Dans Regarde, Emmanuel Poulain-Arnaud réunit Audrey Fleurot, Dany Boon et Ewan Bourdelles dans une comédie dramatique solaire. Entre rires et larmes, un couple séparé se retrouve pour accompagner leur fils Milo, atteint d’une maladie rare qui le mène vers la cécité.
Avec Regarde, Emmanuel Poulain-Arnaud signe une comédie dramatique solaire, où l’humour se glisse dans la faille des drames intimes. Le film raconte l’histoire de Milo, 16 ans, confronté à une maladie rare qui le condamne à perdre progressivement la vue. Face à cette épreuve, ses parents séparés – incarnés par Audrey Fleurot et Dany Boon – doivent mettre de côté rancunes et blessures pour l’accompagner dans un dernier voyage initiatique. Tourné entre éclats de rire et larmes contenues, Regarde ne se contente pas d’émouvoir : il célèbre l’instant présent, la transmission et l’art d’apprendre à voir autrement.
Quand un drame resserre les liens de deux ex-conjoints.
Chris et Antoine, divorcés depuis des années, n’ont en commun que leur fils Milo, adolescent plein de vie. Lorsque les médecins diagnostiquent chez lui une rétinite pigmentaire, maladie dégénérative irréversible, leurs univers s’effondrent. Entre le choix d’un avenir en école spécialisée et le désir de lui offrir ses plus beaux souvenirs avant qu’il ne plonge dans l’obscurité, les parents s’opposent mais trouvent un terrain fragile de réconciliation. Milo, interprété par Ewan Bourdelles, devient le cœur battant de l’histoire : un jeune qui doit renoncer à l’insouciance de l’adolescence pour apprivoiser l’ombre. Autour de lui gravitent des personnages aussi tendres que cabossés : le grand-père (Nicolas Marié), figure joyeuse et bourrue, Isabelle (Camille Solal), la nouvelle compagne maladroite du père, et Nina (Amalia Blasco), l’amour perdu qui symbolise les regrets d’un premier attachement. Chaque rôle, principal ou secondaire, contribue à dresser le portrait d’une famille en reconstruction.

Notre avis
Regarde d’Emmanuel Poulain-Arnaud est cette petite surprise où l’on voit beaucoup dans la bande-annonce, mais le film en offre encore plus !
Le trio Audrey Fleurot, Dany Boon et Ewan Bourdelles fonctionne. Ewan Bourdelles nous avait séduit dans Juniors, là il nous scotche à notre siège. Quant à ses deux parents de fictions, ils forment un ex-couple à la dérive qui se redécouvre à travers une épreuve. L’autre révélation du film, Amalia BLASCO, qui incarne l’ex-petite amie dont Milo n’a jamais vraiment fait son deuil.
Au cœur d’une famille en miettes
Le film explore la fragilité d’une cellule familiale fracturée par le temps, mais contrainte de se ressouder face à l’adversité. Chris et Antoine, incarnés par Audrey Fleurot et Dany Boon, s’étaient éloignés l’un de l’autre jusqu’à ne plus partager qu’un quotidien fragmenté autour de leur fils. L’annonce de la maladie agit comme un électrochoc : confrontés à l’urgence, ils se retrouvent contraints d’inventer une nouvelle complicité. La mise en scène choisit de filmer leurs maladresses, leurs silences, leurs colères, mais aussi ces instants fugaces de tendresse qui ressurgissent malgré tout. Milo devient à la fois l’otage et le catalyseur de ce duo parental en quête d’équilibre. Le film rend palpable cette tension universelle : comment protéger un enfant sans étouffer son désir de liberté ? Comment accepter que l’avenir soit limité, tout en insufflant l’espoir ?
L’autre force du récit tient à la pluralité des regards : celui de Chris, la mère débordante d’énergie, qui croit que le bonheur se cueille dans l’instant ; celui d’Antoine, le père pragmatique qui veut préparer son fils à l’autonomie coûte que coûte ; et enfin celui de Milo, qui, au seuil de l’âge adulte, doit apprendre à faire sien un horizon qui se rétrécit. Le réalisateur souligne avec finesse que la maladie n’appartient pas qu’au malade : elle redessine la trajectoire de tous ceux qui gravitent autour. Le grand-père, interprété par Nicolas Marié, apporte une respiration tendre et décalée, tandis que Nina, jouée par Amalia Blasco, incarne la blessure d’un premier amour interrompu. Regarde ne verse jamais dans le pathos : il privilégie une lumière solaire, un humour discret, un ton juste qui capte les nuances de l’âme humaine. La famille en miettes n’est pas ici une tragédie figée, mais un matériau fragile que le film tente de recoller, morceau par morceau, par l’amour, même cabossé.

Né d’une expérience personnelle
L’idée de Regarde s’enracine dans l’expérience personnelle et la sensibilité du cinéaste. Confronté dans sa jeunesse à la maladie et à la perte, le réalisateur a toujours cherché à traiter la santé par le prisme de la comédie, persuadé que la lumière se cache dans les failles du drame. S’il n’est pas à l’origine du scénario, il en a immédiatement reconnu la justesse : l’histoire d’un adolescent qui perd la vue résonnait avec ses propres questionnements. Avant même le tournage, l’équipe s’est rapprochée de l’Institut National des Jeunes Aveugles, permettant aux acteurs – en particulier Ewan Bourdelles – de rencontrer des patients, d’expérimenter leur quotidien et de nourrir leur jeu d’une vérité concrète.
Le casting s’est imposé comme une alchimie rare. Audrey Fleurot, séduite par le mélange d’humour et de gravité, a trouvé dans Chris un rôle moderne et nuancé, inversant les archétypes traditionnels. Dany Boon, attendu dans un registre plus comique, surprend par sa sobriété et son intensité dramatique. Leur duo inédit forme la colonne vertébrale du récit. Mais la véritable révélation reste Ewan Bourdelles, dont la fraîcheur et le naturel apportent au personnage de Milo une profondeur bouleversante. Autour d’eux, Amalia Blasco et Nicolas Marié complètent un tableau où chaque personnage existe pleinement. La photographie de Nicolas Gaurin, pensée comme une progression vers la lumière au fur et à mesure que Milo sombre dans l’ombre, parachève l’ensemble. Le tournage dans les Landes, avec ses vagues et sa « golden hour », ajoute enfin une dimension sensorielle qui illustre la quête de Milo : affronter la noirceur par l’élan vital. Regarde est né de cette volonté d’un cinéma humain, où la comédie et le drame cohabitent avec sincérité et pudeur.
Un film didactique et poétique
Un autre aspect marquant de Regarde réside dans son ancrage dans le réel grâce à la collaboration avec l’Institut National des Jeunes Aveugles. Ewan Bourdelles a ainsi pu rencontrer des patients, échanger avec des psychologues et expérimenter la rétinite pigmentaire à travers des lunettes reproduisant la perte de vision. Cette immersion a nourri son interprétation, apportant une vérité rare à chaque geste, chaque regard. Le film gagne ainsi en authenticité, dépassant le simple drame familial pour témoigner d’une réalité partagée par des milliers de jeunes.
Le tournage dans les Landes et l’introduction du surf offrent un souffle poétique fort. Emmanuel Poulain-Arnaud a voulu capter cette « golden hour » où la lumière sublime l’instant, en contrepoint à l’obscurité croissante de Milo. Le surf devient symbole de vitalité et d’espérance, une promesse lumineuse avant la nuit. Cette recherche visuelle, portée par Nicolas Gaurin, se double d’une direction d’acteurs fondée sur l’épure : demander toujours « moins » pour atteindre le vrai. Même les seconds rôles, de Camille Solal à Rita Benmannana, trouvent leur espace et confirment la volonté du cinéaste de donner à chacun une trajectoire pleine et sincère.
Le réalisateur ancre Regarde dans une démarche intime, nourrie de son propre rapport à la maladie et à la perte. Chaque film qu’il signe semble prolonger cette réflexion : comment transformer la brutalité de la vie en récit lumineux. Ce troisième long-métrage s’inscrit dans cette cohérence, où l’expérience personnelle se fait moteur de création. Plutôt qu’un simple drame, le réalisateur offre un cinéma de transmission, où la fragilité devient une force et l’humour, une résistance.
Regarde – Une comédie touchante qui nous ouvre les yeux sur des détails qu’on finit par trouver trop évidents.
____________
17 septembre 2025 en salle | 1h 31min | Comédie dramatique
De Emmanuel Poulain-Arnaud |
Par Emmanuel Poulain-Arnaud
Avec Audrey Fleurot, Dany Boon, Ewan Bourdelles
En savoir plus sur Direct-Actu.fr le blogzine de la culture pop et alternative
Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.


Une réflexion sur “Regarde, Emmanuel Poulain-Arnaud nous entraine dans une comédie dramatique efficace et touchante”