Lost Country se distingue par une narration habilement construite, créant un contraste saisissant entre le début paisible du film et les manifestations étudiantes explosant en tumulte. Au cœur de cette intrigue se trouve Stephan, le dernier héros romantique de son pays, dont le conflit intérieur incarne parfaitement le paradoxe entre justice, politique et morale. Le récit dévoile de manière cruellement poétique les tensions déchirant la nation, qui se reflètent de manière poignante dans les conflits intérieurs de Stefan, symbolisant ainsi la dualité d’une nation en crise.

La relation mère-fils au centre de l’histoire reflète le désarroi d’une jeunesse perdue, portant de grandes attentes envers les adultes, mais doutant de plus en plus de leur capacité à incarner le changement et à offrir un avenir meilleur. Stefan se retrouve ainsi face à un dilemme insurmontable, oscillant entre ses idéaux idéalistes de jeunesse et son amour complexe pour sa mère politicienne corrompue. Ce conflit interne l’amène au bord du précipice, incapable de trouver un équilibre entre ses aspirations personnelles et les compromis politiques de sa famille.

Le cinéma a toujours été un moyen puissant de mettre en lumière les conflits intérieurs et les tensions sociales, et le film Lost Country ne fait pas exception. Réalisé par Vladimir Perišić, ce long métrage nous transporte en Serbie en 1996, une période marquée par des manifestations étudiantes contre le régime de Milošević. Au cœur de cette histoire se trouve Stephan, un adolescent de 15 ans, dont le conflit intérieur se révèle être le pivot central du film.

Une jeunesse en révolte

Les années 90 en Serbie étaient une époque de bouleversements politiques, de répression et de luttes pour la démocratie. Le film nous plonge au cœur de ces manifestations étudiantes, où les jeunes Serbes exprimaient leur mécontentement face à un régime autoritaire dirigé par Slobodan Milošević. C’était une période où l’idéalisme de la jeunesse se heurtait à la répression du pouvoir en place.

Stephan incarne cette jeunesse en révolte. Il est le dernier héros romantique serbe, déchiré entre ses convictions idéalistes et son amour profond pour sa mère, une politicienne corrompue. Sa tentative de compréhension aux manifestations étudiantes est le reflet de son désir de changement, de justice et de démocratie, des valeurs auxquelles il croit avec ferveur. Cette révolte adolescente, filmée avec une sensibilité poétique, montre à quel point les jeunes étaient prêts à se battre pour un avenir meilleur.

Il essaie de comprendre le fonctionnement de la politique, il veut conjuguer avec ses aspirations et ses idéaux. Mais c’est difficile de concilier l’Amour, l’idéalisme et le mur de la réalité politique.

Le paradoxe entre la Justice, la Morale et la Politique

Le personnage de Stephan incarne le paradoxe constant entre la quête de justice, la morale personnelle et la réalité politique. Alors qu’il aspire à un monde meilleur, il est confronté à sa propre mère, une politicienne corrompue, qui fait partie intégrante du régime de Milošević. Ce conflit intérieur déchirant représente le dilemme entre les idéaux personnels et les compromis politiques au sein de sa propre famille. Il y a quelque chose de très Shakespearien et ce dilemme entre deux oppositions se faisant conflit. Être ou ne Pas Être, être un bon fils aimant et soutenant sa mère ou se battre pour ses idées et la voie de la jeunesse.

La politique, la corruption et la quête de pouvoir sont des thèmes centraux du film. La mère de Stephan incarne l’aspect sombre du régime, où la morale est mise de côté au profit de l’ambition politique. Le film explore les conséquences de ces compromis sur la jeunesse idéaliste et sur la société dans son ensemble.

Comment croire en l’avenir si notre propre mère nous ment et nous déçoit

L’un des aspects les plus déchirants du conflit intérieur de Stephan est sa relation complexe avec sa mère. Comment peut-il croire en un avenir meilleur lorsque sa propre mère lui ment et le déçoit en participant à la corruption politique ? Cette question souligne la complexité des liens familiaux dans un contexte politique difficile.

Lost Country dévoile de manière poignante la dualité d’une nation en crise à travers les luttes personnelles de Stephan. Le film explore les thèmes universels de la jeunesse en révolte, de la quête de justice, de la moralité et de la politique. Stephan incarne à la fois l’idéalisme de la jeunesse et la tragédie de la compromission politique, faisant de lui le dernier héros romantique serbe, confronté à des dilemmes moraux impossibles. Le film montre progressivement comment le jeune ado qui a construit toute sa vie autour de sa relation avec sa mère, va peu à peu comprendre qu’elle ne fait pas forcément des choses justes. Il y a comme une forme de déchirure du voile de l’illusion. De ce fait, Stephan se retrouve confronté à la réalité qu’il ne peut plus nier. Le poids de la culpabilité est assez lourd, et il doit affronter l’idée que tout ce qu’il a défendu au nom de la politique et de la justice reposait en grande partie sur le mensonge.

De plus, il entretient une relation toxique avec sa mère incarnée par JASNA DJURICIC. Cette mère place dans un cocon son fils et cherche à préserver cette illusion, car elle a besoin de se persuader que ses décisions sont les bonnes et qu’elle reste quelqu’un d’intègre. Cette dynamique relationnelle est à l’image de beaucoup de relations où nous dépendons de 3 principes de réalité : La réalité, celle qu’on imagine et celle que les gens imaginent. Quand la réalité fantasmagorique s’effondre la nôtre se retrouve à nu face à un monde qui a existé malgré nous. On doit alors faire un travail d’adaptation et le deuil des désirs et de projets construit dans une réalité qui n’existe pas.

Lost Country est porté à l’écran par l’acteur JOVAN GINIC, il possède un jeu touchant et incarne un Stephan marquant et symbole d’une jeunesse. Le film repose sur les conflits intérieurs et les luttes pour un avenir meilleur, qui sont des éléments inhérents à la condition humaine. L’adolescence est une période de conflit et de lutte entre notre vision du monde, celle de nos parents et Lost Country pose ce conflit psychologique, biologique dans une nation en crise. Cette analogie permet une réflexion profonde sur la complexité de la politique, de la morale et des relations familiales dans un contexte tumultueux. Le film mérite sans aucun doute d’être découvert au cinéma pour sa puissance narrative et son exploration émotionnelle.

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11 octobre 2023 en salle / 1h 38min / Drame
De Vladimir Perišić
Par Alice Winocour, Vladimir Perišić
Avec Jovan Ginic, Jasna Djuricic, Miodrag Jovanović

La révolte en Serbie de 1996 était un mouvement de protestation populaire contre le régime autoritaire de Slobodan Milošević, qui avait été au pouvoir depuis les années 1980. Les manifestations massives ont été déclenchées par des allégations de fraude électorale lors des élections municipales à Belgrade. Les Serbes, dirigés par des figures de l’opposition politique telles que Vuk Drašković, ont occupé les rues de Belgrade pendant plusieurs semaines, exigeant des élections justes et la fin de la répression politique. Bien que le régime de Milošević ait réprimé violemment les manifestations à plusieurs reprises, la pression internationale et la détermination du peuple serbe ont finalement conduit à la reconnaissance des résultats électoraux légitimes et au retrait de Milošević du pouvoir en 2000, marquant un tournant crucial dans l’histoire politique de la Serbie.