Les feux sauvages, portrait d’une Femme dans une Chine en pleine métamorphose.


Dans Les Feux Sauvages (Caught by the Tides), le personnage principal, interprété par Zhao Tao, actrice fétiche de Jia Zhang Ke, incarne une représentation complexe de la femme à travers une trajectoire marquée par l’évolution et la résilience. À travers les 25 ans d’histoire chinoise que traverse son personnage, allant du début des années 2000 à la crise du COVID, on assiste à une transformation significative : d’une jeune femme travaillant dans des emplois précaires, elle devient progressivement une figure plus indépendante et affirmée. Ce cheminement reflète les profonds bouleversements sociaux et économiques vécus par la Chine durant cette période.

Portrait d’une femme dans une Chine en pleine métamorphose

La protagoniste, presque mutique, communique essentiellement à travers ses yeux, ce qui souligne une forme d’expressivité silencieuse puissante. Cette caractérisation renforce l’idée que la communication non verbale joue un rôle central dans le cinéma d’auteur. Ici, l’intensité émotionnelle et la profondeur de l’expérience humaine sont souvent exprimées à travers des gestes subtils et des silences. Le personnage de Zhao Tao devient ainsi le symbole d’une féminité silencieuse, mais résolue, renforçant son caractère complexe et émouvant.

LES FEUX SAUVAGES © Ad Vitam

Le parcours de cette femme, en quête de l’homme qu’elle aime, s’inscrit aussi dans une métaphore plus large de la Chine en pleine mutation. À mesure qu’elle navigue dans un monde en constante évolution, sa solitude et sa résilience face aux défis du changement résonnent comme des symboles de la société chinoise elle-même. La structure narrative du film, avec ses séquences s’étalant sur différentes époques, enrichit cette lecture, créant un portrait multidimensionnel de la femme chinoise, à la fois ancrée dans l’histoire et en constante transformation. Les Feux Sauvages offre ainsi une représentation nuancée et évolutive de la femme, qui témoigne de la fois des transformations personnelles et sociétales.

Les Feux sauvages s’est construit de manière unique sur plus de deux décennies. Jia Zhangke a filmé des scènes depuis 2001 jusqu’en 2023, capturant l’évolution de la Chine. Le réalisateur a utilisé diverses caméras, de la DV à l’Arri Alexa et la VR, pour filmer des « morceaux de vie ». Il a également réutilisé des plans de ses précédents films. La structure finale a émergé lors du confinement de 2020, quand Jia a revu toutes ces images. Quant au titre, il s’inspire d’un poème du rockeur chinois Cui Jian, écrit pendant la pandémie.

Le style du réalisateur au plus proche de l’intime

La photographie du film, marquée par une approche singulière, oscille entre contemplation, documentaire et images d’archive, tout en laissant émerger une dimension fictionnelle qui relie l’ensemble. Ce mélange crée une atmosphère dense et poétique, où la frontière entre réalité et imagination devient floue.

Le rôle de la musique, perçue comme sacrée ou profondément ancrée dans la culture chinoise, ajoute une dimension spirituelle et culturelle forte, soulignant la profondeur du film. Quant au traitement de l’amour, il rappelle les scènes de ruptures de 2046 (actuellement au cinéma dans une version Remasterisée 4K !), où l’on ressent une tension palpable. Le film suggère une fuite, une rupture motivée par l’espoir de trouver quelque chose de plus sûr ailleurs, en quête de stabilité émotionnelle, mais avec la conscience que quelque chose est irrémédiablement défaillant.

Une autre dimension importante du film, mais qui mérite d’être explorée davantage, est la façon dont le personnage féminin incarne la Chine elle-même, à travers ses évolutions personnelles et son parcours de vie. En quête de l’homme qu’elle aime, elle devient un reflet des transformations sociales, politiques et économiques qui façonnent le pays. Son cheminement, entre désirs personnels et réalités collectives, illustre le contraste entre les aspirations individuelles et les contraintes imposées par une société en pleine mutation. Par ailleurs, la structure narrative complexe, enchaînant différentes périodes historiques et en jouant sur le non-linéaire, renforce la profondeur de cette métaphore. Les ruptures temporelles (tout comme sentimentale) soulignent la fragilité de l’identité, tout comme la solitude du personnage face à des changements de plus en plus rapides. C’est cette complexité narrative qui permet de dresser un portrait riche et nuancé de la femme chinoise, confrontée à des défis personnels et sociaux tout en restant résiliente dans un monde en perpétuelle transformation.

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Note : 3 sur 5.

8 janvier 2025 en salle | 1h 51min | Drame
De Jia Zhangke | 
Par Jia Zhangke, Wan Jiahuan
Avec Zhao Tao, Zhubin Li, Jianlin Pan
Titre original Feng Liu Yi Dai


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