À l’intérieur, un huis-clos stupéfiant


La réalisation est incroyable et on tremble de manière synchronisée avec le protagoniste. À l’intérieur est un film angoissant, prenant avec un Willem Dafoe stupéfiant. Le héros reconstruit son monde et le déconstruit, seul et coupé du monde dans un appartement hyper-protégé, un cambrioleur se retrouve piégé à l’intérieur. Peu à peu, il dérive et perd pied, essayant tant bien que mal de sortir de cette prison.

La déconstruction et l’immortalité d’une œuvre d’Art

Par-delà cette idée de la déconstruction et de la reconstruction, il est également question de l’immortalité de l’Art en tant qu’œuvre majeur. La tentative d’évasion du cambrioleur se fait à l’aide d’un mobilier qu’il va utiliser et manipuler pour faire des constructions élévatrices. Son corps et son esprit mis à dures épreuves vont peu à peu revoir le monde qu’il l’entoure comme quelque chose entre empirique et onirisme.

Les divagations, les hallucinations et l’obsession de la survie, au fil du temps, plongent l’individu dans un abîme de solitude. Lorsque l’être humain est privé de la connexion sociale qui est intrinsèque à sa nature, il perd progressivement ses repères, la réalité se distord, et l’horizon temporel s’efface. La solitude, cette condition contraire à sa biologie sociale, devient une source de folie insidieuse.

La solitude, en particulier lorsqu’elle atteint un degré extrême, révèle l’importance cruciale des liens interpersonnels dans la vie de l’homme. Notre espèce est fondamentalement sociale, et notre psyché s’épanouit dans l’interaction avec autrui. Isolé, l’individu commence à ressentir un vide émotionnel, une absence d’échange et de partage qui génèrent un profond désarroi. La perte de repères temporels est symptomatique de cet isolement, car l’homme, pour qui le temps est marqué par les événements et les interactions avec son entourage, se retrouve déconnecté de sa propre temporalité. Dans cette solitude extrême, le désir primaire de survie devient la seule préoccupation, à tel point que la notion du temps se dissout, laissant place à une obsédante quête d’évasion. Il est donc crucial de reconnaître que l’homme a besoin des autres pour exister pleinement, pour maintenir sa santé mentale, et pour préserver un équilibre essentiel à son bien-être psychologique.

L’âme du lieu

Par-delà cette solitude, le lieu possède comme une forme d’identité, une présence invisible. On parle souvent d’ambiance. Ici, ce lieu agencé comme un appartement d’architecture est beau, mais terrifiant par son silence, son ergonomie non fonctionnelle. Nous sommes loin d’un appartement accueillant où il fait bon vivre, ici on a juste envie de partir et ne pas y revenir.

Pourtant, il est paradoxal de constater que ce lieu est la résidence d’un artiste. Ici, l’absence d’identité renforce une atmosphère froide, où la priorité donnée au style au détriment de la substance et l’aspect esthétique l’emportent sur la chaleur humaine. Cette ambiance ressemble beaucoup plus à une salle d’exposition ou un appartement témoin. Généralement, ces espaces sont conçus pour plaire à un large public, suivant les tendances contemporaines, mais au détriment de la personnalité et de l’authenticité. L’absence d’éléments qui racontent une histoire, qui reflètent le vécu ou la singularité de ceux qui les habitent, les condamne à une certaine neutralité, les rendant impersonnels.

Malgré l’apparence soignée de ces lieux dépourvus d’âme, tout cela rappelle la nécessité d’insuffler de la chaleur humaine et de l’individualité pour créer une véritable maison qui reflète l’identité de ses occupants. Il est intéressant de voir combien le protagoniste par la déconstruction va peu à peu donner une âme nouvelle au lieu.

En allant plus loin, hypothèse d’une œuvre ayant pour matériel le psyché et le corps.

En analysant de près le récit de ce film, une question intrigante émerge : serait-il envisageable que le propriétaire de la maison ait consciemment collaboré avec les cerveaux du cambriolage pour orchestrer une intrusion en apparence simpliste ? L’objectif ne serait alors plus uniquement la création d’une œuvre purement matérielle, mais aussi la mise en scène d’une expérience psychologique complexe. Une œuvre d’art vivante et malléable, façonnée par les interactions entre les cambrioleurs et les habitants de la maison. Cependant, cette théorie demeure à jamais indémontrable, jetant ainsi les bases d’une inquiétante incertitude qui s’immisce au cœur de ce film.

L’essence même de l’horreur de ce récit réside dans l’incapacité à confirmer ou infirmer cette hypothèse, laissant les spectateurs dans un état de perplexité à la fois fascinant et angoissant. Le doute plane sur la véritable nature de cette entreprise artistique, faisant écho à une question fondamentale : jusqu’où peut aller la création artistique, et quelles limites sont franchies au nom de l’art ? Ce film transcende les frontières traditionnelles du thriller pour nous immerger dans un univers où la psyché humaine se dévoile sous un jour à la fois intriguant et perturbant, posant ainsi les bases d’une réflexion sur l’art et son pouvoir de manipulation. L’énigme persistante qui entoure cette histoire résonne bien au-delà de l’écran, hantant les esprits longtemps après le générique de fin.

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Note : 5 sur 5.

1 novembre 2023 en salle / 1h 45min / DrameThriller
De Vasilis Katsoupis
Par Ben Hopkins
Avec Willem DafoeGene BervoetsEliza Stuyck
Titre original Inside


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