Together – L’autre est comme une drogue qui nous efface


Entre mythe platonicien et horreur contemporaine, Together avec Alison Brie et Dave Franco explore la fusion physique et psychique du couple. Entre passion et effacement de soi, le film mêle psychanalyse et culture pop dans un huis clos aussi troublant que fascinant.


Together, réalisé par Michael Shanks, sortira en France le 13 août 2025 et réunit à l’écran Alison Brie et Dave Franco, couple à la ville comme à l’écran. Ce film d’horreur surnaturel ose un sujet rarement exploré : la fusion totale d’un couple, autant sur le plan physique que psychique. Isolés à la campagne, les deux protagonistes voient leur amour et leur individualité mis à mal par une force mystérieuse qui menace de les unir dans une entité unique. Entre body horror viscéral et drame psychologique, Together aborde la question de l’identité, de la dépendance affective et du désir inconscient d’union absolue. Porté par deux acteurs complices et par une réalisation audacieuse, il s’impose comme une proposition à la fois originale et perturbante, à mi-chemin entre l’allégorie romantique et l’horreur corporelle.

De quoi ça parle TOGETHER

Tim et Millie, en couple depuis plusieurs années, quittent la ville pour s’installer à la campagne. L’isolement, censé ressouder leur lien, réveille tensions et fragilités. Une force surnaturelle s’immisce alors dans leur quotidien, affectant leur santé mentale et physique. Peu à peu, leurs corps et leurs esprits commencent à se confondre, effaçant toute frontière entre eux. De partenaires, ils deviennent un être unique, pris au piège d’un cauchemar où amour, possession et destruction s’entremêlent.

Le couple : extension de soi ou dilution dans un nous

La dynamique entre Tim et Millie illustre un paradoxe fondamental du lien amoureux : l’envie de fusionner avec l’autre pour former un « nous » indissoluble, et la nécessité de préserver son identité propre. Dans Together, cette tension est portée à son paroxysme par une menace surnaturelle qui transforme une quête d’unité affective en une dissolution totale des frontières individuelles.
Au départ, la décision de s’isoler à la campagne est un geste d’amour, un retour à l’essentiel. Mais le huis clos agit comme un révélateur : les microfissures du couple s’élargissent, les fragilités personnelles s’exposent. La dépendance émotionnelle s’intensifie, jusqu’à ce que l’inexplicable force extérieure agisse comme un catalyseur. La métaphore devient alors littérale : les corps se transforment, se fondent l’un dans l’autre. L’extension du « moi » par amour glisse vers une absorption totale dans un « nous » organique et irréversible.
Dans cette fusion, la question identitaire prend une dimension angoissante : qui est encore « Tim » ? Qui est « Millie » ? Cette perte de repères est au cœur de l’horreur du film. Ce n’est plus seulement une relation, mais une entité unique qui pense, ressent et agit. L’amour devient alors une forme d’annihilation de soi, où la possession n’est plus métaphorique, mais littérale.
Cette vision extrême de la relation conjugale offre une réflexion sur la frontière entre l’union enrichissante et l’effacement destructeur de soi. Together rappelle que, si la fusion amoureuse fascine, elle peut aussi devenir une prison sans issue, où le « je » disparaît pour toujours.

Together : Photo Alison Brie, Dave Franco © LEONINE

Les origines philosophiques du Mal qui ronge ce film

Dans Le Banquet de Platon, Aristophane raconte qu’à l’origine, les humains étaient des êtres complets et puissants, dotés de deux visages sur une tête, quatre bras et quatre jambes. Trois genres existaient : mâle, femelle et androgyne. Ces créatures sphériques, dans leur force et leur orgueil, défièrent les dieux. Pour les affaiblir sans les anéantir, Zeus les coupa en deux, séparant chaque être en deux moitiés distinctes. Depuis, chacun erre à la recherche de sa « moitié perdue », aspirant à retrouver cette unité originelle. Ce mythe incarne l’idée que le désir amoureux naît d’un sentiment d’incomplétude et de la quête de complétude par la réunion.

Cette vision tragique de l’amour, comme recherche de l’âme sœur et fusion retrouvée, résonne pleinement dans Together. Le film transpose ce mythe dans un registre horrifique, où la fusion physique et psychique d’un couple illustre cette aspiration à dépasser la séparation. Mais là où Platon célèbre l’unité retrouvée comme un idéal, le film en explore la face sombre : l’effacement des frontières entre « je » et « nous », la tension entre l’individuel et le collectif, et la possibilité que la quête d’unité absolue devienne une expérience dévorante et destructrice.

Quand l’horreur rencontre la psychanalyse

Together s’inscrit dans la tradition du body horror qui fait du corps un terrain d’expression des conflits psychiques. On pense à Cronenberg (La Mouche) ou à Żuławski (Possession), où la mutation physique traduit une crise intérieure. Ici, la fusion physique et mentale des protagonistes illustre la réalisation extrême d’un désir inconscient : abolir toute séparation entre soi et l’autre.

Together Alison brie dave franco © LEONINE

Dans une lecture freudienne, cette transformation résulte d’un déséquilibre des trois instances psychiques. Le Ça, moteur des pulsions et du désir de proximité absolue, pousse à la fusion. Le Moi, censé réguler ce désir en tenant compte de la réalité, se retrouve submergé. Le Surmoi, porteur des normes et limites, perd son rôle de garde-fou. Le résultat est une union totale, mais au prix de l’intégrité psychique et corporelle.
Cette perte de frontières renvoie aussi à une peur archaïque : celle de disparaître dans l’autre, de ne plus exister comme individu. L’horreur naît de cette ambiguïté : le spectateur oscille entre fascination pour cette union absolue et répulsion devant l’effacement identitaire.

Together illustre ainsi la ligne fine entre le lien amoureux comme construction de soi et la relation fusionnelle comme destruction du Moi. L’angoisse visuelle, amplifiée par la représentation du corps partagé et des transformations grotesques, renforce le discours psychanalytique du film : quand le désir de ne faire qu’un avec l’autre dépasse toute raison, il devient un acte de dévoration mutuelle.

Un concept qui marche, car original

Dans le paysage du cinéma d’horreur, rares sont les films qui osent mêler fusion physique et fusion psychique du couple. Si La Mouche montre une hybridation subie et pathologique, et Possession une crise conjugale incarnée dans une entité monstrueuse, Together va plus loin : la transformation n’est pas une simple mutation biologique, mais une union volontairement ou involontairement nourrie par les deux partenaires.

L’originalité tient aussi à l’absence de références directes dans le cinéma occidental grand public. Les histoires de couples fusionnels existent, mais elles se limitent souvent à la co-dépendance émotionnelle ou à la confusion identitaire. Peu explorent la fusion totale des corps et des esprits, thème pourtant central dans certains univers animés japonais comme Dragon Ball Z.

Together: Alison Brie, Dave Franco © NEON

Le réalisateur utilise ce concept comme un terrain fertile pour explorer la psyché humaine et ses paradoxes amoureux. Le spectateur est confronté à une situation inédite, à la fois fascinante et dérangeante, qui bouscule les codes narratifs habituels. L’originalité ne repose pas seulement sur le sujet, mais sur la manière de le traiter : intimiste, centré sur deux personnages, sans distraction externe, laissant toute la place à l’évolution de leur lien.

Ce choix rend l’expérience immersive et intensifie l’impact des scènes de transformation. On ne regarde pas deux victimes d’un monstre extérieur : on assiste à la métamorphose du couple lui-même, jusqu’à sa redéfinition radicale.

La thématique de la fusion dans la Pop Culture

Dans la culture pop, la référence la plus évidente est la fusion de Dragon Ball Z, où deux personnages unissent corps et esprit pour créer un être unique et plus puissant. Cependant, cette fusion est présentée comme un atout, une synergie positive. Dans Together, la fusion prend une tournure horrifique, soulignant la perte d’individualité et les dangers d’une union sans limites.
D’autres œuvres ont abordé la fusion ou la transformation du couple, mais souvent de façon partielle : Possession de Żuławski mêle crise conjugale et fantastique, La Mouche de Cronenberg explore la mutation biologique, mais aucun ne combine à ce point union psychique et corporelle.
La comparaison avec ces œuvres met en évidence la singularité de Together. Là où la culture pop célèbre souvent l’union comme source de force, le film de Michael Shanks la transforme en cauchemar visuel et psychologique.
Cette relecture sombre des codes pop interroge aussi notre fascination contemporaine pour les couples « parfaits » et fusionnels, souvent idéalisés sur les réseaux sociaux. En déconstruisant cette image, Together rappelle que l’amour absolu, s’il abolit toute frontière, peut aussi abolir la liberté individuelle.

Notre avis

Déjanté, délirant et horrifique. Cumule les clichés des films d’horreur de ces dernières décennies et en en fait quelque chose de tranchant avec des punchlines efficaces.

Cette capacité à s’appuyer sur des codes familiers pour mieux les détourner est l’une des grandes forces de Together. Michael Shanks joue avec les références du body horror et du drame psychologique, mais refuse de tomber dans la simple parodie. Les clichés sont assumés, réinterprétés et intégrés à un récit qui conserve une vraie cohérence dramatique. Les dialogues percutants et la complicité évidente entre Alison Brie et Dave Franco renforcent l’impact émotionnel des scènes les plus dérangeantes. On ressort du film à la fois amusé par certaines audaces visuelles et troublé par la puissance de sa métaphore. Rarement un film aura réussi à marier humour noir, tension psychologique et horreur corporelle avec autant de maîtrise.

Alison Brie montre avec ce film une fois de plus qu’elle peut tout jouer, de la jeune fille modèle qui feint l’innocence dans Community à la jeune femme cinglante voulant être aimée (et plus si affinité). Dans Together, elle passe avec aisance de la douceur désarmante à la tension la plus viscérale, incarnant à la perfection la dualité entre désir et peur. Face à elle, un acteur percutant et physique qui impose sa présence, allant de la tendresse au malaise avec une intensité rare. Leur complicité à l’écran, renforcée par les contraintes physiques du tournage, crée un duo électrisant où chaque regard et chaque geste comptent. Un face-à-face qui intensifie encore la charge dramatique et émotionnelle du film.

En mêlant habilement horreur corporelle, drame psychologique et références philosophiques, ce film s’impose comme une proposition rare dans le cinéma de genre. La tension ne naît pas seulement de l’élément surnaturel, mais de la relation elle-même, poussée à son point de rupture. Michael Shanks signe un huis clos oppressant, sublimé par la chimie d’Alison Brie et Dave Franco, qui se livrent corps et âme à cette descente vertigineuse vers la perte d’identité. Le film interroge autant qu’il dérange, fascinant par son audace et son refus des sentiers battus. L’été fut long, mais avec Together, on a enfin notre film de genre tant attendu !

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Note : 5 sur 5.

13 août 2025 en salle | 1h 42min | Epouvante-horreur
De Michael Shanks (II) | 
Par Michael Shanks (II)
Avec Dave Franco, Alison Brie, Damon Herriman


Dossier complémentaire sur TOGETHER

ZOOM sur le couple d’acteurs Alison Brie et Dave Franco

Alison Brie
Née en 1982 en Californie, Alison Brie s’est imposée comme l’une des actrices les plus polyvalentes de sa génération. Elle s’est fait connaître grâce à des rôles marquants dans des séries cultes comme Community, où elle incarne Annie Edison, et GLOW, dans la peau de Ruth Wilder. Au cinéma, elle a brillé dans Promising Young Woman (2020) et The Disaster Artist (2017), confirmant sa capacité à passer de la comédie au drame intense. Actrice, productrice et scénariste, elle choisit ses projets avec exigence et aime explorer des personnages complexes. Mariée à Dave Franco depuis 2017, elle apporte dans Together une intensité émotionnelle et une justesse de jeu qui renforcent la dimension intime et perturbante du film.

Dave Franco
Né en 1985 en Californie, Dave Franco s’est d’abord fait un prénom au sein d’Hollywood enchaînant comédies populaires et thrillers efficaces. On le retrouve dans 21 Jump Street (2012), Insaisissables (Now You See Me, 2013), Nos pires voisins (2014) ou encore The Disaster Artist (2017), qu’il partage avec son frère James Franco. Présent aussi à la télévision, notamment dans Scrubs, il a su diversifier ses choix de rôles et s’imposer comme un acteur capable de naviguer entre humour, tension et émotion. Producteur et réalisateur, il aime les projets où la dynamique des personnages est au centre. Dans Together, il met à profit sa complicité réelle avec Alison Brie pour incarner un couple sur le fil, oscillant entre amour fusionnel et effacement identitaire.

Together: Alison Brie © NEON / Germain McMicking

Analyse complémentaire et références

Comparaison avec The Substance

Dans The Substance (2024), la dynamique est inversée par rapport à Together : on n’assiste pas à une union, mais à une dissociation. Le personnage principal obtient une version idéalisée de lui-même – Sue – qui cohabite avec l’originale, Elisabeth. Ce double, représentant un Surmoi tyrannique et normatif, entre en conflit avec le Moi, provoquant une lutte pour l’indépendance qui dégénère en confrontation destructrice. Là où Together incarne l’idéal – ou le cauchemar – de l’union totale, The Substance illustre la scission pathologique Moi/Surmoi et ses ravages psychiques.

Première topique freudienne

La première topique de Freud distingue le conscient (ce dont on est directement conscient), le préconscient (souvenirs et contenus accessibles par l’attention) et l’inconscient (pulsions et désirs refoulés). Le préconscient se rapproche du « subconscient » philosophique, plus vague, qui regroupe habitudes, automatismes et émotions non pleinement conscientes. Dans Together, l’inconscient agit comme moteur du désir de fusion, tandis que le préconscient conserve les repères identitaires jusqu’à leur effacement.

Analyse détaillée de La Mouche

Dans La Mouche (1986) de David Cronenberg, Seth Brundle subit une fusion génétique accidentelle avec une mouche, devenant « Brundlemouche ». Ce processus est subi, pathologique et dépourvu de conscience partagée : il s’agit d’une mutation biologique entraînant la perte progressive de l’humanité, et non d’une fusion réciproque et volontaire comme dans Together. La métaphore porte sur la déshumanisation et la dissolution de l’identité.

Crédit photographique NEON – © Germain McMicking, LEONINE et Metropolitan FilmExport

Article réalisé sans accompagnement du studio – agence de presse. Bien que la proposition était là, les agendas n’étaient pas compatibles. Nous avons essayé de rester les plus factuels que possible.


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