Augure, immersion dans le fossé culturel entre l’Occident et le Congo


AUGURE explore de manière saisissante l’intersection poignante entre la Culture et la Religion dans la vie d’un homme originaire du Congo qui s’est occidentalisé. Le film aborde habilement les différences culturelles dans la perception des problèmes de santé, dépeignant les symptômes organiques de l’hypertension comme une malédiction ou un sinistre présage. À travers une narration captivante, le réalisateur explore le choc entre la culture congolaise et des assignations culturelles complexes, plongeant le spectateur dans l’expérience fascinante du choc culturel. Le film offre une réflexion sur les défis de compréhension entre l’Occident et le Congo, présentant une exploration nuancée de la diversité.

Le réalisateur filme une crise d’attaque de vaudou et ajoute de l’ambiguïté à travers un montage parallèle, qui accentue cette impression de causalité entre les convulsions du futur père et les pratiques ésotériques du clan.

En mettant en scène de la culture congolaise en friction contre des croyances et des assignations culturelles complexes, le film offre une exploration captivante du choc culturel entre ces deux mondes distincts. Le spectateur est immergé dans cette expérience, confronté aux défis, aux nuances et aux différences culturelles. Une réflexion sur la diversité culturelle et les défis de compréhension entre l’Occident et le Congo.

Le poids culturel pour ceux qui partent

Un film sur la famille, le poids culturel et les racines que l’on traine avec soi. On cherche à s’émanciper, mais on garde malgré nous la trace de nos anciens.
Le traitement de la sorcellerie transcende le simple aspect fantastique pour devenir le miroir poignant du poids culturel et du fossé générationnel chez les Congolais. La représentation de la sorcellerie comme une étiquette stigmatisante impose aux personnages un fardeau insidieux, illustrant la manière dont les croyances culturelles peuvent aliéner et condamner.

Au-delà de la culture et traitement anthropologique de la perception du pathologique

Le film explore également le fossé culturel, mettant en lumière le poids persistant des parents dans la vie de leurs enfants. Le choix astucieux du réalisateur de s’écarter du fantastique pour une représentation proche du récit anthropologique apporte de la profondeur au récit. La caméra essaie de rester le plus neutre possible et de ne jamais dépasser son rôle de témoin. Tout cela permet au spectateur d’être dans une forme de choc, d’émerveillement et aussi de remise en question de leur perception de la maladie, du Bien, du Mal.

La différence anthropologique dans la perception de la maladie et du pathologique réside dans la diversité des cadres culturels et des constructions sociales qui façonnent ces concepts. Chaque société forge sa propre compréhension de la maladie, influencée par des facteurs culturels, religieux et historiques. Alors que la médecine occidentale tend à aborder la maladie principalement à travers une lentille biomédicale, d’autres cultures adoptent des approches holistiques, intégrant des dimensions spirituelles, sociales et émotionnelles dans leur compréhension de la pathologie. Dans Augure, on a cette confrontation du Sacré et du Scientifique, de la Raison et de la Croyance.

Le pathologique, dans certaines sociétés, peut être interprété non seulement comme une altération physique, mais aussi comme un déséquilibre dans les relations sociales ou une disharmonie avec le cosmos. Ainsi, la différence anthropologique dans la perception de la maladie et du pathologique souligne la relativité culturelle de ces concepts, mettant en évidence la nécessité d’une approche anthropologique contextualisée pour appréhender pleinement la diversité des interprétations de la santé et de la maladie à travers le monde.

L’émancipation et le rappel à ses origines

Chez les Congolais, l’émancipation peut souvent sembler hors de portée, entravée par des traditions profondément enracinées et un respect filial inébranlable. AUGURE dépeint avec nuance et sensibilité cette lutte pour l’émancipation, soulignant les défis auxquels sont confrontées les générations successives dans leur quête d’indépendance face à un héritage culturel parfois contraignant.

Les nouvelles générations vivent dans une forme d’aliénation entre récit, religion et nouvelle technologie. Les parents conservent un ascendant indéniable et ils vivent avec la culpabilité de ne pas respecter leur origine, qui elle-même les rejette lorsqu’ils décident de vivre à l’occidental.

Le choix de l’origine de la fiancée

La jeune fiancée enceinte incarne un véritable catalyseur de surprise et de décalage culturel pour le spectateur occidental. Son regard, empreint d’innocence et de fascination, devient le miroir d’une perception dénuée des références culturelles occidentales, qui quand ils sont existants sont souvent teintés de préjugés. La grossesse de ce personnage offre une toile de fond intrigante, soulignant la diversité des expériences humaines.

Le réalisateur exploite astucieusement cette perspective naïve pour immerger le spectateur dans un monde congolais riche en complexités, éveillant ainsi une curiosité désarmante. On ne comprend pas comment on peut encore pratiquer des rituels sur des personnes souffrants d’hypertension, en les condamnant à des tortures physiques pour les punir d’avoir réalisé des pratiques malsaines. À travers le regard de cette jeune femme, « AUGURE » réussit à instaurer un véritable choc culturel, permettant au public occidental de découvrir un univers où la sorcellerie se conjugue avec la réalité quotidienne d’une manière brutale et frontale.

Conclusion : Le film est une exploration cinématographique profonde du poids culturel, des liens familiaux et de la lutte pour l’émancipation dans le contexte congolais. Le film transcende les représentations conventionnelles de la sorcellerie, devenant un miroir poignant reflétant le fardeau culturel et le fossé générationnel. De plus, il s’aventure dans des domaines anthropologiques, soulignant l’influence persistante des parents sur la vie de leurs enfants. La décision délibérée du réalisateur de s’éloigner d’éléments fantastiques au profit d’une narration anthropologique ajoute de la profondeur à l’histoire, invitant les spectateurs à remettre en question leurs perceptions de la maladie, du bien et du mal. AUGURE mélange habilement le sacré et le scientifique, la raison et la croyance, offrant une expérience stimulante qui résonne avec la complexité de la diversité culturelle.

Un voyage cinématographique qui navigue dans la trame complexe de la culture congolaise, de la spiritualité et des évolutions sociétales. À travers une narration méticuleuse et une exploration culturelle, le film captive non seulement, mais invite également à la réflexion sur l’interaction entre tradition, modernité et l’influence pérenne du patrimoine culturel.

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Note : 3.5 sur 5.

29 novembre 2023 en salle / 1h 30min / Drame
De Baloji
Avec Marc ZingaLucie DebayEliane Umuhire

Le film a obtenu le Prix de la Nouvelle Voix dans la section Un Certain Regard au Festival de Cannes 2023.

Autour de la construction du film

Le réalisateur, Baloji, s’inspire de son propre vécu, utilisant le terme « sorcier, » lié à son nom en Swahili, pour matérialiser la stigmatisation. Le film dévoile le fardeau des croyances, soulignant la manière dont les assignations culturelles influent différemment sur les personnages. En mettant en scène diverses formes d’assignations, le réalisateur offre une réflexion profonde sur la société structurée, mettant en lumière les enjeux particuliers auxquels sont confrontées les femmes, évoquant le féminisme et la nécessité d’un changement sociétal.

La sélection des acteurs pour s’avère cruciale pour transmettre la diversité des expériences. Des personnages comme Koffi, Tshala, Mujila, et Paco, chacun portant sa propre charge culturelle, incarnent des récits individuels qui convergent vers l’entraide et la réconciliation. Baloji explique son choix de ne pas concentrer l’intrigue sur un unique protagoniste, préférant explorer les différentes facettes de l’assignation culturelle. Le réalisateur, lui-même imprégné de deux cultures, évite le cliché de la double culture comme un piège, le transformant plutôt en un privilège qui influence le parcours des personnages. Le film, imprégné de réalisme magique, utilise la synesthésie du réalisateur pour incorporer des éléments visuels et musicaux, créant une expérience cinématographique immersive.

Quelques mots sur le projet :

À l’origine du projet cinématographique, « AUGURE, » produit par WRONG MEN, émerge une collaboration audacieuse entre des studios renommés tels que Tosala Films, New Amsterdam, Special Touch Studios, Serendipity, RadicalMedia, et Big World Cinema, représentant la Belgique, les Pays-Bas, et la République Démocratique du Congo. Le film est distribué en France par Pan Distribution pour une sortie prévue le 22 novembre.

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