Stups – Marseille, le Sud et la justice de lutte contre les trafics de drogues


Avec Stups, Alice Odiot et Jean-Robert Viallet ouvrent les portes du Tribunal de Marseille pour dévoiler un théâtre social où se joue la misère d’une jeunesse sacrifiée. Derrière chaque prévenu se cache une histoire de pauvreté, d’addiction et de solitude, révélant une justice débordée qui tente de comprendre autant qu’elle sanctionne. Un documentaire coup de poing qui confronte notre société à ses propres failles, sans faux-semblants ni complaisance.

Avec Stups, Alice Odiot et Jean-Robert Viallet poursuivent leur travail entamé avec Des Hommes, en s’immergeant cette fois dans les couloirs du Tribunal de Marseille. La caméra franchit les portes des geôles, observe les comparutions immédiates et capte ces instants où tout bascule : l’attente, la peur, le face-à-face avec le juge. Ce documentaire ne cherche pas à édulcorer, mais à confronter. Derrière chaque dossier de stupéfiants se dessinent des vies cabossées, des existences marquées par la pauvreté, les dettes, les addictions. Entre tension dramatique et moments inattendus de comédie, le film révèle une justice débordée et des prévenus qui, souvent, ne sont que les rouages les plus fragiles d’un système implacable.

Marseille, le Sud et ses problèmes liés aux trafics de drogues

Le Tribunal de Marseille devient la scène d’un théâtre social où se croisent juges, prévenus, avocats et enquêteurs sociaux. Dans les geôles, l’attente avant l’audience concentre les peurs et les regrets. Les jeunes adultes rencontrés, parfois à peine sortis de l’adolescence, sont déjà happés par la spirale du trafic : guetteurs, nourrices, petites mains invisibles des réseaux. Certains enchaînent comparutions immédiates et séjours aux Baumettes, incapables de rompre avec un environnement où la drogue structure le quotidien et impose ses codes. Les femmes, réduites au rôle de transport ou de nourrices, apparaissent comme les plus vulnérables de cette hiérarchie souterraine. Face à eux, des magistrats débordés, mais souvent investis, oscillant entre fermeté et patience, conscients d’avoir en main des existences brisées plus que des criminels aguerris. Le film montre ces confrontations brèves, intenses, où chacun tente de sauver sa peau, d’affirmer une vérité, et où se joue l’équilibre fragile entre sanction, compréhension et espoir de réinsertion.


La justice et la misère économico-sociale

Stups ne dresse pas seulement un constat sur l’économie des stupéfiants, il interroge le rôle et la limite de la justice dans une société fracturée. Alice Odiot et Jean-Robert Viallet filment les audiences comme des huis clos où s’affrontent deux solitudes : celle du juge, contraint de décider dans l’urgence avec des moyens insuffisants, et celle du prévenu, souvent prisonnier d’une misère sociale qui dépasse ses propres choix. La mise en scène joue sur cette tension : la caméra s’approche au plus près des visages, capte les souffles, les hésitations, les éclats de voix. Tout en respectant l’éthique documentaire, les réalisateurs assument la dimension cinématographique du tribunal, un espace où chacun se met en scène, parfois avec une naïveté désarmante.

Le film met en évidence un système saturé : 29 minutes d’audience en moyenne pour décider d’un destin, des juges confrontés à la récidive, des foyers de placement saturés et une prison qui devient paradoxalement un lieu de recrutement. Les réalisateurs montrent que la justice punitive ne suffit pas : sans politique éducative et sociale, la boucle infernale se répète. Leur caméra révèle que derrière chaque “petit travailleur du shit” se cache un enfant abandonné, un adulte brisé, une femme sous emprise. La misère devient un terreau où les réseaux prospèrent, exploitant les plus fragiles comme de véritables esclaves modernes.

L’intention n’est pas de dédouaner, mais de rendre visible. La justice, ici, apparaît à la fois digne et impuissante : digne car elle tente, avec humanité, de comprendre et protéger ; impuissante parce qu’elle manque de moyens face à une économie parallèle qui assure la paix sociale dans certains quartiers. En filmant ces instants sans filtre, Les deux réalisateurs veulent provoquer une prise de conscience : il ne s’agit pas seulement de juger, au contraire de questionner un modèle de société qui produit sa propre marginalité. Le documentaire, monté “au couteau” par Catherine Catella, impose un rythme sec, sans digression, et transforme chaque comparution en miroir de nos contradictions collectives.

Plongeon dans un palais de justice

Le film nous plonge dans cette zone inconnue, celui de prévenu et du juge, face à face. Rapidement, on est face à une forme de malaise où l’on cherche à comprendre comment des jeunes vont encore et encore refaire les mêmes erreurs. Pourquoi ces jeunes ou des gens font ces crimes et délits ? Pour un paiement cash et immédiat. Les jeunes veulent gagner rapidement cet argent que le circuit légal ne donne pas sans un délai insupportable. 

La majorité des prévenus sont des êtres perdus ou livrés à eux même. Certains ont un casier dès 18 ans et n’arrivent pas à se réinsérer dans une société où l’on refuse d’aider les repris de justice. On a une réelle difficulté à se reconstruire, la réinsertion est difficile et s’ajoute à cela la précarité, les addictions.

Une justice punitive n’aide pas à l’éducation ou la prévention d’une rechute. On dit que la justice réparatrice permet d’éviter les récidive. Pourtant, rarement appliquée en France et parfois la justice finit par préférer la punition à l’éducation de peur que le message ne passe pas.

Les jeunes et les personnes fragiles, les esclaves d’un système

Les petites mains sont des esclaves d’un système dans lequel les salaires journaliers sont des miettes en cas d’arrestation. En effet, le taux horaire en cas de prison est minable, même un esclave gagnerait mieux sa vie. On touche beaucoup d’argent d’un seul coup, ce n’est pas de la richesse, malheureusement une misère.  800€ pour une journée de guetteur, si une arrestation a lieu, le bénéfice-risque est disproportionné ! 

La majorité des prévenus semble être des jeunes adultes inconscients de leur acte. Pour eux, dealer et approvisionner est plus grave, or les nourrices et guetteur prennent tout autant. Face à nous se livrent des grands enfants qui sont toujours dans un conflit avec l’autorité et une faible tolérance aux ordres et à la frustration ! 

Un film à mettre entre toutes les mains pour comprendre le quotidien et le système, qui est pourtant partout autour de nous. On doit trouver comment guérir, protéger pour éviter une rechute, mais il est compliqué de déraciner certaines personnes de leur quartier et leur famille ! 

Stups est un miroir brut : il ne raconte pas l’exception, mais l’ordinaire d’une société fissurée. Les juges cherchent des solutions dans l’urgence, les prévenus rejouent une tragédie sociale déjà écrite. Derrière les geôles, ce sont nos contradictions collectives qui apparaissent. Le film frappe parce qu’il refuse l’illusion : la justice n’est pas toute-puissante, elle est humaine, fragile, parfois impuissante. Un coup de projecteur salutaire sur un système qui punit plus qu’il ne répare, mais qui rappelle aussi qu’on ne construit rien en fermant les yeux.

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Note : 5 sur 5.

1 octobre 2025 en salle | 1h 26min | Documentaire
De Alice Odiot, Jean-Robert Viallet | 
Par Alice Odiot, Jean-Robert Viallet


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