, bien au-delà des frontières de son pays d’origine.

Les Sino-Thaï et la barrière linguistique

Le film se passe dans un cadre de vie particulier, un lieu où l’on suit des Sino-Thaïlandais. Ils sont les descendants de migrants chinois intégrés en Thaïlande depuis des générations, incarnent une dualité culturelle. Bien que pleinement thaïlandais par la citoyenneté, ils préservent des réseaux économiques et familiaux liés à leurs origines. Cette identité hybride se reflète dans le film : la grand-mère, probablement issue de cette communauté, incarne un pont entre traditions chinoises (langue, valeurs familiales) et modernité thaïlandaise. La barrière linguistique évoquée pourrait symboliser les tensions générationnelles – les aînés maîtrisant le mandarin ou un dialecte chinois, tandis que les jeunes privilégient le thaï –, mais aussi les malentendus culturels au sein des familles métissées.

La technique des chaussures dans les files d’attente

La méthode des chaussures comme marqueur d’ordre dans les files d’attente est principalement observée en Thaïlande, notamment dans les contextes informels ou ruraux. Cette pratique, où chaque paire déposée symbolise une place réservée, s’inscrit dans une culture de confiance collective et de respect des règles implicites[1]. Bien que le retrait des chaussures soit une norme courante dans plusieurs pays asiatiques (Japon, Corée du Sud, Indonésie) pour des raisons d’hygiène ou de tradition, son utilisation spécifique pour gérer les files reste plus rare et localisée. En Thaïlande, elle reflète une adaptation pragmatique aux espaces partagés, où l’objet personnel devient un repère visuel temporairement incontesté.

Le Qi-Chou qui va apprendre et changer

Le terme Qi-Chou (氣醜), composé des caractères chinois Qi (énergie vitale) et Chou (laideur/désordre), évoque métaphoriquement un « désordre intérieur ». Appliqué au protagoniste, d’abord comme surnom donné par la grand mère pour le décrire comme idiot et flemmard, son opportunisme initial – une laideur morale masquée par un calcul intéressé. Au fil des épreuves, il va changer : en apprenant à connaître sa grand-mère, il puise dans le Qi familial une authenticité nouvelle. Ce cheminement reflète un thème bouddhiste thaïlandais – la rédemption par l’altruisme –, tout en s’inspirant de concepts taoïstes (équilibre des forces).

Un film d’actualité sur l’Asie contemporaine

Comment devenir riche… aborde des enjeux contemporains asiatiques. La représentation de l’Asie Rurale, l’ère moderne et des comptes only fan. Des préoccupations pour faire face à une population vieillissante et les tentatives originales des petits enfants pour sortir de la misère en travaillant ou non !

La fracture rural/urbain : opposant la grand-mère (gardienne de traditions rurales) au petit-fils (enlisé dans les mirages de la modernité). Ils sont de deux mondes différents, mais peu à peu, le jeune héros va revoir sa copie et commencer à apprécier les simples choses concrètes de la vie. L’argent n’a plus la même valeur et ses désirs vont changer avec lui.

Les comptes OnlyFans : non cités explicitement dans le film, mais évoqués via le désespoir économique du héros, prêt à monnayer son image pour survivre. On voit concrètement que les jeunes femmes vont s’inscrire sur des sites et se dévoiler dans des tenues très courtes. Dans le film, Mui (Tontawan Tantivejakul) est cette cousine héritant de son grand-père invalide dont elle s’est occupée pendant des mois durant ses derniers jours. Elle va motiver M à adopter une stratégie similaire avec sa propre grand-mère, Amah.

Le vieillissement : la grand-mère malade symbolise une génération abandonnée, tandis que les jeunes oscillent entre exploitation cynique et réveil éthique. Le film interroge ainsi les stratégies de survie dans une Asie en mutation, où l’individualisme consumériste menace les solidarités ancestrales. Les Sino-Thaïlandais vivent entre deux mondes, la fracture générationnelle accentue ce sentiment de survie.

Comment devenir riche (grâce à sa grand-mère): Putthipong Assaratanakul, Usha Seamkhum © Tandem
Comment devenir riche (grâce à sa grand-mère): Putthipong Assaratanakul, Usha Seamkhum © Tandem

Le casting et le duo

Putthipong Assaratanakul (M), acteur thaïlandais connu pour ses rôles complexes, incarne ici un anti-héros désabusé, dont le jeu nuancé passe de la comédie grinçante à l’émotion brute. Face à lui, Usha Seamkhum, dans le rôle de la grand-mère, déploie une présence à la fois autoritaire et fragile, cristallisant les contradictions d’une diaspora sino-thaïe tiraillée entre deux cultures. Leur alchimie porte le film : leurs dialogues, tantôt drôles tantôt déchirants, révèlent l’ambiguïté des liens familiaux dans une société en crise identitaire.

Comment devenir riche (grâce à sa grand-mère) offre une réflexion poignante sur l’évolution des valeurs familiales et sociales dans une Asie en pleine mutation. Le film, qui navigue entre comédie et drame, éclaire les tensions générationnelles et culturelles d’une famille sino-thaïlandaise, tout en abordant des problématiques modernes comme le vieillissement et l’impact du consumérisme. Un duo d’acteurs brillant, mené par Putthipong Assaratanakul et Usha Seamkhum, magnifie cette quête de sens et de changement.

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Note : 5 sur 5.

16 avril 2025 en salle | 2h 05min | Comédie, Drame
De Pat Boonnitipat | 
Par Pat Boonnitipat, Thodsapol Thiptinkorn
Avec Putthipong Assaratanakul, Usha Seamkhum, Tontawan Tantivejakul
Titre original Lahn Mah


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