La pire mère au monde, Muriel Robin et Louise Bourgoin — le pire ou le meilleur duo de cette fin d’année ?


Entre comédie explosive et série B assumée, La pire mère au monde mise sur l’outrance, le rythme et un duo mère fille électrique. Un film qui promet de faire rire, et qui tient parole, porté par des interprétations solides et une mise en scène sans complexe.


Dès ses premières minutes, La pire mère au monde annonce clairement la couleur. Le film revendique une filiation avec un cinéma de série B assumé, parfois proche du nanar dans son goût pour l’excès, la stylisation et les situations volontairement poussées. Mais ici, rien de cynique ni de méprisant. Le cinéaste Pierre Mazingarbe sait exactement ce qu’il fait et surtout ce qu’il promet au spectateur. Si l’on accepte ce pacte esthétique, le plaisir est immédiat. Le rythme est soutenu, l’écriture précise, et l’humour fonctionne par décalage, par outrance contrôlée, jamais par facilité. Le film ne cherche pas à se donner des airs de comédie sociale réaliste. Il préfère l’efficacité, le mouvement et le jeu avec les codes. Cette sincérité dans l’intention fait toute la différence. On sent un premier long-métrage habité, pensé, construit, et surtout désireux de divertir sans faux-semblants. Une comédie sans chichi, mais avec une vraie colonne vertébrale, qui assume son identité populaire et son goût du spectacle.


Le point de départ est simple, presque classique, mais redoutablement efficace. Louise de Pileggi, brillante substitut du procureur, n’a pas revu sa mère Judith depuis quinze ans. Une relation rompue, figée dans le non-dit et la rancœur. Lorsque Louise est mutée dans un tribunal de province, elle découvre que Judith y travaille comme greffière. Pire encore, elle devient sa supérieure hiérarchique. Les rôles s’inversent, les vieilles blessures remontent, et les deux femmes sont contraintes de collaborer sur une affaire judiciaire en apparence banale. Ce huis clos familial déguisé en comédie judiciaire permet au film de déployer une galerie de personnages secondaires savoureux, tous légèrement décalés, presque caricaturaux, mais toujours cohérents avec l’univers proposé. Louise, rigide, arrogante, fascinante dans sa dureté, s’oppose frontalement à Judith, mère blessée, autoritaire, cassante, mais jamais gratuite dans sa violence. Autour d’elles gravitent des figures qui accentuent le contraste, apportant respiration et contrepoints émotionnels. Le scénario joue sur la confrontation, l’inconfort, et la mécanique du face-à-face, sans jamais perdre de vue son objectif principal : faire rire, tout en racontant quelque chose de profondément humain.


Une série B ou une comédie qui donne ce qu’elle promet : humour, montage et effets visuels.

C’est sans doute ici que La pire mère au monde trouve sa vraie singularité. Le film ne triche pas. Il emprunte au cinéma de genre ses codes les plus visibles : mise en scène appuyée, cadres en contre-plongée, montage dynamique, musique très présente, et une esthétique volontairement graphique. On sent l’influence de la bande dessinée, du cinéma baroque, et d’un goût assumé pour le débordement. Le montage ne laisse aucun temps mort, les scènes s’enchaînent avec une énergie quasi permanente, et chaque situation est pensée comme un petit numéro de comédie.

L’humour naît souvent de l’excès, de la répétition, ou du contraste entre la gravité du cadre judiciaire et l’absurdité des rapports humains. Le film joue avec la frontalité, avec le ridicule parfois, mais sans jamais mépriser ses personnages. Les effets visuels et les choix de mise en scène servent le récit plutôt que de l’écraser. On rit parce que tout est trop, parce que ça déborde, parce que ça ose. Et surtout parce que le film tient parole. Il promet une comédie nerveuse, visuelle, et un peu folle. Il la livre, sans détour, sans chercher à se justifier ou à se racheter une respectabilité de façade. Dans ce sens, c’est une vraie réussite de cinéma populaire assumé.


Muriel Robin excelle dans son rôle

Impossible de parler du film sans s’arrêter longuement sur la performance de Muriel Robin. Dans le rôle de Judith, elle livre une composition remarquable de précision et de maîtrise. Loin de son registre purement comique, elle incarne une mère dure, autoritaire, parfois glaçante, mais toujours lisible. Chaque réplique, chaque silence, chaque regard semble travaillé au millimètre. Le film prend le temps de retarder son apparition à l’écran, créant une attente presque théâtrale, et lorsque Judith entre enfin en scène, l’impact est immédiat.

Muriel Robin impose une présence physique et verbale impressionnante, tout en laissant affleurer, par petites touches, la fragilité et la douleur du personnage. Elle ne cherche jamais à rendre Judith aimable, mais elle la rend compréhensible. C’est là toute la force de son interprétation. Elle assume la dureté, la brutalité émotionnelle, sans jamais tomber dans la caricature. Face à elle, Louise Bourgoin tient admirablement la confrontation, mais c’est bien Muriel Robin qui donne au film sa profondeur émotionnelle. Son jeu ancre la comédie dans quelque chose de plus dense, de plus intime, et élève l’ensemble bien au-delà du simple divertissement. Une prestation solide, intelligente, et pleinement habitée.

Louise Bourgoin, une préparation au cordeau pour un rôle frontal

Face à Muriel Robin, Louise Bourgoin hérite d’un rôle exigeant, celui de Louise de Pileggi, magistrate brillante, arrogante et émotionnellement verrouillée. Un personnage peu aimable de prime abord, que l’actrice assume pleinement sans chercher à l’adoucir artificiellement. Pour préparer ce rôle, elle s’est appuyée sur un travail d’observation et d’immersion très concret. Avant le tournage, Louise Bourgoin a rencontré une magistrate proche du réalisateur, afin de comprendre les mécanismes réels de ce milieu, ses codes, sa dureté, et la pression permanente liée à la fonction. Elle a également lu plusieurs ouvrages consacrés à la magistrature, pour intégrer les gestes, les postures, et cette forme d’autorité presque instinctive que le personnage dégage à l’écran.

Mais la préparation ne s’est pas limitée à un simple travail documentaire. L’actrice a surtout cherché à comprendre la psychologie de Louise, son rapport au pouvoir, et ce qui nourrit sa froideur apparente. Elle a travaillé sur l’idée d’un personnage défini presque exclusivement par son travail, volontairement coupé de ses émotions, et figé dans une posture de contrôle permanent. Cette rigidité se retrouve jusque dans le jeu, volontairement tendu, parfois sec, où l’humour naît précisément de ce trop plein de sérieux. Louise Bourgoin n’essaie jamais d’être drôle. Elle laisse le texte, le montage et les situations faire le reste.

Enfin, son travail en amont avec Muriel Robin a été essentiel. Les deux actrices ont longuement répété à la table, réplique après réplique, afin de trouver le bon rythme et le bon équilibre dans la confrontation mère fille. Cette préparation minutieuse se ressent à l’écran, dans la précision des échanges, la violence contenue des dialogues, et cette tension permanente qui fait toute la saveur du film.

Notre avis en quelques mots :
Le film joue sur les codes d’un cinéma souvent dit B ou nanar, mais si on adhère totalement à cette esthétique on passe un excellent moment, c’est drôle, dynamique et bien ficelé. Le casting est bien trouvé et contribue à rendre l’ensemble juste en tenant ses promesses, celles d’une comédie sans chichi.

C’est précisément dans cette rigueur et cette sincérité de jeu que le film trouve son point d’équilibre final. La comédie, parfois excessive, ne bascule jamais dans le gratuit, car elle repose sur un travail d’actrices solide, incarné et pleinement assumé. Grâce à cette alchimie, le film tient ses promesses et s’impose comme une comédie sans chichi, efficace, et portée par des interprétations justes qui lui donnent une vraie densité émotionnelle.

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Note : 4.5 sur 5.

24 décembre 2025 en salle | 1h 30min | Comédie
De Pierre Mazingarbe | 
Par Thomas Pujol, Pierre Mazingarbe
Avec Louise Bourgoin, Muriel Robin, Florence Loiret Caille


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