Le 23 juillet 2025, le cinéma rend à nouveau hommage à l’une des figures les plus complexes de l’anticolonialisme : Frantz Fanon. Après le biopic signé Jean-Claude Barny sorti en avril, c’est au tour du réalisateur Abdenour Zahzah de s’attaquer à cette figure emblématique, avec un projet sobrement intitulé Frantz Fanon, Chef de la cinquième division de l’hôpital psychiatrique de Blida-Joinville entre 1953 et 1956. À travers une mise en scène immersive, Zahzah plonge au cœur du quotidien d’un homme en lutte, non plus seulement contre le colonialisme, mais contre une aliénation plus insidieuse : celle imposée aux esprits.
Fanon, qui est-il ?
Frantz Fanon, né en 1925 à Fort-de-France et mort à seulement 36 ans, fut médecin psychiatre, essayiste, militant du FLN et penseur révolutionnaire. Il a théorisé l’impact psychique du colonialisme à travers ses deux ouvrages majeurs, Peau noire, masques blancs et Les Damnés de la Terre. Son travail en Algérie dans les années 1950 fut décisif : à Blida-Joinville, il déconstruit les méthodes brutales et racialement biaisées de la psychiatrie coloniale. Il y introduit la sociothérapie, humanise les soins, et développe une pensée où la liberté est indissociable de la guérison. Sa pratique médicale devient un acte politique. C’est cette période charnière, encore trop peu mise en lumière, que le film choisit de traiter avec précision.
Un film radicalement différent, mais profondément complémentaire
Là où le Fanon de Jean-Claude Barny explorait l’homme dans sa globalité — son amour, ses convictions, son combat intellectuel — Abdenour Zahzah propose une plongée intime et clinique dans ses années algériennes. Ici, pas de casting flamboyant ni de séquences spectaculaires : le film, tourné en noir et blanc dans les lieux réels de l’époque, se veut presque documentaire. Alexandre Desane, dans un jeu sobre et habité, incarne Fanon au plus près de ses gestes, de ses silences, de ses doutes. Le spectateur ne survole pas une biographie : il est enfermé avec Fanon dans l’hôpital, il écoute les cris, les discours étouffés, les résistances internes. C’est un Fanon observateur, puis acteur, dans un monde en pleine fracture. Là où le premier film était une fresque, celui-ci est une immersion sensorielle.

Avec ce film, Abdenour Zahzah revendique un parti pris fort : restituer une mémoire vive et incarnée de Frantz Fanon, en s’éloignant du biopic classique pour embrasser une forme hybride, à mi-chemin entre la reconstitution historique et le geste documentaire.
En s’appuyant sur les notes cliniques authentiques de Frantz Fanon, sur des témoignages recueillis dès les années 2000, et en tournant dans les lieux mêmes où le psychiatre exerçait, Abdenour Zahzah choisit une mise en scène sobre, presque ascétique. Le résultat fait résonner les voix et les corps plutôt que les discours théoriques. Le recours à des non-acteurs, à des visages du quotidien, et à un noir et blanc granuleux donne au film une densité émotionnelle brute, fidèle à l’époque, mais aussi à la pensée de Frantz Fanon. Plus qu’un film hommage, Frantz Fanon est une immersion sensible dans les débats de conscience d’un homme dont l’éthique médicale a croisé le destin d’un peuple en lutte.
Une double lecture, donc, pour saisir toute la profondeur d’un homme qui pensait que soigner, c’était aussi libérer.
On vous conseille d’aller découvrir également Fanon de Jean‑Claude Barny.
Plongez dans un biopic intense et humaniste qui explore le combat de Fanon contre la psychiatrie coloniale, porté par Alexandre Bouyer et Déborah François.
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Une réflexion sur “Frantz Fanon revient au cinéma : un nouveau regard au cœur de l’hôpital de Blida”