Avec Le Chant des forêts, Vincent Munier prolonge son geste après La Panthère des neiges, mais choisit cette fois l’intime plutôt que l’épopée. Dans les forêts vosgiennes de son enfance, le cinéaste naturaliste filme la transmission, le silence et l’écoute du vivant. Un film contemplatif et sensoriel, où la nature n’est plus un décor, mais une présence qui observe, résiste et parfois disparaît.
Après nous avoir conquis avec La Panthère des neiges, le nouveau film de Vincent Munier subjugue pour la qualité des images, du rythme et aussi sa capacité à transmettre l’émerveillement aux spectateurs. Une ode à la vie et la Nature. Il faut la protéger et continuer à la regarder avec des yeux d’enfants.
Après avoir parcouru les confins du monde, Vincent Munier revient là où tout a commencé, au cœur des forêts des Vosges. Le film s’articule autour d’un trio très simple, mais profondément symbolique. Vincent Munier, son père Michel Munier, naturaliste engagé depuis les années 70, et Simon, le fils de Vincent, encore enfant. Trois générations réunies par une même fascination pour la vie sauvage, et par un même rapport humble à la forêt.
Le film suit leurs affûts, leurs silences partagés, leurs marches lentes et leurs attentes parfois vaines. Cerfs, renards, lynx, chouettes, oiseaux rares apparaissent furtivement, souvent à la lisière du visible. Mais un animal traverse le film comme un spectre. Le Grand Tétras, oiseau mythique aujourd’hui disparu des Vosges, devient un personnage à part entière, autant souvenir, blessure que messager.
Ici, il n’est pas question de performance ni de conquête. La caméra se fait discrète, presque animale. Vincent Munier filme sans dominer, sans provoquer. Il accepte la frustration, l’absence, l’échec. Le récit se construit dans cette patience, dans cette attention portée au moindre souffle, au craquement d’une branche, au battement d’ailes deviné plus que vu. Le film raconte autant ce qui se montre que ce qui se refuse.

Montrer la Nature pour ce qu’elle est, et ce qui pourrait disparaître
Le Chant des forêts refuse toute vision idéalisée ou décorative de la nature. Vincent Munier filme la forêt comme un monde vivant, complexe, fragile, et profondément menacé. La disparition du Grand Tétras dans le massif vosgien devient le symbole central de cette fragilité. Non pas comme un discours militant frontal, mais comme une douleur sourde, transmise de génération en génération. Michel Munier a consacré des centaines de nuits d’affût à cet oiseau, avant d’en constater l’effondrement, causé par le réchauffement climatique, la gestion forestière industrielle et les dérangements humains.
Le film rappelle que la forêt n’est pas un simple réservoir de ressources. Elle est un écosystème complet, où chaque être, du plus discret au plus imposant, joue un rôle essentiel. Bois morts laissés au sol, arbres d’âges différents, essences multiples, silences nocturnes, tout participe à un équilibre que l’homme fragilise par sa volonté de contrôle. Vincent Munier refuse les catégories utilitaristes comme nuisible ou gibier. Dans son regard, il n’y a ni hiérarchie ni domination.
Le travail sur le son accentue cette approche. Ici, on entend avant de voir. Les sons sont naturels, captés sur le terrain, sans artifices. Le bruissement d’une aile, le souffle d’un animal invisible, le chant nocturne d’un rapace dessinent une présence plus forte que l’image elle-même. Le film nous confronte à une évidence dérangeante. Nous nous habituons à la dégradation du vivant. Nous acceptons l’uniformisation des paysages, la disparition des espèces, comme une fatalité. Le Chant des forêts agit alors comme un rappel. La beauté de la nature n’est pas un luxe contemplatif, mais une condition essentielle à notre propre survie.

3 raisons de voir ce film
D’abord, pour son expérience sensorielle unique. Le réalisateur signe un film qui se vit autant qu’il se regarde. Le travail sur le silence, le son naturel et le rythme lent place le spectateur dans une posture rare au cinéma, celle de l’affût. On apprend à attendre, à écouter, à accepter de ne pas tout voir.
Ensuite, pour la force de la transmission. Le film ne se contente pas de montrer la nature. Il raconte un héritage, celui d’un père à un fils, puis à un petit-fils. Une transmission sans injonction, sans modèle imposé, mais fondée sur l’émerveillement, la fragilité assumée et le respect du vivant.
Enfin, pour son discours écologique profondément humain. Le Chant des forêts ne culpabilise pas, ne moralise pas. Il touche par la poésie, par la beauté et par la perte. En montrant ce qui disparaît, il réveille notre capacité d’émotion et de responsabilité. Un film nécessaire, discret et puissant, qui laisse une empreinte durable bien après la projection.
____________
17 décembre 2025 en salle | 1h 33min | Documentaire
De Vincent Munier |
Par Vincent Munier
Avec Vincent Munier
En savoir plus sur Direct-Actu.fr le blogzine de la culture pop et alternative
Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.

