Le film Eternal Sunshine of the Spotless Mind et la chanson Éternel Sunshine de June the Girl abordent tous deux l’idée d’effacer les souvenirs pour échapper à la souffrance. Dans le film, les personnages principaux, Joel et Clementine, choisissent d’effacer les souvenirs de leur relation pour éviter la douleur que leur rupture a causée. Cette démarche est une tentative désespérée de fuir la réalité et de se protéger des émotions trop douloureuses à affronter. De même, la chanson de June the Girl évoque un désir similaire d’oublier les moments difficiles pour retrouver une forme de paix intérieure, même si cela signifie nier une partie de soi-même.

Oublier pour être heureux – le phénomène du Ghosting

Ces récits fictifs résonnent profondément avec une réalité moderne, celle de la tendance croissante à « ghoster » et bloquer des personnes sur les réseaux sociaux pour échapper à des situations émotionnellement inconfortables. Le ghosting, cette pratique de couper brutalement tout contact sans explication, est une forme contemporaine d’effacement des souvenirs, où au lieu de supprimer des souvenirs par un procédé technologique, on supprime l’autre personne de notre vie en un simple clic. Cette action, tout comme l’effacement des souvenirs dans le film, est une manière d’éviter la confrontation avec la réalité et les sentiments.

En ghostant, les individus cherchent à éviter le potentiel de souffrance qui accompagne les relations humaines, notamment la peur de l’échec ou du rejet. La possibilité de bonheur, de se connecter profondément avec quelqu’un, est ainsi sacrifiée sur l’autel de la sécurité émotionnelle. En fuyant ces situations, ils évitent non seulement la douleur possible d’une rupture ou d’un conflit, mais aussi les sentiments positifs que la relation aurait pu leur apporter. Ce comportement reflète une peur du bonheur, car celui-ci implique toujours un risque de souffrance.

Cependant, cette fuite perpétuelle a des conséquences dévastatrices. En évitant de faire face à l’autre, on nie non seulement ses propres sentiments, mais aussi ceux de la personne ghostée. Cela brise des relations, laisse des questions sans réponse, et crée un cercle vicieux de peur et d’isolement. Ainsi, tout comme dans Eternal Sunshine, où l’effacement des souvenirs ne conduit pas à la véritable guérison, le ghosting et le blocage des personnes sont des solutions temporaires qui laissent souvent des blessures plus profondes et non résolues.

La question de savoir s’il est sain de bloquer les gens ou de les ghoster est une véritable dilemme moral. En effet, en agissant ainsi, nous nous plaçons dans une position inconfortable, surtout lorsque l’autre personne ne reçoit aucune explication à notre comportement. Cela peut non seulement créer des malentendus, mais aussi engendrer un sentiment de frustration et de confusion chez l’autre. De plus, en bloquant ou en ghostant quelqu’un, nous manquons l’occasion de résoudre les éventuels problèmes ou malentendus qui auraient pu survenir dans la relation. Par conséquent, il est important de considérer les répercussions de telles actions et d’opter pour une communication ouverte et respectueuse, même dans les situations délicates.

Ici, quand l’héroïne décide d’effacer Joel, elle le fait brutalement sans prendre en compte les besoins de Joel. En voyant le fil du récit, on se rend compte que malgré les mauvaises phases des derniers mois, Joel et Clémentine se sont vraiment aimé et au-delà du possible.

Joel se dit être un gars gentil, mais il est simplement un gars rangé qui ne sort pas et reste plan plan – il est dans la contemplation de l’instant et il questionne ses sensations et le monde qui l’entourent. Clémentine est dans l’instinctif, dans l’instant présent. Ces deux configurations expliquent peut-être pourquoi Joel et Clémentine n’arrive pas à se défaire de leur histoire, car sans cesse, ils vont revenir au point de départ en étant attirés par Montauk. C’est intrinsèque et comme gravé dans leur inconscient, dans leur ADN.

Comment expliquer que Joel revienne sans cesse au point de départ ?

Dans le film, le phénomène de retour au point de départ malgré l’effacement des souvenirs soulève des questions fascinantes sur la nature de l’amour et des connexions humaines. Ce concept peut être analysé sous deux angles principaux :

La force de l’attraction émotionnelle

Les protagonistes principaux, Joel et Clementine, se retrouvent à Montauk après avoir effacé leurs souvenirs mutuels¹|². Cette rencontre « fortuite » suggère que leur connexion va au-delà des simples souvenirs conscients. Il semble y avoir une attraction émotionnelle profonde qui persiste malgré l’effacement de la mémoire.

De même, la secrétaire Mary éprouve à nouveau des sentiments pour le Dr Mierzwiak, son patron, même après avoir effacé ses souvenirs d’une précédente relation avec lui. Cela indique que certaines émotions ou attractions peuvent être ancrées plus profondément que les souvenirs conscients.

La nature cyclique des relations

Le film semble suggérer que certains schémas relationnels sont intrinsèques à notre personnalité et à nos désirs profonds, indépendamment de nos expériences conscientes³. Les personnages semblent « programmés » pour revenir vers certaines personnes ou situations, comme si ces connexions faisaient partie intégrante de leur être.

Prédestination ou configuration viscérale ?

Plutôt qu’une simple prédestination, le film semble explorer l’idée d’une « configuration viscérale » des êtres humains :

• Attraction inconsciente : Les personnages sont attirés les uns vers les autres par des forces qu’ils ne comprennent pas entièrement, suggérant que l’amour et l’attraction opèrent à un niveau plus profond que la mémoire consciente⁴.
• Persistance des sentiments : Même sans souvenirs explicites, les émotions et les connexions semblent persister, indiquant que nos expériences façonnent notre être d’une manière qui transcende la simple mémoire⁵.
• Patterns comportementaux : Les personnages reproduisent certains schémas relationnels, suggérant que nos tendances fondamentales en matière de relations sont profondément ancrées dans notre personnalité⁶.

Ce film explore l’idée que nos connexions émotionnelles et nos tendances relationnelles sont plus profondes et plus durables que nos souvenirs conscients. Le film suggère que l’amour et l’attraction peuvent avoir des racines qui vont au-delà de la mémoire, ancrées dans l’essence même de notre être.

Le saviez-vous, des études sur la mémoire ont démontré que les émotions fortes sont ancrée en nous et se séparent du sens des souvenirs. Cela a été démontré par le neurologue suisse Édouard Claparède. Il a mené une expérience sur une patiente amnésique en lui serrant la main tout en lui infligeant une douleur avec une épingle cachée. Bien qu’elle ne se souvenait pas de l’incident en raison de son amnésie, elle refusa instinctivement de lui serrer la main lors de leur prochaine rencontre, sans pouvoir expliquer pourquoi. Cette expérience montre que, même si la mémoire consciente est affectée, la mémoire implicite (inconsciente), liée aux réflexes de protection, reste active. Elle illustre la distinction entre mémoire déclarative et mémoire procédurale ou émotionnelle.

Sources et références

1. https://www.clubic.com/streaming/dossier-350193-l-humain-peut-il-eteindre-ses-souvenirs-comme-dans-eternal-sunshine-of-the-spotless-mind-.html ↩︎
2. https://fr.wikipedia.org/wiki/Eternal_Sunshine_of_the_Spotless_Mind ↩︎
3. https://culturellementvotre.fr/2022/02/14/critique-eternal-sunshine-of-the-spotless-mind/ ↩︎
4. https://www.youtube.com/watch?v=UO2zPMdoHDg ↩︎
5. https://www.superprof.fr/ressources/francais/francais-tous-niveaux/bts-etude-resume.html ↩︎
6. https://culturellementvotre.fr/2022/02/14/critique-eternal-sunshine-of-the-spotless-mind/ ↩︎

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