Depuis plus d’une décennie, le cinéma de super-héros s’est imposé comme un pilier du box-office mondial, porté par l’ambition démesurée des univers partagés, en particulier celui du Marvel Cinematic Universe (MCU). Avec Thunderbolts*, sorti fin avril 2025, Marvel propose un film centré sur une équipe d’anti-héros et de vilains, moins connus du grand public, qui se retrouvent contraints de s’allier pour affronter leur ancienne employeuse. Mais derrière cette proposition, une question persiste : comment suivre et apprécier pleinement ces films quand on n’a pas tout le background de l’univers partagé ? Et surtout, cette accumulation de personnages et de références ne finit-elle pas par lasser un public de plus en plus exigeant et saturé ?
La complexité croissante de l’univers partagé : un frein à l’accessibilité
Thunderbolts* illustre parfaitement la difficulté à laquelle sont confrontés de nombreux spectateurs. Le film part du principe que le public connaît déjà les personnages, leurs histoires et leurs traumatismes, acquis dans des films et séries antérieurs du MCU. Cette approche, si elle flatte les fans aguerris, laisse de côté le spectateur lambda, qui se retrouve face à une intrigue truffée de références et de non-dits. Comme le souligne un blog spécialisé, « pour le spectateur lambda, cela doit être assez décourageant, prenant cela plus comme des devoirs à faire avant d’aller voir le prochain gros film du MCU ». L’expérience cinématographique devient alors fragmentée, chaque film n’étant plus qu’un morceau d’un immense puzzle, au détriment de l’autonomie narrative.
Cette complexité est accentuée par la multiplication des séries et spin-offs, qui enrichissent certes l’univers, mais rendent la compréhension globale de plus en plus ardue. Anthony Huard, psychanalyste et auteur, pointe le risque d’un « spectacle qui s’adresse surtout au film précédent » et non au spectateur venu voir un film unique. Le sentiment de devoir constamment rattraper son retard, de naviguer entre plateformes et films, engendre une forme d’épuisement et de frustration, voire d’exclusion pour ceux qui ne suivent pas tout.
La lassitude face à la surabondance et l’éparpillement du développement des personnages
Au-delà de la complexité, c’est la saturation du marché qui alimente la fatigue des spectateurs. Avec près de 80 films de super-héros sortis en 25 ans, sans compter les séries, le genre est devenu omniprésent. Cette abondance entraîne une dilution du développement des personnages : au lieu de voir un héros évoluer pleinement au sein d’un film, son arc narratif est souvent éparpillé sur plusieurs œuvres, obligeant le public à suivre un parcours morcelé. Résultat : l’investissement émotionnel s’effrite, l’attachement aux personnages s’amenuise, et l’effet de surprise s’estompe.
Les critiques et les avis de spectateurs convergent sur ce point. Beaucoup regrettent que les films privilégient désormais la connexion à l’univers global plutôt que l’épaisseur psychologique ou l’originalité des récits. « Les scénarios doivent se reconcentrer plus que jamais sur un récit personnel, sur les personnages, sur des enjeux émotionnels », insiste James Gunn, réalisateur reconnu du genre. Or, Thunderbolts* tente certes de renouer avec cette dimension en abordant la santé mentale et les failles de ses anti-héros, mais reste prisonnier de la logique du MCU, où chaque film doit préparer le terrain pour le suivant.
Conclusion : Vers une nécessaire respiration du genre ?
Ce dernier né se veut une respiration dans la saga Marvel, recentrant l’intrigue sur les failles et la rédemption de ses personnages, avec une tonalité plus intimiste et un casting attachant. Pourtant, il ne parvient pas totalement à s’affranchir de la mécanique de l’univers partagé, qui impose ses codes et ses attentes. La lassitude du public, palpable dans les critiques et les débats en ligne, traduit un besoin de renouvellement : moins de surenchère, plus de profondeur, et surtout, des films capables de se suffire à eux-mêmes.
Pour que le cinéma de super-héros retrouve sa vitalité, il devra sans doute apprendre à conjuguer l’ambition de l’univers partagé avec l’exigence d’histoires singulières, accessibles et émotionnellement riches. À défaut, la fatigue du public pourrait bien finir par l’emporter sur la magie des super-pouvoirs.
Un terrain de jeu immense, mais une liberté sous surveillance
L’idée d’un univers partagé n’est pas, en soi, dénuée d’intérêt. Elle ouvre même des perspectives fascinantes : faire dialoguer des personnages issus d’horizons différents, croiser les récits, bâtir une fresque cohérente sur plusieurs années… Sur le papier, c’est grisant. Mais à force de tout vouloir relier, de tout imbriquer, les studios finissent par poser des balises si rigides qu’ils étouffent peu à peu la créativité. L’univers partagé devient une carte à suivre, un schéma imposé où chaque film doit entrer dans les cases. Résultat : la singularité s’efface. Des cinéastes pourtant marqués par une forte identité visuelle ou narrative, comme Edgar Wright ou Chloé Zhao, se sont heurtés à ces limites, leurs élans réfrénés au nom d’une cohérence d’ensemble. À trop vouloir créer une continuité, on finit parfois par tout lisser — et ce qui devait être un foisonnement devient une formule.
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