Depuis deux ans, un homme rôde la nuit dans un village breton, frappant aux portes des femmes vivant seules. Le « frappeur » de Goudelin s’est transformé en cauchemar collectif, entre angoisse réelle et légende locale.
Dans la nuit bretonne, la peur frappe à la porte
À Goudelin, tranquille bourg des Côtes-d’Armor entouré de haies et de champs, les nuits n’ont plus la même saveur depuis plus de deux ans. Les habitants s’y enferment désormais tôt, un œil tourné vers la fenêtre, comme pour conjurer le silence. Tout a commencé par de simples coups frappés à une porte, dans une ruelle du lotissement de Kernilien. D’abord un sursaut, puis un cri, et enfin la panique : quelqu’un rôdait.
Les témoins, presque toujours des femmes âgées ou veuves, décrivent le même scénario : des coups secs, insistants, parfois sur les volets, puis plus rien. Une ombre qui s’évanouit avant qu’on ait pu allumer la lumière. Les gendarmes, alertés, n’ont jamais pris sur le fait cet étrange visiteur nocturne. Pendant des mois, les plaintes se sont accumulées, les rumeurs aussi. Certains parlaient d’un plaisantin, d’autres d’un déséquilibré, d’autres encore d’une vengeance ou d’un phénomène surnaturel.
Au cœur de ce mystère, un sentiment d’humiliation collective : celui de ne pas être cru. Quand les premières femmes ont porté plainte, on a souri, on a parlé d’hallucinations. « Des toc-toc imaginaires », glissait-on au café, jusqu’à ce que les coups se propagent d’une maison à l’autre, comme un mal contagieux.

Les nuits blanches des veuves de Kernilien
Dans ce coin de Bretagne, où tout le monde se connaît, la solitude a un visage familier : celui des femmes restées seules après la mort de leur mari. C’est chez elles que le « frappeur » s’acharne. Jacqueline, 83 ans, fut la première à témoigner. Ancienne élue respectée, elle a vu son autorité s’effriter avec l’arrivée des doutes. Puis Oriane, Marie ou Solange ont suivi. Elles laissent la lumière du couloir allumée, dorment le téléphone à portée de main, au cas où.
L’angoisse a bouleversé le quotidien. On s’organise : des voisins passent le soir, des groupes WhatsApp échangent les moindres bruits suspects. Pourtant, la peur persiste — plus insidieuse encore que les coups eux-mêmes. « Il me réveille même quand il ne vient pas », confie l’une. Pour beaucoup, c’est le sentiment d’être à nouveau vulnérable, après toute une vie d’effort et d’indépendance, qui blesse le plus.
La gendarmerie, longtemps réticente à ouvrir une enquête approfondie, s’est finalement décidée à renforcer les patrouilles. Des caméras ont été installées, mais sans résultat concret. Le « frappeur » reste insaisissable. À force, son existence même se brouille : est-ce un homme réel ou le produit d’une psychose collective ? Le mystère, désormais, vit de lui-même.
Quand le mystère devient légende
À Goudelin, les enfants demandent à leurs grands-mères : « Et si le frappeur venait ce soir ? » Dans les cafés, les anciens se souviennent de vieilles histoires bretonnes, ces contes où les morts reviennent frapper à la porte. Certains y voient un symbole : la peur archaïque du dehors, de la nuit qui rôde. D’autres observent un phénomène social plus contemporain — la peur du délit, de l’intrusion, dans une France rurale vieillissante.
Les médias locaux ont fini par s’en emparer. L’affaire a divisé le village, comme toutes les histoires où personne ne veut passer pour crédule. Depuis quelque temps, les coups se sont espacés, comme si le frappeur se lassait — ou savourait le trouble qu’il a semé. Rien ne dit qu’il reviendra. Mais à Goudelin, chaque aboiement, chaque craquement du vent, suffit à raviver la rumeur.
Ainsi naissent les légendes modernes : dans le silence de la campagne, entre peur réelle et imagination collective. Le « frappeur » de Goudelin, qu’il soit homme ou fantôme, est devenu le miroir d’une angoisse bien humaine — celle de se retrouver, un soir, seule face à la porte, avec la certitude que quelqu’un, dehors, frappe encore.
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