À travers le prisme de ses anciennes amours, la cinéaste Chloé Barreau explore la mémoire, le romantisme, l’idéalisation et les blessures du cœur. Un voyage émotionnel tout en pudeur et en vérité, qui interroge : que reste-t-il quand l’amour s’en va, mais que les souvenirs persistent ?

Et si aimer, c’était aussi archiver ? Des traces, des voix, des regards. Chloé Barreau n’a pas seulement aimé : elle a filmé. Depuis ses seize ans, entre Paris et Rome, elle a mis en boîte ses histoires, ses frissons, ses absences. Dans Fragments d’un parcours amoureux, elle revisite ces souvenirs en compagnie de ceux qui les ont partagés. Un documentaire comme une relecture intime, miroir d’une vie sentimentale où les vérités se confrontent et les silences résonnent.
Entre idéalisme, blessures et réminiscences : un documentaire à cœur ouvert signé Chloé Barreau
Les premiers amours, les amours suivantes, les ruptures… à qui appartient les souvenirs ? Comme dans How I Met Your Mothers quand Ted offre à Barney des cours de soutien sur Robin, il y a cette volonté de ne pas perdre ces connaissances apprises avec intensité ou malgré nous. – Quand une histoire se termine, on a un ensemble de souvenirs, de connaissance sur l’autre, mais que doit-on en faire ? – Ils appartiennent aux membres d’une paire, et on ne peut pas les détruire réellement.
« J’ai cru voir en toi, ce qui manque en moi » AqME, Tout à un détail près.
L’amour est une expérience pour apprendre à se connaitre ou découvrir notre manière de vivre et d’être au monde. On voit chez les autres ce que l’autre ne voit pas. Amour ou désir, on cherche fréquemment la complétude dans le regard de l’autre, mais c’est souvent en vain.
Idéalement, on voudrait que l’amour mène à une libération et celle de la réceptivité au monde, mais parfois, on devient prisonnier de l’autre et de la relation. On peut faire des analogies entre amour, idéal et romantisme au sens artistique, philosophique. Mais est-ce la voie d’un affranchissement ou l’arrière-cour d’une prison ? Le romantisme existe encore et certaines personnes consacrent leur vie à une recherche d’un idéal, être pigé dans la cristallisation.
Quand l’amour fait mal.
Le romantisme en excès peut nous conduire à notre perte ou à un dépassement de soi. Quand on fait croire à l’autre qu’il est unique et qu’il est le premier, qu’on vit chaque chose comme une première fois et pourtant, cela reste un mensonge sous-jacent ou inconscient. Certes, on peut aimer différemment chacune des personnes de notre vie, mais la première fois reste une première fois.
L’amour à distance, il permet de vivre des moments forts à chaque rdv, cultive l’art épistolaire. Les relations à distance plaisent à l’héroïne, car cela colle à son idéal. Mais parfois l’amour fait mal, car il y a des trahisons survenant durant la relation et on ne s’en remet jamais assez. On peut alors apprendre à se relever ou s’interdire d’aimer de peur de souffrir à nouveau.
On est d’abord amoureux, puis on tombe amoureux. Vouloir être aimé et apprécier le fait d’aimer.
On aime aimer, on aime être aimé. Il n’existe sans doute pas de vérité unique sur l’amour. Chacun garde son morceau, son interprétation, sa cicatrice. Mais ce que Fragments d’un parcours amoureux offre, c’est la preuve que l’on peut, un jour, oser regarder dans les yeux ceux qui nous ont aimés et leur demander : « Que s’est-il passé pour toi ? » Un film à cœur ouvert, où la vie devient mémoire, et la mémoire, cinéma.
L’amour n’est pas un simple décor narratif : il en est la matière première, vivante et mouvante. Le film explore le romantisme comme une quête, parfois naïve, parfois lucide, souvent inconfortable. Le désir, lui, surgit dans les regards, les silences, les souvenirs charnels évoqués avec pudeur. Chloé Barreau ne filme pas l’amour idéalisé mais ses contours rugueux : la cristallisation, l’attente, les ruptures, les reprises. Ce sont ces tensions — entre passion et désillusion, entre fantasme et mémoire — qui donnent au film sa densité émotionnelle. Le romantisme y est montré dans sa forme la plus brute, comme moteur de vie, d’obsession, de liberté ou de dépendance. Il imprègne chaque plan, comme une trace invisible laissée sur la peau ou dans la voix. Ce documentaire ne cherche pas à expliquer l’amour, mais à l’habiter, à l’incarner dans ce qu’il a de plus viscéral et de plus universel : un vertige constant entre ce qu’on donne, ce qu’on reçoit… et ce qui échappe toujours.

___________
4 juin 2025 en salle | 1h 35min | Documentaire
De Chloé Barreau |
Par Chloé Barreau
Avec Rebecca Zlotowski, Anna Mouglalis, Anne Berest
Titre original Frammenti di un percorso amoroso
Pour aller plus loin – Processus de création du documentaire
1. Comment Chloé Barreau a-t-elle amorcé ce projet personnel ?
Elle a commencé à filmer ses relations dès l’adolescence, sans idée précise de projet documentaire. Le film est né bien plus tard, à partir de cette matière intime accumulée sur plusieurs décennies. Ces images, prises sur le vif, constituaient au départ des souvenirs personnels, des fragments de vie conservés sans intention artistique immédiate. Avec le temps, elles ont pris une autre valeur : celle de témoins silencieux d’un parcours amoureux. En les revisitant, Chloé a décidé d’en faire le socle d’une exploration plus large, à la fois personnelle et universelle.
2. Comment les anciens partenaires ont-ils été contactés pour participer ?
Selon une interview de la réalisatrice, Chloé a recontacté plusieurs ex via des lettres, appels ou réseaux sociaux, en leur proposant de revenir ensemble sur ce qu’ils avaient vécu — chacun acceptant librement de participer. Ce processus a demandé du temps, de la délicatesse et parfois du courage. Certains ont répondu tout de suite, d’autres ont hésité, pris du recul, avant de se laisser toucher par la démarche. Il ne s’agissait pas de rouvrir des blessures gratuitement, mais d’offrir un espace pour revisiter l’histoire partagée avec respect, émotion et lucidité.
3. Quelle place prend le montage dans la narration du film ?
Le montage joue un rôle central : il juxtapose les points de vue, superpose les souvenirs, fait résonner les silences. Il devient l’outil principal pour croiser les perceptions. Chaque témoignage y trouve sa respiration, sa nuance. Le montage ne cherche pas à trancher entre des vérités opposées, mais à les faire cohabiter, parfois même se contredire. Cette structure fragmentée reflète la nature même de la mémoire amoureuse, mouvante et subjective. Il façonne un récit polyphonique, à la fois fluide et introspectif, qui permet au spectateur de ressentir plutôt que de juger.
4. Comment le documentaire évite-t-il le piège de l’impudeur ?
Par une pudeur justement dosée : les confidences sont sincères, mais jamais exhibitionnistes. Le film privilégie la suggestion à la démonstration, dans un dialogue subtil entre les récits. La caméra capte les silences autant que les mots, laisse place aux hésitations, aux regards fuyants, aux blancs chargés de sens. Il n’y a ni mise en scène excessive ni volonté de choquer : la réalisatrice construit un espace de parole bienveillant, où l’intime devient partage sans jamais forcer l’aveu ni trahir la pudeur de ses interlocuteurs.
5. Quelles difficultés techniques ou émotionnelles ont marqué le tournage ?
L’émotion fut l’un des plus grands défis : se confronter à ses ex, rouvrir des blessures, mais aussi maintenir une posture de réalisatrice tout en étant l’objet même du récit. Selon la réalisatrice, l’une des plus grandes difficultés a été d’ordre émotionnel : se confronter à ses anciens partenaires, parfois des années après la fin de la relation, impliquait de rouvrir des blessures et d’assumer une grande vulnérabilité. À cela s’ajoute un défi narratif unique : tenir la caméra tout en étant soi-même le sujet principal. Il fallait trouver l’équilibre entre la distance du regard documentaire et l’intimité brute du vécu. Le tournage a donc été un exercice de sincérité, mais aussi de maîtrise émotionnelle et technique.
En savoir plus sur Direct-Actu.fr le blogzine de la culture pop et alternative
Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.


2 réflexions sur “Fragments d’un parcours amoureux : quand la mémoire sentimentale devient cinéma.”