Après le format série, le réalisateur Arnaud Malherbe nous propose dans un long métrage traitant de ces monstres cachés dans le noir, de ces peurs que l’on sacralise pour rire le soir au coin du feu. Pourtant, en grattant bien, ce film parle surtout de la peur d’être dévoré par un inconnu, plus précisément un Homme.

La figure du père absent :
Ce père est absent, pourquoi ? A-t-il été violent avec la mère ou le fils, c’est ce que l’on peut déduire des différents moments où l’on parle de ce fantôme avec peur et terreur : « Il ne nous fera plus de mal ». Soudain, un autre homme arrive pour briser ce duo fusionnel, il est rustre et ne prend pas forcément des gants avec ce garçon traumatisé et abimé.
Un ogre vampirisant nos peurs :
Le réalisateur avoue avoir utilisé les craintes de sa propre enfance et aussi les différentes histoires que l’on se raconte en vivant à la campagne.
La force de ce film est de reprendre un lieu commun inépuisable, celui de la famille citadine arrivant à la campagne et d’y confronter des contes pour enfant, sans user du poids de la narration habituelle. La grande différence avec les films d’horreur ou de genre réside dans sa conclusion. Habituellement, le film se termine sur une victoire contre le mal et un retour à la ville, ici non. Le film semble principalement se focaliser sur une analyse psychanalytique des peurs de l’enfance, en laissant de côté les codes et les règles du film de genre.
La plus grande force de ce monstre, c’est qu’il n’est qu’un fantasme, un assemblage des différentes craintes de Jules. Comme le dit sa mère, il faut cesser d’en parler, car à chaque fois qu’il évoque ses peurs, il lui donne un peu plus de force et de matières. La peur est un puits sans fond qui s’alimente de notre quotidien et de nos désirs.

Un ogre incestueux :
La figure de l’Ogre en psychanalyse est intéressante, l’Ogre mange des êtres vulnérables avant qu’ils ne grandissent et ne puisse le destituer. Tout son pouvoir repose sur cette peur qu’il inspire et ce néant qui l’entoure. L’Ogre n’a aucun pouvoir autre que cette crainte qu’il impose. Dans ce film, on remarque que l’enfant le fuit, mais celui-ci ne l’attaque jamais vraiment. Il joue avec lui et il y a un côté presque malsain et incestueux dans sa représentation.
Oui, car l’Ogre est cette figure du Mal dominant et paternel qui va manger sa progéniture pour être certain de garder le pouvoir. L’aspect incestueux est renforcé par ces nombreuses scènes se déroulant dans la chambre, loin des regards de la mère. Cet Ogre survient par derrière et se cache tapis dans l’ombre. En allant dans ce sens, on peut se demander quel est le crime véritable commis par le père ? Pourquoi il y a autant de tabou sur cette vie passée ?

Dans ce film, il y a également ce casting parfait avec Ana Girardot qui campe le rôle d’une mère protectrice. Il y a par ailleurs ce jeune acteur GIOVANNI PUCCI qui offre une prestation saisissante. On a déjà pu le voir au cinéma dans SOL, PIÉGÉS et à la télévision dans la 19e saison de JOSÉPHINE, ANGE GARDIEN.
En salle le 20 avril 2022 • durée 1h 43min Genre : Drame, Fantastique
Réalisation Arnaud Malherbe
Distribution The Jokers / Les Bookmakers