Until Dawn : La mort sans fin – Un film d’horreur existentialiste, oui ça existe !


Dans Until Dawn : La mort sans fin, le réalisateur David F. Sandberg propose quelque chose de simple, mais qui fonctionne. Porté par un casting de qualité et une réalisation efficace, le film séduira les amoureux du genre.

Until Dawn : La mort sans fin © Sony Pictures
Until Dawn : La mort sans fin © Sony Pictures

Le film arrive à mettre en avant toutes les tensions et les lieux communs du genre. La prestation des différents acteurs et des actrices est convaincante. Mention spéciale pour la révélation féminine, Ella Rubin, qui porte le film sur ses épaules du début jusqu’à la fin.

Le film va s’aventurer dans les différents éléments du genre comme un passage utilisant les codes du footage, apportant quelques minutes bien sympathique. Le film part du principe qu’à mesure que l’on perd la notion d’unicité de notre existence, nous devenons des bêtes.

Un film d’horreur existentialiste reposant sur l’absurde

Le film part du principe qu’à mesure que l’on perd la notion d’unicité de notre existence, nous laissons transparaitre notre côté animal et déshumanisé. L’unicité de notre vie fait notre mortalité, ce sentiment intime et fondamental d’être un être unique, irremplaçable, porteur d’une histoire, d’un regard, d’un destin singulier. C’est ce qui nous distingue, non seulement des autres humains, mais aussi de la masse, du troupeau, de l’animal.

Le film postule que lorsque cette conscience de notre unicité s’effrite — que ce soit par la standardisation, l’oubli de soi, ou une dissolution de l’identité dans une société de clones ou de machines — alors nous régressons. Nous ne sommes plus que des corps obéissants, soumis à l’instinct, à la peur, à la violence : des bêtes.

Ce n’est donc pas une simple animalité biologique qui est en jeu, mais une animalité symbolique : celle d’un être privé de sa verticalité, de sa conscience réflexive, de sa mémoire intérieure. Le film met en garde contre une humanité qui, en perdant le sens de sa propre valeur intérieure, de son unicité, renonce à l’humain au profit d’un comportement grégaire, instinctif, déshumanisé. L’instinct de survie n’a de sens que si notre vie repose sur un début et une fin !

Until Dawn : La mort sans fin © Sony Pictures
Until Dawn : La mort sans fin © Sony Pictures

L’unicité de l’existence humaine repose sur sa finitude : c’est parce que la vie est limitée que chaque instant prend un sens unique, irremplaçable. L’idée même d’immortalité rompt ce principe : si tout peut se répéter à l’infini, alors plus rien ne compte vraiment. Le poids de nos choix s’allège, les événements perdent leur rareté, et la personne elle-même devient insaisissable, en glissement permanent. L’immortalité, loin d’être un privilège, devient alors une forme d’aliénation. Ici, les protagonistes du film meurent et meurent à nouveau dans le seul but repose sur la volonté d’essayer de survivre, en réécrivant l’histoire. Il n’y a plus aucune valeur dans la vie, si ce n’est que l’espoir d’échapper à ce mal absolu.

La conscience de notre propre mortalité est l’une des richesses de notre existence

Privé de mort, l’être humain se dénature. Il cesse d’être un sujet singulier pour devenir une pâle copie de lui-même, perpétuellement en devenir sans jamais se réaliser pleinement. L’identité se dissout, la mémoire se fragmente, et l’individu se noie dans une répétition vide de sens. Les héros comptent le nombre de vies échues en relisant le registre de l’Hotel, un peu comme on signerait le livre des ombres du Diable. Cette immortalité illusoire entraîne une perte de verticalité : l’homme, sans ancrage temporel, se transforme en une entité errante, détachée de toute humanité véritable. À progression de restart de la partie, les personnages vont voir apparaitre des mutations et changement physique. Comme si l’effritement silencieux de leur âme menait à une altération de leur intégrité physique.

Tout comme dans le jeu-vidéo, dans Until Dawn, le joueur est confronté à une boucle de survie où la mort devient presque banale, une mécanique répétitive plutôt qu’un événement dramatique. Cette répétition vide de sens engendre une forme d’épuisement existentiel, où la tension initiale cède la place à une lassitude profonde. Mourir ne semble plus avoir de conséquence véritable : on meurt, on revient, et on recommence — comme si le temps lui-même perdait sa ligne droite pour devenir un cercle clos et oppressant. Le non-sens s’installe là où la peur aurait dû s’intensifier, et cette vacuité fragilise le lien émotionnel entre le joueur et son personnage.

Until Dawn : La mort sans fin © Sony Pictures
Until Dawn : La mort sans fin © Sony Pictures

L’existentialisme et l’absurde, les slashers et le mythe du surhomme

Ce qui renforce cette impression d’absurdité, c’est que l’ennemi, lui, échappe à cette règle. Il est constant, inaltérable, presque surhumain. Comme dans l’ensemble des Slashers, nous trouvons des tueurs ne connaissant ni la douleur, ni les lois de la physique. Dans Halloween, le méchant survit à des coups et des chutes, reste stoïque comme si rien ne l’atteignait. Ces antagonistes n’ont pas besoin de recommencer, ils progressent. Ils pourchassent, ils traquent, et ils gagnent en puissance tandis que le joueur piétine. Ils incarnent une force invincible, non parce qu’ils sont plus forts physiquement, mais parce qu’ils sont cohérents dans le temps : le mal n’est pas fragmenté, il ne renaît pas. Cela crée un déséquilibre profond et frustrant : on joue une figure qui, malgré ses efforts, reste enfermée dans une boucle tandis que le mal avance librement. C’est une asymétrie métaphysique plus qu’un simple désavantage de gameplay.

Cette dynamique installe une aliénation du joueur, qui devient spectateur d’une impuissance qu’il répète malgré lui. Le personnage rejoué n’évolue plus vraiment ; il devient une coquille vide, une copie de plus, soumise à un cycle sans résolution. Cette logique vidéoludique évoque une tragédie antique privée de catharsis : un théâtre de la répétition où la mort n’est plus un sommet dramatique, mais une étape parmi d’autres, usée, désincarnée. Ainsi, Until Dawn questionne la notion même de finalité dans une expérience interactive où la mort perd tout pouvoir rédempteur.

Until Dawn : La mort sans fin © Sony Pictures
Until Dawn : La mort sans fin © Sony Pictures

Il y a quelque chose de très sartrien dans cet enfer vidéoludique. Comme dans Huis clos, l’enfer n’est plus une punition extérieure, mais un état d’être, une boucle fermée dont on ne peut s’extirper. Ce que Until Dawn met en scène, ce n’est pas seulement la peur de mourir, mais le vertige d’exister dans une répétition dénuée de sens. Chaque retour à la case départ nous enferme un peu plus dans cette absurde continuité, proche du Mythe de Sisyphe décrit par Camus, où l’individu pousse son rocher sans fin, sans but. Ici, c’est la survie elle-même qui devient absurde : sans progression réelle, sans libération possible, elle se vide de son enjeu et devient une punition en soi. Ce n’est plus la mort qu’on redoute, mais la répétition de la vie sans issue. Si le spectateur s’identifie dans cette lutte, c’est qu’il existe de nombres analogies possibles, telle la dépression, où l’on se confronte à des démons invisibles et un cycle sans fin. Pourtant, immuable autant qu’elle est chronophage, venant dévorer peu à peu notre identité. Until Dawn est une métaphore de notre peur la plus profonde, celle de la perte d’identité et du contrôle de notre vie. Il n’y a qu’une lettre qui sépare les ténèbres de la lumière, Down ou Dawn, à vous de choisir !

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Note : 5 sur 5.

23 avril 2025 en salle | 1h 43min | Epouvante-horreur
De David F. Sandberg | 
Par Gary Dauberman, Blair Butler
Avec Ella Rubin, Michael Cimino (II), Odessa A’zion
Titre original Until Dawn


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