À travers les écoles rurales ukrainiennes, Premières classes de Kateryna Gornostai filme l’apprentissage au cœur de la guerre : un documentaire intime, puissant et bouleversant.
Dans un pays marqué par la guerre, où chaque jour peut basculer dans l’incertitude, l’école devient un espace de résistance. Premières classes, le nouveau documentaire de Kateryna Gornostai, filme avec pudeur et intensité ce quotidien suspendu, entre apprentissages et menaces d’attaques. Plus qu’un témoignage, le film devient une archive vivante de l’enfance confrontée à l’impensable, une chronique de la dignité humaine en temps de chaos. En deux heures d’images intimes et fragiles, la réalisatrice capte l’équilibre précaire entre la persistance des rituels scolaires et le bruit sourd d’une guerre toujours tapie en arrière-plan.

L’école rurale Ukrainienne
Premières classes nous plonge au cœur des écoles rurales ukrainiennes, là où enseignants et élèves tentent de préserver une normalité, malgré les coupures d’électricité, les alertes aériennes et les bruits du front. Le documentaire nous rappelle que maintenir les classes ouvertes est un acte de résistance face à l’oppression. Kateryna Gornostai, née à Loutsk en 1989, a déjà marqué le cinéma européen avec Stop-Zemlia, couronné à la Berlinale 2021. Formée au documentaire puis attirée par les formes hybrides, elle revient ici à une observation brute, au plus près des corps et des silences. Engagée, sensible, mais sans pathos, son regard transforme l’école en miroir d’un pays qui lutte pour sa survie.
Un film sur un peuple en guerre, mais qui apprend
Un film touchant dans la qualité du choix de ses cadrages, nous plaçant au cœur de plusieurs classes. On vit la guerre dans le cocon perméable qui laisse passer toutes les craintes autour de la guerre. Cependant, la guerre est au cœur de toutes les conversations et même en maternelle.
L’école devient une forme de bunker où l’on apprend des valeurs contrastées : La tolérance, l’Humanité et en face de cela la culture de la guerre, de la défense et des armes. On a une forte présence de l’enseignement de l’anglais et des humanités, venant contraster avec l’enseignement de la défense et de l’armement.
On aime le film pour son rythme et découpage par pallier. Le fait d’ajouter à chaque fois la distance nous séparant du front dispersé, permet de sentir la pression sous-jacente, et la fausse insouciance comme celle du bal de fin d’année.

Un documentaire immersif
Le documentaire a été conçu comme une immersion, entre observation discrète et captation urgente des événements. L’initiative est née de l’ONG Osvitoria, engagée dans la défense des enseignants, qui a sollicité Kateryna Gornostai début 2023. Rapidement, l’approche classique de l’entretien a été abandonnée pour privilégier une observation sensorielle : capter les regards, les silences, les gestes ordinaires dans un contexte extraordinaire. Aux côtés de son chef opérateur Sashko Roschyn, la cinéaste s’efface pour laisser parler la vie : les élèves qui descendent dans les abris lors d’une alerte, une leçon improvisée de médecine tactique donnée par un soldat, ou encore le contraste entre la légèreté d’un bal et la lourdeur d’une guerre omniprésente.
Le tournage, qui s’est étendu d’avril 2023 à juin 2024, épouse le rythme de l’année scolaire, de la rentrée à la remise des diplômes en ligne, notamment pour une école de Bakhmout. La musique originale d’Alexey Shmurak, interprétée par un trio de vocalistes, renforce ce sentiment d’intimité et de vulnérabilité. On ne peut que souligner la dédicace à la fin du film, adressée au frère de Kateryna Gornostai, elle apporte une dimension profondément personnelle à l’œuvre. Elle rappelle que ce témoignage collectif résonne aussi dans l’histoire intime de la réalisatrice, inscrivant Premières classes à la croisée entre mémoire familiale et devoir universel de transmission.
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10 septembre 2025 en salle | 2h 05min | Documentaire
De Kateryna Gornostai |
Par Kateryna Gornostai
Titre original Strichka chasu
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2 réflexions sur “Premières classes de Kateryna Gornostai – L’école d’un pays en guerre”