La Bella Estate de la réalisatrice Laura Luchetti est un portrait saisissant de deux jeunes femmes, à travers la rencontre bouleversante de Ginia (Yile Yara Vianello) avec Amelia (Deva Cassel, prochainement dans le Guépard de Netflix).
Ginia est sage et introvertie, Amelia est libre et insaisissable. L’exploration de la féminité à travers le regard des autres. Un peu comme dans la dialectique proposée dans Huis-Clos, l’autre nous offre un moyen d’obtenir un reflet de soi, mais lorsqu’une tierce personne arrive, c’est annonciateur de conflit. On ne peut réellement être heureux en dépendant uniquement des autres et de leurs jugements, car « L’enfer c’est les autres ».
En effet, cela exprime l’idée que notre perception de soi est souvent façonnée par le regard d’autrui, qui peut enfermer notre identité dans des jugements fixes. Ce poids du regard extérieur crée une tension constante, car il nous prive de la liberté d’être pleinement soi. Et Ginia aimerait devenir tant de choses, mais elle veut surtout être aimée et soutenue, vivre dans une grande ville et ne pas être condamnée aux travaux de la compagne.
Les Femmes dans l’Italie de 1938
Le film dévoile également le rapport des femmes avec les hommes dans une Italie en pleine régression sur les droits des Femmes. En 1938, sous le régime fasciste de Mussolini, les femmes en Italie voyaient leurs libertés et droits fortement restreints. Le régime imposait une vision traditionnelle de la femme, centrée sur la maternité et la soumission à l’homme, visant à accroître la population. Une « Journée de la mère et de l’enfant » récompensait les mères prolifiques, et les femmes étaient encouragées à incarner des valeurs conservatrices et une santé robuste.
Un film sur le désir de vivre sa vie
Ginia incarne ces femmes prisonnières des Hommes. La scène dans l’atelier avec le cafard au mur voué à mourir est une belle métaphore, elle est prisonnière comme lui, devant vivre à la merci des plus forts. C’est malaisant, car elle accepte souvent des choses pour faire comme les autres, ces personnes qu’elle admire et respecte, mais tout cela n’est dicté que par les règles strictes de la société. Amelia est mal vue, parce qu’elle va à l’encontre des règles, des normes et elle pose nue devant des hommes. Elle n’a pas peur d’être une femme libérée dans tous les sens du terme. Et c’est cela qui fascine Ginia, cette liberté et cette confiance qui émane d’Amelia. Amoureuse ? Bicurieuse ? Au fil des rencontres, les deux jeunes femmes vont se découvrir et en apprendre beaucoup plus sur elles-mêmes. Devenant le miroir de l’autre, celui dévoilant leurs désirs et envie d’émancipation dans une Italie régressiste.
____________
27 novembre 2024 en salle | 1h 41min | Drame
De Laura Luchetti |
Par Laura Luchetti
Avec Yile Yara Vianello, Deva Cassel, Nicolas Maupas
La Bella Estate de Laura Luchetti dresse le portrait de deux jeunes femmes dans l’Italie fasciste de 1938. Ginia, couturière introvertie, rencontre Amelia, modèle libre et insaisissable. Le film explore la quête d’identité féminine à travers le regard des autres, rappelant la dialectique de « Huis-Clos ». Dans une société oppressante pour les femmes, Ginia oscille entre conformisme et désir d’émancipation. Sa relation avec Amelia, qui défie les normes, révèle les tensions entre aspirations personnelles et attentes sociales. Le film dépeint avec finesse l’éveil d’une jeune femme confrontée aux restrictions de son époque, questionnant les notions de liberté et d’identité.
En savoir plus sur Direct-Actu.fr le blogzine de la culture pop et alternative
Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.



2 réflexions sur “La Bella Estate de Laura Luchetti : Miroirs, désirs et émancipation féminine dans l’Italie fasciste”