Umoja, le village sans hommes | ARTE


Ce documentaire nous emmène au nord du Kenya, dans le village d’Umoja, fondé par des femmes Samburu victimes de violences. Devenu un laboratoire social unique où autonomie économique, en rupture avec les mutilations génitales et éducation des filles redessinent la carte du pouvoir et des territoires en Afrique de l’Est.

Au cœur du nord du Kenya, dans la région des Samburu, s’étend un village unique en son genre : Umoja, le village interdit aux hommes. Créé en 1991 par un groupe de femmes victimes de violences conjugales et sexuelles, ce village refuge offre à ces survivantes un havre de paix où elles peuvent reconstruire leur vie, loin de l’oppression patriarcale. Ce documentaire de 44 minutes plonge au sein de cette communauté autonome, protégée par une clôture d’épines, où l’accès aux hommes est strictement proscrit. Umoja incarne la résistance, la solidarité féminine et l’espoir d’une vie libre, durable et éduquée, notamment par le biais de son école, ouverte aux enfants des villages voisins, avec des conditions strictes de respect des droits des filles.


Un peuple, des coutumes

Le village d’Umoja se situe sur le territoire des Samburu, un peuple semi-nomade du nord du Kenya où les coutumes traditionnelles sont fortement patriarcales. Les femmes y sont souvent soumises à des mutilations génitales, des mariages forcés précoces, et à une condition juridique de quasi-propriété des hommes. Dans cette société, les femmes accomplissent la majorité des travaux, mais ne possèdent ni terres ni bétail. Leur statut est d’autant plus fragile qu’elles peuvent être répudiées, battues, voire exclues si elles sont victimes de violences ou si elles sont perçues comme honteuses.

C’est dans ce contexte que l’émergence d’Umoja est une réponse collective contre ces pratiques : un village exclusivement féminin, fondé en marge des règles patriarcales, où les traditions sont revisitées à leur avantage, offrant un abri et un nouveau départ. Les femmes y ont trouvé une forme d’émancipation radicale. Elles subviennent désormais à leurs besoins grâce à l’élevage du bétail, un rôle traditionnellement réservé aux hommes. Cette indépendance est renforcée par leur production de bijoux de perles colorées vendus aux touristes. Ce refuge offre aussi un cadre où la scolarisation des enfants est conditionnée au respect de leurs droits, notamment sans mutilations ni mariages précoces.​


Les perles donnent le droit de posséder des femmes

Dans la culture Samburu, les perles ont une fonction à la fois esthétique et symbolique. Elles sont, en quelque sorte, une monnaie d’échange dans le cadre des mariages : la dot offerte par le mari aux proches de la mariée. Cette tradition représente légalement la possession des femmes par leurs maris, car les perles scellent des contrats sociaux où les femmes deviennent la propriété de l’époux.

À Umoja, cette logique est renversée. Les femmes fabriquent des bijoux de perles colorées qu’elles utilisent pour leur propre gain économique, vendant ces créations aux touristes visitant la réserve naturelle voisine. Ainsi, les perles cessent d’être un outil d’asservissement pour devenir un levier d’autonomie financière. Cette activité artisanale est devenue la source principale de revenus du village, permettant aux habitantes d’acheter leur terrain, de construire leur école et d’assurer une vie indépendante, libre de toute domination masculine.

Selon les habitantes, « Pourquoi s’embarrasser d’un mari quand on est indépendante financièrement ? » est une question récurrente. Cette autonomie, qui passe aussi par la transmission de savoir-faire traditionnels revisités, est une réussite sociale qui défie le patriarcat samburu et participe à la pérennité du village. Un camping a même été aménagé pour accueillir les touristes, dont les bénéfices soutiennent la collectivité.​


La sexualité et la représentation de la famille

Si les hommes sont strictement interdits de vie au sein d’Umoja, les femmes ne rejettent pas pour autant les relations charnelles. Chaque habitante est libre d’entretenir une relation amoureuse avec un homme à l’extérieur du village, mais la communauté impose des règles claires : ces hommes ne peuvent en aucun cas s’installer ou vivre au village. Cette règle protège la vocation exclusivement féminine du lieu et garantit la sécurité des habitantes, qui ont souvent fui des violences masculines.

Par ailleurs, les enfants nés de ces unions, garçons ou filles, sont intégrés à la communauté, mais les garçons doivent quitter Umoja à leur majorité pour préserver cette singularité. Cette organisation familiale reflète une conception matriarcale distincte de celle des Samburu traditionnels, où la famille ne repose pas sur la soumission de la femme à l’homme, mais sur la solidarité et l’autonomie féminine.

L’école d’Umoja joue un rôle fondamental dans cette nouvelle représentation de la famille et de la société. Elle éduque les enfants à leurs droits, les sensibilise à l’égalité des sexes, et lutte activement contre les mutilations génitales ainsi que les mariages précoces. Les habitantes transmettent ainsi un message d’émancipation et de libération, en réinventant les codes sociaux ancestraux pour construire une communauté résiliente, où les liens familiaux sont repensés autour du respect mutuel et de la protection des plus vulnérables.

Ce village est un exemple vivant d’une société alternative où la sécurité, l’éducation, la liberté sexuelle encadrée et le respect de la personne fondent une nouvelle vision de la famille, loin des normes patriarcales Samburu.​

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Sources et lectures complémentaires

  1. https://www.politis.fr/articles/2013/07/umoja-la-cite-des-femmes-23294/
  2. https://www.24heures.ca/2024/09/10/bienvenue-a-umoja-le-village-ou-les-hommes-sont-interdits
  3. https://maze.fr/2017/04/umoja-village-kenyan-hommes/
  4. https://www.civitatemresolutions.com/mycelial-movements/umoja-a-village-where-women-rule
  5. https://www.splashtravels.com/world-history/umoja-village-where-men-arent-allowed
  6. https://safarienafrique.fr/activite/visitez-le-village-umoja/
  7. https://www.lacinquieme.tg/umoja-un-refuge-de-femmes-pour-echapper-aux-traditions-oppressives/
  8. http://umojawomen.or.ke/qinstpckg/index.php/pages/who-we-are
  9. https://www.afrik.com/kenya-umoja-un-village-compose-uniquement-de-femmes
  10. https://fr.wikipedia.org/wiki/Samburu_(peuple)
  11. https://www.jeuneafrique.com/410348/societe/kenya-umoja-village-interdit-aux-hommes/

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