La Condition nous immerge dans l’intimité d’une famille bourgeoise, où les femmes subissent une violence silencieuse et invisible. À travers des dynamiques de pouvoir et de soumission, le film interroge l’impact psychologique de ces rapports de domination.
La Condition est un film de Jérôme Bonnell qui nous plonge dans une époque de bouleversements silencieux. En 1908, Céleste, une jeune bonne, vit sous le toit de Victoire et André, un couple de bourgeois, mais aussi de femmes et d’hommes, sous le poids de normes sociales écrasantes. Loin des conventions, chaque personnage est enfermé dans un rôle imposé par la société, où les femmes sont réduites à un statut inférieur, confrontées à la violence morale et physique. C’est une immersion dans une époque où la répression sociale et intime forge des destinées tragiques.
La Condition suit l’histoire de Céleste, incarnée par Galatea Bellugi, une jeune femme qui devient domestique chez Victoire (Louise Chevillotte) et André (Swann Arlaud). Enfermées dans la rigidité des conventions bourgeoises, les relations au sein de la maison sont marquées par l’inégalité, le non-dit et la violence institutionnalisée. Victoire, l’épouse modèle, fait face à l’impossibilité de concilier son rôle de mère et de femme soumise à la tyrannie de son mari. Céleste, elle, vit une souffrance plus brutale, mais aussi une forme de résistance silencieuse. L’interprétation magistrale des actrices, notamment celle de Galatea Bellugi, s’impose, soulignant le passage de l’innocence à la résistance. En arrière-plan, André, qui incarne la figure du patriarche, fait face à des dilemmes d’autorité et de fragilité. Le film explore avec subtilité les tensions sociales et intimes, mettant en lumière des relations profondément inégales, mais aussi humaines et bouleversantes.

La condition des femmes et aussi celle des hommes
Le film arrive à nous faire entrer dans une famille de notables, on voit la condition des femmes de la domestique à celle de bonne famille. Si Swann Arlaud et Louise Chevillotte excellent, la grande confirmation est Galatea Bellugi, qui confirme sa révélation déjà établie avec Gloria ! Le consentement, les viols conjugaux. La condition montre les femmes, mais également les hommes, qui pour devenir quelqu’un, vont adopter une attitude de dominateur envers les femmes.
Ici, les Homme peuvent humilier, rabaisser et exposer leur femme en tromphée. Le film parle librement du consentement utopique, de la violence systémique et les viols conjugaux. Ces thèmes sont au cœur du film, mais ne sont pas de simples représentations de la condition féminine. Ils dépeignent un monde où l’on évalue la valeur des femmes selon leur capacité à se conformer à un idéal de soumission, une idéologie presque invisible qui nourrit des relations de pouvoir et de domination.
À travers la figure d’André, la violence masculine se masque sous un respect de façade, une posture de pouvoir sur les femmes qu’il considère comme inférieures. Cependant, cette violence n’est pas uniquement physique. Elle se nourrit aussi de la répression psychologique, des mensonges qui permettent aux dominants de se maintenir dans leur position. La Condition ne s’arrête pas à montrer cette oppression, mais met en lumière les mécanismes qui permettent à ces abus de se perpétuer. Les personnages masculins, au travers de leur passivité ou de leur froideur, incarnent des figures de domination souvent invisibles, des tyrans de la norme sociale qui ne sont jamais explicitement désignés comme tels. Ce film dépeint également l’étouffement des désirs et des volontés, comme un piège social où il n’est pas question de briser le silence, mais de le renforcer, afin que chacun connaisse et subisse sa place. Le jeu des personnages, en particulier celui de Swann Arlaud, met en exergue cette tension entre l’apparence et l’intimité, dévoilant une société où tout est calculé pour maintenir l’ordre, même si cela signifie nier la réalité humaine la plus intime.

Et si André faisait seulement reproduire le modèle du fonctionnement chaotique avec sa mère ?
Cette dernière, figure dominante et toxique, le manipule et le brutalise psychologiquement, l’empêchant de développer une véritable autonomie émotionnelle. André, privé d’un modèle masculin solide, semble pris dans un cycle vicieux, où il impose sa violence aux femmes pour compenser cette absence. Il reproduit inconsciemment les schémas d’un pouvoir abusif, aveugle aux conséquences de ses actes. La relation avec sa mère l’a enfermé dans un rôle de soumission et de rébellion aliénant, formant un personnage incapable de sortir de cette spirale. C’est une reproduction des mécanismes de domination et de soumission qu’il a observés, non pas pour les contester, mais pour les perpétuer. Ce modèle familial défectueux façonne son comportement envers les autres, en particulier les femmes, qu’il voit comme des objets de pouvoir, à manipuler et à contrôler pour maintenir un semblant de stabilité émotionnelle.
La Condition est l’adaptation du roman Amours de Léonor de Récondo, une œuvre marquante qui explore les dynamiques de pouvoir et de soumission au sein d’une famille bourgeoise. Jérôme Bonnell, tout en respectant l’essence du livre, a pris des libertés scénaristiques pour approfondir les personnages et leur complexité psychologique. Il introduit notamment des ajouts comme celui du personnage d’Alphonse Lajardie, enrichissant ainsi la narration et les tensions dramatiques entre les protagonistes.
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10 décembre 2025 en salle | 1h 43min | Comédie dramatique, Historique
De Jérôme Bonnell |
Par Jérôme Bonnell
Avec Swann Arlaud, Galatea Bellugi, Louise Chevillotte
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