Le réalisateur Adrien Beau propose une excursion dans le cinéma de genre. Film de passionné ou à contre-courant, Le Vourdalak a tout de même un sous-texte pertinent à ne pas mettre sous silence.

Un film étrange où le réalisateur semble vouloir rendre hommage à une époque et un genre qui n’est plus trop usuel. La création de la marionnette du père nous ramène aux vieux films de genre horreur et fantastique avant l’arrivée de la 3D. Le résultat est sympathique à regarder, mais la diction vient souvent casser notre adhésion a cent pour cent au récit. Au théâtre, on appelle cela la distanciation, un concept mis en théorie par Bretch, Le Vourdalak est en plein dedans, il revient d’entre les morts pour imposer ses codes.
Le film présente cependant une photographie soigneusement travaillée pour correspondre au style des films d’époque, rappelant le Dracula de Dario Argento. Du côté de la réalisation, on peut noter une utilisation habile du hors-champ et un traitement des voix très intéressant.
Le réalisateur a véritablement investi une part considérable de sa propre essence, peut-être même un peu de son âme. Il a personnellement conçu la marionnette à taille humaine, allant jusqu’à lui prêter sa propre voix. Cette marionnette se révèle être à la fois fascinante et terrifiante, évoquant un peu celle que l’on retrouve dans la série d’anthologie bien connue, « Les Contes de la Crypte« . Une série culte de la fin des années 80, avec un squelette présentant chaque nouvelle histoire.
L’amour est un poison
Le film que nous avons entre les mains s’inspire de la nouvelle d’Alexeï Konstantinovitch Tolstoï, qui fait partie du recueil intitulé « La Famille du Vourdalak« , précédée de « Le Rendez-Vous dans trois cents ans » et suivie de « Oupires« . Ces récits captivants nous plongent dans un univers où les morts continuent d’exercer une influence sur les vivants. Ils nous rappellent que nous sommes souvent enchaînés aux coutumes et aux rituels hérités de nos ancêtres, comme le suggère le dicton d’Apollinaire : « On ne peut pas transporter partout avec soi le cadavre de son père. »
Cette maxime profonde nous invite à réfléchir à la nécessité de nous affranchir du poids du passé pour tracer notre propre chemin. Nous devons apprendre à nous détacher des traditions et des normes héritées de nos aînés afin de découvrir nos propres règles de vie et de rechercher notre bonheur selon nos propres mœurs. Le film explore cette quête de liberté et d’individualité, tout en nous rappelant que les fantômes du passé peuvent parfois nous hanter jusqu’à ce que nous ayons le courage de les affronter et de les transcender.
Cette approche est saisissante et apporte une dimension à l’idée que l’amour pouvant être une malédiction, même si le ton général est sombre, cela se reflète dans de nombreux plans tournés en plein jour. Ce contraste est magnifiquement mis en avant, notamment après une introduction intense du film, où un cadrage astucieux recentre la tension liée à un danger imminent.

Beaucoup diront que le film dévoile le point de concours entre le passé et le futur, mais n’est-ce pas cela le propos même du mythe du vampire ? Un être défiant le temps, les âges et le concept de vie et de mort. Au cinéma et dans la littérature, le point de départ est souvent l’amour et la non-renonciation à la perte de l’objet du désir. Ici, le récit dévoile combien l’amour peut agir comme une enclume, comment la curiosité est un mauvais défaut au point où cet invité se retrouve à s’éterniser dans un lieu qu’il est malaisant.
Le récit du film dresse le portrait d’un proto-vampire : Le Vourdalak (mot dérivé du grec Vrykolakas qui désigne un mort-vivant), un peu comme le Nosfertu, il revient chez lui pour hanter les gens qu’il aimait. S’imposant en mal dominant et destructeur, il va peu à peu détruire tout issue possible et pervertir tout sentiment d’amour.
Le patriarche hante les lieux et ses mêmes lieux prennent peu à peu vie. Ils vont se mouvoir et attirent les êtres à demeurer à jamais ici. Le héros tente de s’en sortir, mais on ne sait jamais s’il revient pour essayer de sauver sa belle ou est-il simplement aimanté par ce lieu maléfique.
Adrien Beau se lance courageusement dans le monde complexe du cinéma de genre, un terrain où les passionnés sont souvent critiqués. Cependant, il est essentiel de reconnaître que le cinéma français a grandement besoin de ces incursions dans le fantastique. Ces aventures cinématographiques apportent une diversité bienvenue à une industrie parfois trop habituée à un certain genre de narration. En explorant des territoires inexplorés, Adrien Beau contribue à élargir les horizons du cinéma hexagonal.
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25 octobre 2023 en salle / Fantastique
De Adrien Beau
Par Adrien Beau, Hadrien Bouvier
Avec Ariane Labed, Kacey Mottet Klein, Grégoire Colin
À voir aussi Vurdalaki, ghouls de Sergei Ginzburg
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