KOUTÉ VWA : Quand la mémoire devient tambour et que la Guyane cherche la paix


KOUTÉ VWA, premier long-métrage de Maxime Jean-Baptiste, résonne comme une cérémonie intime et politique. Ce film essentiel donne voix à une jeunesse oubliée, en proie à des tensions sociales et familiales qui déchirent encore les DOM. À travers le regard de Melrick, adolescent en quête de sens, le film convoque les fantômes du passé pour mieux interroger l’avenir. Entre douleur intime et mémoire collective, il tisse une œuvre puissante, incarnée, portée par des acteurs non professionnels liés de près à la tragédie évoquée. KOUTÉ VWA n’est pas seulement un hommage : c’est une tentative de réconciliation, une marche silencieuse pour que l’histoire n’éteigne pas l’espérance d’une Guyane rassemblée derrière le tambour, symbole de mémoire, de colère, et d’apaisement.

Un film essentiel pour comprendre ce DOM, voir sa jeunesse, ces mères rêvant d’une Guyane unis derrière le drapeau de la paix. Dans KOUTE VWA, Lucas est le symbole d’une jeunesse sacrifiée par des conflits sociaux et politique. Derrière la peur et le bruit, il y a le désir d’avoir la force de pardonner pour que la violence et la haine ne remportent pas le combat, sacrifiant l’espoir d’une Guyane magnifique.

Un projet né d’un drame, devenu outil de lien et de dialogue

En mars 2012, Lucas, jeune Guyanais de 19 ans, meurt poignardé à Cayenne. Onze ans plus tard, son cousin Maxime transforme cette tragédie en un film, non pas pour la figer dans la douleur, mais pour la transcender par le cinéma. Cette fiction hybride, inspirée de faits réels, croise récit personnel et mémoire collective, dans une démarche de reconstruction. Entre fiction et documentaire, KOUTÉ VWA devient un chant pour les absents, un appel à écouter ce que les silences portent. Le choix de la Guyane, territoire d’origine du réalisateur, n’est pas anodin : il est le point d’ancrage d’une mémoire coloniale encore vive, où les plaies ne se referment qu’en regardant en face le passé.

Une urgence à dire la vérité des territoires oubliés

À travers le personnage de Melrick, le film ouvre un dialogue sur l’adolescence, la perte et l’héritage dans les départements dits « d’outre-mer ». La Guyane y est montrée sans fard, loin des clichés exotiques : une terre marquée par les séquelles de l’esclavage, le désengagement institutionnel et les tensions sociales. Mais c’est aussi un territoire de résistance culturelle, où le tambour devient outil de transmission. KOUTÉ VWA fait œuvre de mémoire, en donnant la parole aux invisibles, et interroge la manière dont les DOM-TOM peuvent retrouver une voix propre dans la narration nationale française, souvent centralisée, souvent sourde à leurs réalités.


Le jeu des acteurs, entre transmission du vécu et catharsis collective

La force de KOUTÉ VWA tient dans la vérité de ses interprètes : Melrick Diomar, Nicole Diomar et Yannick Cébret ne sont pas des acteurs professionnels, mais des témoins directs ou indirects de la tragédie originelle. Cette proximité bouleverse. On ne joue pas Lucas ou Nicole : on les habite. On les raconte en puisant dans les souvenirs, les silences, les rituels encore présents dans les corps. Le film devient ainsi un espace de thérapie collective, où chaque scène reconstruit quelque chose, panse une blessure, ou du moins tente de le faire.

Maxime Jean-Baptiste n’impose pas un jeu, il orchestre un chemin. Le plateau devient un lieu de confiance, où la caméra accompagne sans voler l’émotion. Les gestes, les regards, les silences sont souvent plus parlants que les dialogues. Le film saisit cette parole fragile, entre les lignes, entre les sons. La direction d’acteur ici est un acte de soin. Le réalisateur pose un cadre, mais ce sont les personnes filmées qui insufflent le souffle, qui bâtissent un film-vivant, une mémoire incarnée.

Et c’est peut-être là la réussite la plus poignante de KOUTÉ VWA : faire d’un film une cérémonie de réparation. Nicole Diomar, grand-mère à l’écran comme dans la vie, donne chair à la transmission. Melrick, à travers l’apprentissage du tambour, incarne cette nouvelle génération qui, malgré les violences et les pertes, cherche encore à comprendre, à pardonner, à ne pas reproduire. Le tambour devient alors battement du cœur et du deuil, langage d’un pardon qui ne s’improvise pas, mais qui se construit, pas à pas, son après son.


KOUTÉ VWA est un film rare, nécessaire, bouleversant. En racontant l’histoire de Lucas à travers le regard de ceux qui l’aimaient, Maxime Jean-Baptiste parvient à transcender le simple hommage pour livrer un manifeste pour la paix, la mémoire et l’écoute. Il nous rappelle qu’il faut « kouté vwa », écouter les voix — celles qu’on n’entend pas, celles qui murmurent derrière la colère, celles qui tissent encore, au cœur du deuil, un chant d’amour et de justice. La Guyane n’est pas ici un décor, mais un personnage vivant, complexe, douloureux, qui parle à tous les territoires oubliés. Le film répare, relie et, surtout, donne envie de croire à nouveau en la force d’un cinéma du réel, ancré, qui bat au rythme du cœur humain.

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Note : 5 sur 5.

16 juillet 2025 en salle | 1h 17min | Drame
De Maxime Jean-Baptiste | 
Par Maxime Jean-Baptiste, Audrey Jean-Baptiste
Avec Melrick Diomar, Yannick Cébret, Nicole Diomar


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