Avec La Fabrique des monstres, Steve Hudson et Toby Genkel signent un film d’animation familial qui détourne avec tendresse les codes du mythe de Frankenstein. Derrière son apparente fantaisie gothique, le film raconte surtout une histoire d’enfance oubliée, de solitude, et de peur de l’autre, traitée avec humour et humanité.
Dans le château isolé de Grottegroin, un savant fou passe ses journées à créer des monstres toujours plus extravagants, sans jamais se soucier de ce qu’ils deviennent. Sa toute première création, P’tit Cousu, a été mise de côté, presque effacée de sa mémoire. Depuis, il s’est imposé comme le gardien discret du château, celui qui accueille, rassure, organise, et veille sur les nouveaux monstres abandonnés comme lui.
L’équilibre fragile de ce microcosme est menacé lorsque Fulbert Montremonstre, directeur de cirque ambitieux, débarque en ville à la recherche d’une attraction sensationnelle. En découvrant l’existence de la fabrique, il voit en P’tit Cousu une future star. Séduit par la promesse de reconnaissance et d’amour, ce dernier quitte le château, sans mesurer ce qu’il laisse derrière lui. Autour de lui gravitent des figures attachantes, Créature en tête, ami loyal et protecteur, incarnation d’une amitié sans condition.
Notre avis :
Un film mignon et qui ne cherche pas à tourner autour du sujet, ou ne cherche pas les grandes révélations. On a une belle relecture du mythème de Frankenstein et cette éternelle peur de la différence. Ici, on marque bien que les monstres ont autant peur des humains que les humains en ont peur.Les décors et l’animation sont les points forts du récit et le doublage est excellent ! Bref, une magnifique bouffée d’air !
Une leçon sur l’amitié et la tolérance face à la différence
Au-delà de son récit d’aventure, La Fabrique des monstres développe un discours profondément universel sur la différence et la peur qu’elle engendre. Le film repose sur une idée simple, mais redoutablement efficace : dans ce monde, les monstres ont autant peur des humains que les humains ont peur des monstres. Cette symétrie du regard permet de déconstruire très tôt toute notion de bien ou de mal figée. Il n’y a pas d’ennemi désigné, seulement des communautés qui s’ignorent, se fantasment, et se rejettent par méconnaissance.
P’tit Cousu incarne cette blessure intime liée à l’abandon. Oublié par son créateur, il a appris à se détacher de ses propres émotions, à fonctionner, à servir, sans jamais se sentir légitime à être aimé. Son parcours illustre une quête de reconnaissance dans un monde qui valorise la visibilité, la célébrité, et le spectacle. Le cirque devient alors une métaphore du show business et des promesses illusoires de l’amour conditionnel. Ce que Montremonstre propose, ce n’est pas l’acceptation, mais l’exploitation d’une différence transformée en curiosité.
À l’inverse, le château, malgré son apparence inquiétante, représente un espace de solidarité et de tolérance. Les monstres y vivent ensemble, imparfaits, maladroits, parfois absurdes, mais profondément humains dans leurs relations. L’amitié entre P’tit Cousu et Créature est le cœur émotionnel du film. Elle ne repose ni sur l’intérêt, ni sur la réussite, mais sur la présence, le sacrifice, et la compréhension mutuelle. Créature accepte P’tit Cousu tel qu’il est, sans chercher à le changer ou à le mettre en vitrine.
Le film rappelle ainsi que grandir, c’est apprendre à affronter ses peurs seul, mais jamais sans les autres. Accepter sa propre monstruosité, c’est aussi accepter celle des autres, et comprendre que la différence n’est pas une menace, mais une richesse. En s’adressant aussi bien aux enfants qu’aux adultes, La Fabrique des monstres propose une fable douce et nécessaire sur l’intégration, l’empathie, et l’importance de la communauté dans un monde souvent tenté par le rejet et le repli sur soi.
Le saviez-vous ?
Présenté en 2025 au Festival international du film d’animation d’Annecy ainsi qu’au Zurich Film Festival, La Fabrique des monstres marque une étape importante dans le parcours de Steve Hudson. Le cinéaste britannique y signe en effet son tout premier long-métrage d’animation, après s’être illustré jusqu’ici dans la fiction avec True North en 2006, puis à la télévision à travers plusieurs épisodes de la série Cranford en 2007. Le film est l’adaptation de la série de romans graphiques Stitch Head, imaginée par Guy Bass, dont il transpose l’univers singulier et les thématiques avec une sensibilité résolument personnelle. En France, une édition traduite existe, reprenant le nom du héros P’tit Couçu.
La genèse du film repose sur plusieurs anecdotes révélatrices de l’esprit du film. La découverte presque accidentelle du roman graphique grâce à un audiolivre. Steve Hudson l’a entendu lors d’un trajet en voiture. Interprété par une seule comédienne, le récit a immédiatement captivé adultes et enfants, au point de faire naître l’évidence d’une adaptation cinématographique.
En seconde anecdote, on ne peut pas oublier de parler du choix esthétique : plutôt que d’insister sur l’horreur inhérente au mythe de Frankenstein, le réalisateur a volontairement déplacé le curseur vers la comédie et le cinéma muet, s’inspirant notamment du jeu de Buster Keaton pour façonner la personnalité de P’tit Cousu. Pour terminer, notons que l’adaptation a impliqué une modification majeure du récit original : alors que le héros ne quitte jamais le château dans les livres, Steve Hudson a imaginé un second acte centré sur le cirque et la célébrité, afin de renforcer le thème du besoin d’amour et de reconnaissance. Une décision audacieuse, validée avec enthousiasme par Guy Bass lui-même, qui a salué cette relecture fidèle à l’esprit de son œuvre.
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17 décembre 2025 en salle | 1h 32min | Animation, Aventure, Comédie, Famille
De Steve Hudson, Toby Genkel |
Par Steve Hudson
Avec Asa Butterfield, Martin Spinhayer, Joel Fry
Titre original La fabrique des monstres
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