Gofo et JoyBuy illustrent l’offensive logistique chinoise qui rebat les cartes du e-commerce en France. Entre internalisation des livraisons, pression sur La Poste et concurrence frontale avec Amazon, ces nouveaux acteurs interrogent la souveraineté commerciale et l’avenir des réseaux traditionnels face à une accélération sans précédent des flux.
Le paysage de la livraison de colis en France connaît une secousse nette avec l’irruption de Gofo et la montée en puissance de JoyBuy, deux acteurs venus de Chine qui installent une nouvelle grammaire logistique, plus intégrée, plus rapide, et surtout moins dépendante des réseaux traditionnels. La Poste, via Colissimo, Chronopost et DPD, continue d’assurer des volumes massifs en période de pointe, mais voit une part de ses flux historiques liée à Shein et Temu se contracter. Cette évolution ne relève pas d’un simple ajustement conjoncturel, elle marque un basculement structurel, où la maîtrise de la chaîne de bout en bout devient l’arme centrale de la compétitivité, et où la bataille se joue autant sur le terrain industriel que sur celui de la souveraineté commerciale.
Gofo et la reprise en main de la logistique par les plateformes chinoises
Gofo s’inscrit dans une stratégie claire : internaliser la logistique pour gagner en vitesse, en contrôle et en coûts, là où les plateformes s’appuyaient autrefois sur les opérateurs historiques. Le modèle repose sur des hubs dédiés, une organisation ultra-optimisée et une capacité à absorber les pics de commandes sans dépendre des cadences d’un tiers. Cette approche entraîne mécaniquement une baisse des volumes confiés à La Poste par certains géants du e-commerce chinois, car ils préfèrent piloter leur propre “autoroute” logistique plutôt que d’emprunter celle du service public.
Face à ce mouvement, La Poste reste solidement armée, notamment lors des périodes de forte affluence précédant Noël, où les sites de tri passent en régime maximal. Toutefois, la concurrence ne se joue plus seulement sur la capacité à livrer, elle se mesure désormais à la fluidité, à la traçabilité en temps réel, et à l’optimisation algorithmique des tournées. Gofo ne vient pas simplement “perturber” le marché, il oblige les acteurs historiques à accélérer leur mutation, sous peine de devenir de simples sous-traitants dans une chaîne qu’ils ne maîtrisent plus pleinement.
JoyBuy, JD.com et la rivalité directe avec Amazon sur le sol européen
Avec le lancement de JoyBuy, l’écosystème JD.com avance ses pions en Europe en affichant une ambition transparente : concurrencer Amazon sur son propre terrain. La plateforme propose une offre large allant de l’électronique à l’alimentaire, en misant sur des marques internationales connues afin de rassurer le consommateur européen. Cette stratégie hybride, entre marketplace généraliste et vitrine premium, vise à se distinguer de l’image ultra low-cost associée à Temu ou Shein, tout en conservant des prix agressifs.
Laëtitia Lamari observe que la pénétration de ces plateformes s’explique autant par l’efficacité logistique que par une réalité géopolitique : les contraintes sur le marché américain poussent ces groupes à renforcer leur présence en Europe, où la régulation avance plus lentement. Lionel Saugues, de son côté, évoque une concurrence jugée déséquilibrée pour les commerces français. L’inquiétude n’est pas feinte, elle traduit une interrogation profonde sur la capacité du tissu local à survivre face à des mastodontes aux moyens industriels quasi illimités, capables d’absorber des pertes temporaires pour conquérir durablement des parts de marché.
Quel avenir pour La Poste et le commerce français face à cette mutation ?
La Poste, forte de son réseau et de son savoir-faire, n’est pas hors-jeu, mais elle doit composer avec une réalité nouvelle : la livraison n’est plus uniquement un service, elle devient un levier stratégique global contrôlé par des écosystèmes fermés. Jean-Yves Gras rappelle l’ampleur des dispositifs déployés lors des périodes de forte activité, avec des milliers de renforts humains et une mobilisation exceptionnelle, preuve que la machine reste robuste, mais la question n’est plus celle de la capacité ponctuelle, elle concerne la place dans la chaîne de valeur à long terme.
Le commerce français, quant à lui, se retrouve pris entre deux feux : répondre aux attentes d’un consommateur habitué à l’immédiateté, et préserver un modèle économique viable, ancré dans le territoire. L’enjeu dépasse la simple rivalité économique, il touche à la régulation, à l’équité fiscale et à la protection des acteurs locaux. La bataille engagée par Gofo et JoyBuy n’est pas seulement commerciale, elle redéfinit les contours d’un marché où vitesse, coût et souveraineté devront désormais cohabiter, sans illusion, mais avec lucidité.
Gofo : plateforme logistique chinoise spécialisée dans la gestion et l’internalisation des flux de colis.
JoyBuy : marketplace lancée par JD.com, positionnée comme un concurrent direct d’Amazon en Europe.
AliExpress : Plateforme d’achat au détail chinoise.
La Poste : opérateur public français historique du courrier et de la livraison de colis.
Colissimo : service de livraison de colis de La Poste, orienté particuliers et e-commerce.
Chronopost : filiale express de La Poste dédiée aux envois rapides et urgents.
DPD : réseau international de livraison de colis, spécialisé dans la distribution BtoC et BtoB.
Shein : site de vente en ligne de prêt-à-porter à bas prix, issu du e-commerce chinois.
Temu : plateforme de produits discount reposant sur un modèle ultra compétitif et massif.
Amazon : géant mondial du commerce en ligne et de la logistique intégrée.
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