Laurent dans le vent – Quand la peur de la solitude devient le seul liant des êtres


Dans une station de montagne hors saison, un jeune homme dérive, observe, écoute. Laurent dans le vent capte ces instants suspendus où l’on cherche une place, un lien, un souffle, dans un monde immobile qui renvoie chacun à sa propre solitude.

À 29 ans, Laurent arrive sans plan ni attaches dans une station désertée, vidée de ses touristes et figée dans l’attente de l’hiver. Il s’y installe presque par défaut, logeant chez les uns, traînant avec les autres, observant plus qu’il n’agit. Le film le suit dans cette errance douce, faite de rencontres fragmentaires et de paroles soudaines. Laurent ne provoque rien, mais sa simple présence agit comme un révélateur. Chacun projette sur lui ses manques, ses regrets, ses désirs d’évasion. Le personnage avance à tâtons, porté par une forme de naïveté désarmante et une disponibilité rare aux autres. Il n’a pas de projet clair, seulement une intuition intime : rester là où quelque chose peut advenir. Autour de lui gravite une communauté fragile, composée de figures solitaires, parfois cabossées, qui trouvent dans ces échanges imprévus un espace pour se dire. Le film adopte un ton entre naturalisme et conte discret, où le réel se teinte d’étrangeté douce. Laurent devient ainsi un point de passage, presque un catalyseur, un corps en mouvement dans un paysage figé, cherchant moins à fuir qu’à comprendre comment habiter le monde.

Réalisé par Mattéo Eustachon, Léo Couture et Anton Balekdjian, le film repose sur l’interprétation de Baptiste Perusat dans le rôle de Laurent, entouré notamment de Béatrice Dalle, Thomas Daloz, Djanis Bouzyani, Monique Crespin, Suzanne De Baecque et Ira Verbitskaya, dont les présences singulières participent à faire exister cette communauté fragile et profondément humaine.

Des êtres qui se sentent seuls et ne peuvent rien y changer

Le film observe avec délicatesse une constellation de personnages enfermés dans une solitude qui ne relève ni du spectaculaire ni du tragique, mais d’un état diffus, presque ordinaire. Chacun tente de composer avec ce manque sans toujours savoir le nommer. Certains vivent à deux, d’autres sont entourés, parfois même exposés aux regards, mais tous partagent cette impression d’isolement intérieur qui ne se dissipe pas par la simple présence d’autrui. La mise en scène insiste sur cette contradiction : être ensemble sans réellement se rejoindre.

Les paroles surgissent souvent en torrents, comme si l’écoute de Laurent ouvrait une brèche longtemps contenue. Pourtant, parler ne suffit pas à réparer. Les personnages cherchent des justifications, des récits de vie, des choix passés pour expliquer leur situation, mais ces récits restent incomplets, bancals. La solitude apparaît alors comme un état structurel, lié à la peur de changer, à l’attachement à des schémas rassurants même lorsqu’ils sont douloureux. Le film montre avec pudeur comment certains préfèrent rester dans une relation toxique, une habitude ou une illusion plutôt que d’affronter le vide. Laurent, lui, ne sauve personne. Il circule, écoute, partage des instants, et révèle malgré lui cette impossibilité commune à rompre avec ce qui fait souffrir. C’est dans cette tension, entre désir de lien et incapacité à transformer sa vie, que le film trouve sa mélancolie profonde et sa justesse humaine.

Laurent dans le vent: Baptiste Perusat, Béatrice Dalle © Mabel Films

Notre avis : Un ovni, drôle et des personnages attachants. 

On ne s’attend pas à découvrir ce genre, cette ambiance et on se retrouve captivé à vivre le quotidien d’un garçon pommé, mais qui a compris l’essentiel : aimer quelqu’un et être aimé. Il arrive et finit par devenir presque ce chainon manquant dans les montagnes. Il bouleverse un peu l’équilibre en étant lui-même un peu perdu.

Calme, mais tourmenté, on voit ce fantôme se matérialiser chez des gens qui ont tous un point commun : ils sont seuls, parfois à deux ou avec des abonnés à un live-stream, mais malgré tout, ils sont seuls et cherchent à justifier par des expériences ou des choix de vie pourquoi, mais les réponses parfois ne suffisent pas !

Un film sur la solitude et les choix que l’on peut faire pour ne pas se sentir seul. La sœur de Laurent décide de partir avec quelqu’un qui semble être toxique pour elle, mais elle a peur d’être seule, elle impose presque une forme de chantage si Laurent vit avec elle, elle quitterait cette personne… Ce n’est pas dit, néanmoins on peut l’entendre dans le vent.

Autour du film — Genèse d’un monde étrange mais vrai

Né d’un désir de contrepied après Mourir à Ibiza, le film s’est construit à partir d’une envie simple : explorer la solitude autrement, dans un lieu unique, hors saison, presque vidé de ses fonctions sociales. Les réalisateurs ont puisé dans leurs repérages, leurs rencontres et leurs propres errances pour imaginer un personnage qui arrive sans but précis et laisse advenir les choses. Le projet s’est nourri d’histoires réelles entendues sur place, de figures croisées, de paroles confiées, jusqu’à former une matière hybride entre documentaire et conte. L’écriture s’est faite par allers retours constants entre terrain et scénario, intégrant peu à peu les habitants, les lieux et leurs récits. Le film est né de cette méthode artisanale, attentive au hasard, au temps long et à la fragilité des êtres, avec l’idée de filmer la solitude contemporaine comme un espace paradoxal où peut encore surgir le lien.

Le trio Mattéo Eustachon, Léo Couture et Anton Balekdjian conçoit la mise en scène comme une écoute active du réel, où le casting devient une extension du regard porté sur le monde. Le choix de Baptiste Perusat pour incarner Laurent s’est imposé progressivement, pour sa présence discrète, sa douceur suspendue et sa capacité à faire exister le doute sans le jouer. Autour de lui, le film mêle comédiens professionnels et habitants du territoire, choisis moins pour leur technique que pour ce qu’ils dégagent. Chacun apporte son rythme, sa parole, son vécu. Cette méthode permet de créer une communauté fragile, crédible, où les personnages semblent exister avant le film. Le casting devient alors un geste politique et sensible : faire cohabiter des trajectoires, des corps et des voix différentes, sans hiérarchie, afin de laisser émerger une humanité commune, imparfaite et profondément incarnée.

Le cinéma de la présence nécessaire

Ce film semble étrange car il reflète le malaise de notre société de la communication où nous sommes seuls, où l’on invente des raisons d’être à deux comme le couple ou l’amitié.

Le film paraît étrange parce qu’il met à nu une contradiction très contemporaine : nous vivons dans une société saturée de paroles, de connexions et de récits sur soi, mais profondément pauvre en relations vécues. En écho aux travaux d’Henri Wallon, qui rappelait que l’être humain se construit d’abord par et avec les autres, Laurent dans le vent montre des individus ayant perdu ce socle relationnel fondamental. Ils compensent par des rôles, des arrangements affectifs, des liens bancals ou des récits qu’ils se racontent pour tenir debout. Le film ne juge pas, il observe comment la communication remplace parfois la relation, comment le couple, l’amitié ou même l’exposition de soi deviennent des preuves d’existence plus que des expériences partagées. Cette étrangeté vient de là : les personnages parlent beaucoup, mais peinent à entrer en véritable résonance. Le cinéma devient alors un espace rare où le silence, la présence et le temps recréent les conditions minimales du lien, rappelant que la sociabilité n’est pas une performance, mais une nécessité biologique et sensible, fragile, toujours à réapprendre.

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Note : 5 sur 5.

31 décembre 2025 en salle | 1h 50min | Comédie dramatique
De Anton Balekdjian, Léo Couture, Mattéo Eustachon | 
Par Anton Balekdjian, Léo Couture
Avec Baptiste Perusat, Béatrice Dalle, Djanis Bouzyani


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