Touch – Nos étreintes passées, Baltasar Kormákur et la grâce pudique d’un amour suspendu


Kristófer, 73 ans, part à la recherche de Miko, son amour de jeunesse, perdu depuis 50 ans. Un voyage sensible entre souvenirs et silences, dans un film émouvant et pudique de Baltasar Kormákur, porté par une mise en scène intime et deux comédiens bouleversants.

Touch - Nos étreintes passées |© 2025 Condor Distribution
Touch – Nos étreintes passées |© 2025 Condor Distribution

Et s’il était encore temps de retrouver l’amour perdu ? De réécrire le passé, ne serait-ce qu’un instant, dans les plis du souvenir ? Touch – Nos étreintes passées, réalisé par Baltasar Kormákur, nous entraîne dans un voyage intime et poignant, à la croisée des générations, des cultures et des regrets. Le cinéaste islandais, plus connu pour ses récits de survie, livre ici un drame tout en retenue et en pudeur, où le silence a autant de poids que les mots. À travers l’histoire de Kristófer, homme vieillissant en quête de son amour de jeunesse, Touch questionne le temps qui passe, la mémoire qui s’efface, et les espoirs qui, parfois, renaissent des cendres du passé.

English summary


In Touch – Nos étreintes passées, Baltasar Kormákur delivers a deeply human and poetic drama about memory, regret, and enduring love. As Kristófer embarks on a final journey to find Miko, his long-lost love, the film becomes a meditation on time, silence, and the invisible scars left by history. Blending intimate cinematography with emotionally restrained performances by Egill Ólafsson and Kōki Kimura, Touch offers a rare, tender cinematic experience. It’s a story of missed chances and quiet hope, echoing long after the credits roll.


Touch - Nos étreintes passées |© 2025 Condor Distribution
Touch – Nos étreintes passées |© 2025 Condor Distribution

Une love story transcontinentale

Dans Touch, Baltasar Kormákur ne filme pas une simple histoire d’amour : il ausculte les cicatrices invisibles laissées par l’Histoire dans les cœurs et les corps. Loin des romances linéaires, le récit s’étire sur plusieurs décennies, de l’Islande au Japon en passant par Londres, où tout a commencé dans un petit restaurant nippon à l’aube des années 1970. La pandémie, toile de fond discrète, amplifie l’isolement du protagoniste. Elle rappelle que certains voyages, même tardifs, restent urgents, nécessaires, salvateurs.

L’originalité du film tient à son montage en fragments, à ces retours entre passé et présent, où les visages changent, mais où le sentiment reste intact. Dans le rôle de Kristófer, Egill Ólafsson impose une gravité lumineuse. Son regard fatigué porte le poids des absences, mais aussi une douce obstination. Pálmi Kormákur, son propre fils à l’écran, incarne avec justesse la version plus jeune du personnage. Entre eux, un lien invisible, qui ne tient pas qu’à la ressemblance physique, mais à une compréhension mutuelle de ce que signifie aimer trop tôt… et peut-être trop fort.

Face à lui, Kōki campe Miko, personnage fascinant à la croisée des cultures, tiraillée entre ses racines japonaises et son intégration britannique. Elle irradie d’une force silencieuse, porteuse d’un passé douloureux que le film n’évoque jamais frontalement, mais qui affleure dans chaque geste, chaque regard. Ensemble, ils tissent une relation où l’amour n’est jamais dit, mais ressenti, jusqu’à l’âme.

Une leçon de cinéma

Ce film offre une leçon de cinéma, celle de filmer la mélancolie, les émotions et l’amour. Celui silencieux, celui qui se construit et qui ne se dit pas encore. Les portraits, les plans serrés, les plans dans des espaces fermés et vides renforcent la portée émotionnelle du film.

Devant nous, le réalisateur met en place un vaste jeu de piste, un combat contre le temps. On navigue dans les souvenirs avant qu’ils ne s’effacent, un peu comme lorsqu’on attend le retour d’un être aimé et que l’on se fait le fil de notre histoire.

En hors champs, il y a Sonja, à l’image un être aimé et perdu. Baltasar Kormákur dirige Koki et Pálmi Kormákur Baltasarsson, incarnant deux êtres tremblant de passion, symbolisant le désir de la découverte de l’autre, celui d’une autre culture et la somme des instants insaisissables des toutes premières fois. Touch est une histoire d’amour qui fait chavirer les cœurs !

Touch - Nos étreintes passées |© 2025 Condor Distribution
Touch – Nos étreintes passées |© 2025 Condor Distribution

Un amour qui définit les âges et les conventions

Peut-on aimer toute sa vie malgré le poids des différences culturelles et la prison du passé de chacun ? Le film esquisse cette question avec pudeur, à travers le regard d’un homme vieillissant qui part en quête de la vérité enfouie dans un amour ancien. Entre l’Islande, Londres et le Japon, le film trace les contours d’un lien indélébile, égaré dans les failles de l’Histoire. Ici, les souvenirs ne sont pas seulement personnels : ils portent les traces d’un monde en reconstruction, d’identités fragmentées, d’héritages douloureux.

En s’attachant à la délicatesse des émotions enfouies, le cinéaste adapte le roman Snerting avec une sobriété qui laisse affleurer l’essentiel. Porté par une distribution habitée, et une mise en scène qui épouse la mémoire comme on suit un fil invisible, Touch interroge ce qui reste lorsqu’on a tout perdu sauf l’amour. Ce n’est pas un récit sur le passé : c’est un face-à-face avec ce que nous avons choisi de ne pas oublier. Parfois, l’amour est ce qu’il reste quand nous n’avons plus rien à espérer de la société ou encore ce qui nous permet encore d’avoir envie de perdurer un combat déjà perdu d’avance, car nous sommes mortels, le temps est précieux, mais file malgré nous. Les différences culturelles et le passé de chacun donne un relief que l’on peut franchir ou laisser nous séparer. Mais aucune histoire d’amour ne peut être un long fleuve tranquille, les épreuves épuisent, mais renforcent nos convictions, et propose de se poquer la question « Si c’était la bonne personne ? ». Le protagoniste va chercher, chercher, mais n’arrivera jamais à oublier. Il ne demeure pas un héros tragico-romantique, il va vivre sa vie et cependant chercher à retrouver celle qu’il a aimé et aime toujours.


Un film rare à contre-courant

Touch – Nos étreintes passées est un film rare, à contre-courant, qui prend le temps de regarder l’humain avec douceur. C’est un récit sans artifice, porté par la sincérité du regard de Baltasar Kormákur et la sensibilité de ses comédiens. Dans ce monde où tout s’accélère, où l’on switche de sentiments comme de playlists, il nous rappelle qu’un amour peut traverser les décennies, les continents et les silences.

Mais c’est aussi un film sur le pardon, sur ce que l’on aurait pu faire différemment, et sur les rendez-vous manqués. À l’heure où Kristófer sent sa mémoire lui échapper, sa quête devient un acte de résistance : celle d’un homme qui refuse de laisser son passé lui être volé. En retrouvant Miko, il tente de recoller les morceaux de lui-même, de comprendre ce qu’il reste de cette passion inaboutie, de ce « peut-être » laissé en suspens cinquante ans plus tôt.

Le titre original, Snerting – le toucher – prend alors tout son sens : le film caresse les souvenirs comme on effleure une vieille photo. Et c’est peut-être cela, au fond, l’acte le plus radical aujourd’hui : toucher, se laisser toucher. Par une main, un regard, un souvenir.

En refermant ce voyage sensoriel, on ne peut s’empêcher de repenser à nos propres étreintes passées. Celles qu’on n’a pas osé revivre. Celles qu’on a oubliées à tort. Et celles que le temps n’a jamais effacées.

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Note : 4 sur 5.

30 juillet 2025 en salle | 2h 01min | Drame, Romance
De Baltasar Kormákur | 
Par Ólafur Jóhann Ólafsson, Baltasar Kormákur
Avec Egill Olafsson, Pálmi Kormákur Baltasarsson, Kōki,
Titre original Snerting


Trois choses à savoir sur ce film

Un film personnel pour son réalisateur

Si le réalisateur est surtout connu pour ses films d’action (Everest, Beast), Touch marque un retour à ses racines de dramaturge et de metteur en scène. Inspiré par un roman d’Ólafur Jóhann Ólafsson, le réalisateur islandais a voulu raconter cette histoire d’amour simple, mais déchirante en collaboration directe avec l’auteur, qu’il a convié dès l’écriture du scénario. Ce choix confère à l’œuvre une authenticité et une cohérence rare.

Un tournage entre trois continents

Le film a été tourné entre Reykjavik, Londres et plusieurs villes japonaises, dont Hiroshima. Le choix de filmer dans cette ville chargée d’Histoire n’est pas anodin : il vient souligner les cicatrices invisibles du passé et leur résonance sur les trajectoires individuelles. Le contexte du COVID, intégré dans le récit sans excès, ajoute une couche de fragilité au voyage de Kristófer.

Une distribution sensible et incarnée

Le rôle principal est porté par Egill Ólafsson, acteur et chanteur légendaire en Islande, lui-même atteint de la maladie de Parkinson, ce qui donne une résonance poignante à son interprétation. Son fils, Pálmi, l’incarne dans sa jeunesse, malgré son absence de formation professionnelle. Leur lien de sang renforce la continuité émotionnelle entre les deux époques. Quant à Kōki, révélée par le cinéma d’horreur japonais, elle impressionne ici par sa finesse et sa gravité.



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