Ici tout commence – Les quotidiennes, un travail sur le long terme !


Écriture en flux continu, personnages façonnés sans certitude, jeu nourri par la fatigue et le plateau, Ici tout commence révèle les coulisses d’une quotidienne où auteurs et acteurs avancent ensemble, entre rigueur, intuition et adaptation permanente.

Écrire une quotidienne comme Ici tout commence relève d’un exercice d’équilibriste permanent. Il faut raconter beaucoup, vite, sans jamais donner l’impression de tourner en rond. Derrière la fluidité apparente des épisodes se cache une mécanique d’écriture collective, soumise à des contraintes de temps, de production et d’anticipation rarement visibles pour le public. Les intrigues se construisent sur la durée, parfois à l’aveugle, et évoluent en fonction des personnages, des acteurs et de la réception des téléspectateurs.

Les quotidiennes, un défi d’écriture sur la durée

La grande spécificité d’une quotidienne tient à son écriture en flux continu. Les auteurs ne travaillent pas sur une fin figée, mais sur une matière vivante, en perpétuelle adaptation. Une arche narrative peut être pensée sur plusieurs semaines sans que son aboutissement soit totalement verrouillé. Comme l’explique Mikaël Mittelstadt, même les scénaristes découvrent parfois l’évolution de leurs personnages en cours de route. Cette souplesse permet de capter l’air du temps, mais impose aussi une grande rigueur pour rester cohérent, crédible, et fidèle aux thèmes abordés, comme ici les violences familiales ou la construction identitaire.

Des acteurs et des actrices devant s’adapter sur le long terme

Dans ce cadre, les comédiens deviennent des partenaires essentiels de l’écriture. Ils doivent incarner des personnages dont ils ne connaissent pas toujours le devenir, tout en maintenant une justesse émotionnelle. La scène des coups entre Greg et sa mère, interprétée par Christelle Reboul, illustre cette exigence. Fatigue, intensité, confiance entre partenaires, tout concourt à produire une vérité de jeu. Le rythme soutenu des tournages forge aussi des réflexes presque théâtraux : apprendre un texte en quelques minutes, jouer sans filet, accepter de se laisser surprendre par l’émotion plutôt que de la contrôler.

Sans oublier que la première scène tournée est souvent celle qui restera en tête, la première apparition également. Si on prend certains personnages qui vont mettre du temps à apparaitre à l’écran. Thaïs la petite sœur de Loup ou encore le frère d’Ismaël énormément cité, et encore aucun casting annoncé pour l’acteur devant incarner Aimé Sanko.

Quand les acteurs anticipent sans certitude, les secrets de l’écriture

L’un des secrets les mieux gardés des quotidiennes réside dans ce dialogue discret entre auteurs et acteurs. Parfois, une information est volontairement retenue pour ne pas influencer le jeu. Anticiper sans certitude devient alors une méthode de travail.

L’acteur joue la surprise réelle du personnage, tandis que l’écriture s’ajuste à ce qui fonctionne à l’écran. Ce va et vient permanent explique la longévité de Ici tout commence, capable de se renouveler sans se renier. Ce n’est pas une écriture figée, mais un organisme vivant, nourri par le plateau, le public et le temps.

Le travail sur le plateau

Le cœur du travail sur Greg repose sur une incertitude assumée, presque revendiquée. « Même les auteurs ne savaient pas » comment le personnage allait évoluer, une phrase clé qui résume à elle seule la mécanique d’écriture des quotidiennes. Cette part d’inconnu n’était pas feinte, et Mikaël Mittelstadt a volontairement refusé de connaître l’avenir de son personnage afin de ne pas biaiser son jeu. Cette démarche trouve un écho direct dans le tournage de la scène des coups, dont les détails techniques disent beaucoup de la rigueur du plateau. La ceinture utilisée était en mousse, conçue par les accessoiristes, au point de créer une confusion visuelle totale entre la vraie et la fausse. Le réalisateur a lui-même testé la ceinture sur son propre bras pour rassurer l’équipe, tandis que Christelle Reboul, d’abord inquiète de faire mal, a dû dépasser cette retenue. La séquence a été tournée en seulement deux à trois prises, en fin de journée, après des heures passées sur le décor. Cette fatigue accumulée n’était pas un handicap, mais un moteur. L’acteur évoque un professeur américain expliquant que la fatigue supprime les mécanismes de défense, laissant l’émotion surgir sans filtre. C’est précisément ce relâchement qui a permis à la scène de trouver sa justesse, dans une tension brute, presque incontrôlée.

Cette intensité est aussi nourrie par le contraste des méthodes de jeu entre les parents Delobel. D’un côté, Christelle Reboul, rigoureuse, concentrée dès les répétitions, de l’autre Joseph Malerba, adepte de l’humour et des blagues pour désamorcer la pression. Un véritable « oxymore d’énergies » qui crée un déséquilibre fertile, à l’image de la famille qu’ils incarnent. C’est aussi dans cette atmosphère que naît l’anecdote Philippe Etchebest : ignorance initiale de l’acteur, recherche Google en coulisses, puis récit du restaurant où une serveuse confond Joseph avec le chef, révélant l’écart entre la perception du public et celle du plateau. Après l’arche, Greg n’est ni totalement transformé ni figé : il redevient plus turbulent et impertinent, tout en conservant une humanité nouvelle, ce qui nourrit la curiosité quant à la réaction des fans. Sa relation avec Eliott s’inscrit dans cette continuité, sans spoiler, avec l’annonce d’une nouvelle intrigue étalée sur plusieurs épisodes aux côtés de Nicolas Anselmo. Les scènes intimes, abordées dans un cadre post-#MeToo, ont nécessité une conversation préalable, inspirée des pratiques américaines, où la bienveillance devient une condition de jeu. Même le look participe à la narration : travail étroit avec la cheffe costumière, pantalons skinny comme symbole d’étouffement émotionnel, vêtements qui s’assouplissent au fil de l’intrigue, bijoux personnels conservés pour ancrer le personnage. À cela s’ajoutent le rapport à l’insolence, distinguant provocation vaine et énergie créatrice, le théâtre comme exutoire, la vie de plateau partagée avec Lucien Belvès, les plats testés avec les accessoiristes culinaires, jusqu’à l’impact concret sur la vie personnelle. Enfin, la formation explique la performance : apprendre un texte en cinq minutes, passer un casting sans répétition, ou comparer ce rythme à un monologue théâtral de 80 pages appris en trois semaines, aux côtés d’acteurs comme Benjamin Baroche, rappelle que la quotidienne est une école d’exigence autant qu’un terrain de jeu.

Source :
Voici.fr, Ici tout commence : la scène des coups avec Christelle Reboul, l’évolution de Greg, sa relation avec Eliott… Mikaël Mittelstadt nous dit tout, publié le 8 avril 2021.
https://www.voici.fr/cinema-series/ici-tout-commence-la-scene-des-coups-avec-christelle-reboul-levolution-de-greg-sa-relation-avec-eliott-mikael-mittelstadt-nous-dit-tout


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