Détours – Un voyage intérieur vers la mémoire et la présence


Entre documentaire et quête spirituelle, Détours de Philippe Petit explore la mémoire, la filiation et le rôle des aidants. Un voyage intérieur bouleversant où la présence devient un acte d’amour face à l’oubli. Sortie nationale le 8 octobre 2025 avec Les Films de l’Atalante.

Avec Détours, Philippe Petit signe une œuvre à la fois intime et universelle, entre documentaire et quête existentielle. Parti de Paris pour Toulouse afin de retrouver sa mère Bernadette Petit, atteinte d’une maladie neurologique dégénérative, le cinéaste entame un périple aussi géographique que psychique. À mesure qu’il avance, les souvenirs affluent, le présent se trouble, et les images s’entrechoquent. Ce voyage devient le miroir d’un esprit en reconstruction, d’un fils qui cherche à comprendre sa place d’aidant, d’enfant et d’homme. Détours interroge la mémoire, la filiation et le pouvoir du simple fait d’être là, dans l’instant, auprès de ceux qui s’effacent.

Un pèlerinage physique et psychologique

Dans ce film soutenu par l’ACID, Philippe Petit met en scène son propre retour vers le Sud, comme une traversée du temps. Il apprend la maladie de sa mère, Bernadette, et décide de reprendre contact avec son frère, ses amis, et ses souvenirs. Chaque rencontre devient une halte, une respiration, une étape symbolique du chemin de Saint-Jacques, où l’on marche autant vers l’autre que vers soi.

Ce périple s’ancre dans la réalité des paysages, mais se déploie sur plusieurs plans : le réel, l’onirique et la mémoire. Le réalisateur mêle images d’archives, tournages récents et fragments mentaux, parfois captés avec son téléphone, pour créer une polyphonie visuelle. Ces strates d’images traduisent l’impermanence : les visages changent, les corps se figent, la voix se fait tremblante.

Autour de Philippe Petit, on retrouve Pierre-Félix Gravière, Lucas Manganelli, Thomas Winter, Eric Petit, et bien sûr Bernadette Petit, véritable pivot du récit. Le film ne se contente pas de filmer une maladie, il capte la circulation invisible de l’amour et du souvenir. Les choix de mise en scène – plans fixes, caméra embarquée, images mentales – révèlent une volonté de brouiller les frontières entre présent et passé, raison et émotion. Détours devient une œuvre miroir : celle d’un homme qui observe sa propre désorientation pour tenter d’y voir plus clair.


Les aidants qui se perdent à travers leur(s) proche(s)

Sorti symboliquement pendant la Semaine des Aidants, Détours résonne comme une lettre ouverte à tous ceux qui accompagnent un proche malade. Le film met en lumière cette zone grise où l’on devient « l’adulte de son parent », sans en avoir vraiment choisi le rôle. Philippe Petit évoque avec une grande pudeur le poids invisible de cette mission : le désarroi, la fatigue morale, mais aussi la dignité de ceux qui restent présents malgré tout.
À travers sa caméra, il observe comment le quotidien se fragmente, comment l’amour filial se heurte à la peur de l’hérédité et au vertige de la perte. La scène de la salle de bain, envahie par la buée et la vapeur, devient une métaphore de la mémoire qui s’efface, de l’esprit qui cherche ses repères dans le brouillard des jours.
Le film rappelle aussi cette réalité souvent passée sous silence : ce sont fréquemment les plus fragiles, économiquement ou émotionnellement, qui endossent le rôle d’aidant. Ceux qui, malgré leurs propres fêlures, trouvent la force d’accompagner. Le réalisateur filme cette tendresse brute, ce courage sans éclat. Les moments partagés entre lui et Bernadette Petit incarnent la beauté du simple fait d’être là, de tenir la main, d’écouter encore.
Détours n’est pas un film sur la maladie, mais sur la présence. Il parle de ceux qui marchent sans carte, qui avancent dans la brume pour ne pas perdre le lien. Un hommage sobre, essentiel et profondément humain.


Un film sur la mémoire du vivant et de l’instant

Le film est le pèlerinage d’un homme à la mémoire vacillante. À travers ce moment d’égarement, il va chercher à comprendre l’essence spirituelle et psychologique, ce qu’il est au plus profond.

La scène dans la salle de bain est puissante, on y montre de la buée et vapeur d’eau qui va troubler la perception, rendant impossible d’y voir clair. C’est un fort symbole, celui d’une mémoire embrumée.

On aime aussi la manière de montrer le quotidien de ces aidants, qui vont devenir celui qui va suivre un parent, malgré des frères et sœurs présents, mais qui choisissent l’évitement. Étrangement, c’est toujours celui qui est perdu et en fragilité émotionnelle ou économique qui se retrouve à tenir ce rôle. Détours montre sans détours la fragilité et la peur face l’hérédité, mais aussi la force d’un fils qui va continuer à tenir un rôle clé dans la vie d’une mère malade. Les séquences où ils sont tous les deux révèle un pouvoir incontesté, celui de la présence. La simple présence d’un proche peut rendre la vie plus belle, malgré l’oubli et la maladie.

La journée des aidants 2025 se tiendra le 6 octobre 2025. Elle vise à sensibiliser le public sur le rôle crucial des proches aidants, souvent méconnus et sous-ressourcés, qui accompagnent régulièrement et gratuitement des personnes en perte d’autonomie, malades ou en situation de handicap. Cette journée, instaurée en 2010, met en lumière la nécessité de reconnaître, soutenir et accompagner ces aidants, en valorisant leur engagement et en rappelant l’importance de dispositifs d’aide adaptés, notamment en matière de répit et d’aides financières. Des événements variés sont organisés partout en France pour renforcer leur visibilité, favoriser l’échange et faire progresser leurs droits.

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Note : 4.5 sur 5.

8 octobre 2025 en salle | 1h 07min | Documentaire
De Philippe Petit | 
Par Philippe Petit


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