Le film Planète B d’Aude Léa Rapin, prévu pour le 25 décembre 2024, s’annonce comme une réinvention audacieuse du genre de la science-fiction, en y insufflant une dimension existentialiste profondément sartrienne.
Un univers dystopique étrange
Situé dans une France futuriste de 2039, le film plonge le spectateur dans un monde où la répression étatique et la surveillance omniprésente rappellent les pires cauchemars orwelliens. Cette toile de fond sert de catalyseur à une réflexion sur la liberté et le contrôle social, thèmes chers à Jean-Paul Sartre. Oui, ce film est existentialiste et montre combien il faut avoir les mains sales pour agir et essayer de se battre contre le système.
Un film qui joue sans cesse sur les codes et nos attentes de spectateurs. Que cela fonctionne ou non, on ressort en questionnant notre imaginaire de la prison et aussi notre propre vision du bien et du mal.
L’enfer, c’est les autres… en réalité virtuelle
L’innovation majeure de la réalisatrice réside dans sa conception de la Planète B, une prison virtuelle où les activistes disparaissent mystérieusement. Cette prison d’un nouveau genre peut-être perçue comme un écho à la célèbre phrase de Sartre, « L’enfer, c’est les autres« . Cette idée de prison virtuelle n’est pas exclusivement nouvelle, elle est déjà présente dans des séries comme Charmed ou Buffy Contre les Vampires. Lors que les antagonistes voulaient obtenir une information, ils plongeaient l’héroïne dans une forme de sommeil, sondant son esprit à travers un rêve qu’il avait induit. Il y a même un épisode où l’on va chercher à pousser Piper (Charmed) à renoncer à ses pouvoirs. Ce qui est nouveau, ici, nous sommes dans un format long et toute l’intrigue se concentre sur cet élément, essayant de nous faire douter autant que les protagonistes.
En créant un espace clos où les prisonniers sont confrontés non seulement à leurs geôliers virtuels, mais aussi à leurs propres démons et à ceux de leurs codétenus. Chacun va progressivement se méfier de l’autre, car personne n’est certains que tout cela est vrai et authentique. Le monde sensoriel n’est plus un référentiel et la mémoire en elle-même semble ne plus permettre de se situer.

Une Matrix à la française
À l’instar de Matrix, Planète B explore les frontières floues entre réalité et simulation. Cependant, la réalisatrice pousse le concept plus loin en transformant cette réalité virtuelle en un outil de torture psychologique et de manipulation mentale. Les cauchemars nocturnes imposés aux prisonniers et la pression constante à la délation créent un environnement, où l’esprit devient sa propre prison.
Dans la vision populaire, il est courant de dire que nous sommes notre propre juge et notre pire ennemi. Planète B est donc la version ultime de la torture. Et contrairement à la série Lucifer où chacun a le pouvoir de trouver son issue de sortie, ici, les prisonniers ne le peuvent. Ils sont enfermés et vivent dans un espace temps altéré et clos. Aucune rédemption ne semble donc possible, être un ennemi de l’autorité est une voie sans issue.
Une critique sociale percutante et une expérience immersive
Au-delà de son aspect science-fictionnel, le film s’inscrit dans une démarche de critique sociale aiguë. En dépeignant une société où les libertés publiques sont menacées et où l’opposition est criminalisée, Aude Léa Rapin nous invite à réfléchir sur les dérives potentielles de nos propres systèmes démocratiques.
Portée par un casting de talent, notamment Adèle Exarchopoulos propose une incarnation de personnage déroutante, mais la vraie révélation ici est Souheila Yacoub, que l’on peut voir dans Les femmes au balcon (2024, Noémie Merlant). Une plongée intense dans cet univers parallèle, avec une réalisation brute et énergique, ce qui accentue le sentiment de claustrophobie et d’aliénation ressenti par les personnages. Nous avons l’impression que tout sonne faux.
Planète B se présente comme une œuvre ambitieuse qui transcende les frontières traditionnelles de la science-fiction. En mariant habilement les concepts sartriens à une dystopie technologique, la cinéaste offre une réflexion profonde sur la nature de la liberté, de l’identité et de la réalité elle-même. Elle fait tout cela en livrant un thriller haletant ancré dans les préoccupations de notre époque.

Notre avis en quelques mots
Cette dystopie est intéressante, car elle reprend beaucoup de nos craintes contemporaines et y ajoute une dimension de réalité augmentée à mi-chemin entre Matrix et la VR. Un huis-clos où l’enfermement se fait dans la tête, devenant la pire des prisons.
On est un peu perdu par le jeu des acteurs au début, mais progressivement, ce qui sonne un peu faux trouve son sens, puisque ici tout n’est que factice. On saluera l’audace de la réalisatrice à nous offrir un film de science-fiction, dans un pays où ce genre est sous-exploité. Chose étrange, car en littérature, c’est tout le contraire. Certaines œuvres sont devenues des grands classiques : La planète des singes de Pierre Boulle, La Nuit des temps de René Barjave (1968), Vingt Mille Lieues sous les mers de Jules Verne (1869) ou encore Ravage de René Barjavel (1943).
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25 décembre 2024 en salle | 1h 58min | Science Fiction, Thriller
De Aude Léa Rapin |
Par Aude Léa Rapin
Avec Adèle Exarchopoulos, Souheila Yacoub, Eliane Umuhire
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Une réflexion sur “Planète B – Notre avis de film SF d’Aude Léa Rapin”