« My Sunshine » de Hiroshi Okuyama, le premier amour dans un Japon multiple


My Sunshine d’Hiroshi Okuyama est une œuvre qui mêle habilement poésie et réalisme cruel, offrant un regard nuancé sur la société japonaise contemporaine.

L’histoire en quelques mots

My Sunshine est l’histoire d’un premier amour, celui qui est pur et sincère. Sur un fond d’un Japon encore très conservateur se dessine l’histoire d’une jeune garçon prêt à tout pour une jeune patineuse, jusqu’à apprendre le patinage. En parallèle, l’histoire d’amour déclinante d’un coach en patinage, venu de Tokyo dans cette ville pour suivre son compagnon, héritier d’une entreprise familial. À travers une photographie pastelle, quelques plans solaires pour laisser entrevoir l’espoir et les sentiments des protagonistes, le film tente de montrer les sacrifices et prodiges que l’on peut faire par amour. Si l’un des amours est considéré comme pur et innocent, la relation du coach avec son compagnon semble déranger un peu les habitants de cette ville, confondant l’homosexualité et l’attirance pour des jeunes garçons.

Une esthétique poétique

On ne peut nier en voyant My sunshine la part très photographique. Le film déploie une esthétique visuelle mystérieuse, transformant les paysages hivernaux en véritables cartes postales. La photographie soignée capture la beauté éthérée de la glace et de la neige, créant une atmosphère presque onirique. Les scènes de patinage, filmées au ralenti, ajoutent une dimension gracieuse et lyrique à l’ensemble. Cette approche visuelle, soutenue par l’utilisation de morceaux classiques comme Clair de Lune de Debussy, confère au film une aura poétique indéniable.

Le réalisme cruel d’une société conservatrice

Cependant, sous cette surface idyllique se cache une réalité plus sombre. Le film aborde subtilement les attitudes conservatrices envers l’homosexualité dans les petites villes japonaises. L’entraîneur Arakawa, contraint de « cacher son amour », incarne les difficultés auxquelles font face les personnes LGBTQ+ dans une société qui privilégie encore largement le modèle familial traditionnel.

Le protagoniste en vient même à envier la pureté de l’amour de son jeune élève. Comme s’il finissait par se convaincre que sa position est trouble et déviante. Pourtant, il n’a jamais eu de geste déplacé avec ses élèves, mais la société rejette la différence et préfère confondre tout afin d’éviter la tolérance menant à un changement des mœurs.

La jeunesse japonaise face aux premiers émois, contraste saisissant avec la vie du coach

Le film explore avec sensibilité les premiers amours et l’éveil des sentiments chez les jeunes protagonistes. La relation naissante entre Takuya et Sakura, empreinte de jalousie et de découverte de soi, reflète les complexités émotionnelles de l’adolescence. Le film capture avec justesse cette période charnière où les jeunes commencent à questionner leur identité et leur place dans la société.

Le réalisateur arrive à montrer cette fascination, d’un jeune garçon subjugué et ne voyait plus que Sakura. Montrant tout cela de manière très poétique, cela vient contraster avec la vie sombre du coach. En cela, le film propose de juxtaposer la beauté poétique de l’enfance et la dure réalité du monde adulte, créant une beauté réaliste du monde. Le film commence comme un conte de fées moderne, avec ses moments de pure joie sur la glace, mais évolue vers une exploration plus profonde des préjugés sociaux et des défis personnels. Cette transition subtile du rêve à la réalité crée un contraste saisissant qui renforce l’impact émotionnel du récit.

Le film parvient à être à la fois une ode poétique à la jeunesse et un commentaire lucide sur les réalités sociales du Japon contemporain. En entremêlant habilement ces deux aspects, Hiroshi Okuyama offre une œuvre touchante et réflexive qui résonne bien au-delà de ses frontières nationales. My Sunshine réussit à montrer que l’amour, quel qu’il soit, est beau, mais qu’il faut savoir le vivre pour soi et lutter contre le regard des autres.

Un film personnel, mais non autobiographique

Hiroshi Okuyama puise dans ses souvenirs d’enfance pour donner vie à My Sunshine, tout en enrichissant l’œuvre d’éléments biographiques et d’un regard sur la résilience face à l’adversité. Le film, profondément marqué par l’expérience personnelle de son réalisateur, met en lumière le patinage artistique, un sport qu’il a pratiqué enfant en suivant sa sœur aînée. Bien que non autobiographique, le film s’inspire d’événements marquants de son enfance, notamment son propre tic qui l’amenait à se racler la gorge. Ce détail intime nourrit le personnage de Takuya, un enfant bègue, dont la singularité est abordée avec une délicatesse rare. Il explique avoir voulu donner à son protagoniste un ami qui, contrairement à ses camarades d’école, ne réduirait pas son handicap à une source de moquerie. Cette approche subtile illustre l’universalité des thèmes du film : l’acceptation de soi et la quête d’une connexion authentique.

Le succès de My Sunshine dépasse la simple résonance personnelle. Présenté en sélection Un Certain Regard au Festival de Cannes 2024, le film a captivé par son authenticité et son refus de sur-expliciter les émotions. Le choix d’acteurs débutants, sélectionnés pour leurs compétences en patinage et leur naturel, a renforcé cette impression de sincérité. Keitatsu Koshiyama, qui incarne Takuya, et Kiara Nakanishi, découverte grâce à des affiches dans les patinoires japonaises, insufflent au film une spontanéité rare. Hiroshi Okuyama a opté pour une méthode de tournage basée sur l’improvisation et des dialogues dictés sur place, permettant aux jeunes interprètes de se réapproprier leurs répliques – cela offre plus d’authenticité et de réalisme aux émotions. Porté par la chanson My Sunshine d’Humbert Humbert, véritable fil conducteur de l’histoire, le film illustre avec pudeur et sensibilité l’espoir et la beauté qui émanent des blessures de l’enfance et des liens humains, même fugaces.

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Note : 4 sur 5.

25 décembre 2024 en salle | 1h 30min | Drame
De Hiroshi Okuyama | 
Par Hiroshi Okuyama
Avec Sosuke Ikematsu, Keitatsu Koshiyama, Kiara Nakanishi
Titre original Boku No Ohisama


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