Une chanson douce et lucide où M Field observe le temps qui passe et les bifurcations intimes. À travers des images simples et décalées, l’artiste invite à accepter ses émotions, à ralentir, et à comprendre ce qui, en nous, résiste au changement sans jamais le formuler frontalement.
Avec Sails or Jason, Matthew Field signe une chanson d’apparence légère qui cache un travail fin sur l’émotion et la prise de recul. Sans jamais forcer le pathos, l’artiste regarde l’évolution d’un être proche, ses renoncements, ses compromis, et interroge en creux nos propres choix de vie. Ici, l’émotion ne déborde pas, elle s’installe doucement, laissant à l’auditeur l’espace nécessaire pour reconnaître ses propres tiraillements, entre désir de stabilité et besoin d’élan intérieur.
Matthew Field, connu sous le nom de M Field, développe depuis plusieurs années une écriture singulière, à la croisée de la pop indépendante, d’une tradition folk subtile et d’une culture musicale profondément marquée par l’Afrique du Sud. Ancien membre de Beatenberg, l’artiste conserve ce rapport lumineux au rythme et à la mélodie, tout en épurant davantage son propos en solo. Ses influences ne sont jamais plaquées. Elles se devinent dans l’élégance harmonique, dans une façon presque classique de laisser respirer les silences, et dans un goût assumé pour les situations ordinaires. Chez lui, la chanson devient un espace d’observation, nourri autant par Mozart que par le quotidien, par l’humour discret que par une réelle attention portée aux émotions non spectaculaires.
Dans Sails or Jason, M Field choisit de traiter les sentiments par le détour. La chanson ne décrit pas frontalement un conflit intérieur, elle le fait apparaître à travers des scènes banales, presque anodines. Une cravate, une clarinette jamais jouée, des conversations devenues trop sérieuses. Ces images fonctionnent comme des indices émotionnels. Elles disent l’écart entre ce que l’on était et ce que l’on devient. L’artiste ne juge pas, il constate. Cette distance crée une forme de tendresse mélancolique, où l’émotion naît précisément de ce qui n’est pas dit. La parole reste simple, presque souriante, mais laisse filtrer une inquiétude douce sur le renoncement progressif à soi.
La grandeur de cette chanson est sa capacité à transformer l’acceptation en prise de conscience. Les émotions ne mènent pas ici à une explosion, mais à une révélation calme, presque irréversible. Le refrain agit comme une mise en garde affectueuse, invitant à faire ce que l’on veut, sans abandonner sa propre station intérieure. M Field exploite l’émotion comme un outil de lucidité, non comme une fin. L’auditeur se retrouve face à cette question implicite. Jusqu’où peut on s’adapter sans se perdre. La chanson agit alors comme un miroir tranquille, laissant une empreinte durable, car elle touche à ce moment précis où l’on comprend quelque chose de soi, sans pouvoir revenir en arrière.
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