Dans +1, B.Miles explore la frontière entre espoir et illusion, entre désir d’amour et rôle secondaire consenti. Une ballade sensuelle qui dévoile cruellement les limites du besoin d’être voulu.
B.Miles, artiste new-yorkaise révélée par Salt, s’est imposée en une décennie comme une voix singulière de l’alt-pop, capable de faire vibrer la surface pop d’un fond existentiel profond. Après son album Different Pages, qui déconstruisait les injonctions faites aux femmes de sa génération, elle revient avec Time Doesn’t Heal. It Hides. Ce nouveau projet agit comme un miroir tendu au passé, tissant des liens entre les morceaux de sa première EP et ceux qu’elle porte en elle depuis. +1 s’inscrit dans cette veine introspective : une pop lente, portée par des arrangements sensuels et épurés, où la voix est à la fois caresse et aveu. Ses influences vont chercher dans les nuances sombres de James Blake, la confession pure d’une Fiona Apple ou la tension douce d’un Rhye, mais toujours avec une sincérité brute qui lui appartient.
Une chanson comme une offrande illusoire
Dans cette chanson, l’artiste ne se contente pas de parler d’amour, elle l’interroge sous son prisme le plus désenchanté. La chanson, enveloppée de douceur, avance à pas feutrés vers une lucidité douloureuse. Ici, les émotions ne sont pas guéries, elles sont disséquées.
Ici, elle donne tout, même ce qu’on ne devrait jamais offrir : son intégrité. Elle réclame un peu de chaleur, une nuit peut-être, une illusion d’amour qu’elle sait passagère. Les paroles déploient un champ lexical à double tranchant, entre caresses et abandon, entre peau et solitude. L’artiste y joue le rôle du « plus un », l’invitée de dernière minute à une fête de l’intimité. Une position volontairement assumée, mais révélatrice d’un manque d’amour propre. En disant If you want fake, I can fake it right, elle révèle l’étendue de son désespoir : être aimée, même si c’est faux, vaut mieux que rien. Le corps devient refuge provisoire, terrain d’échange silencieux entre ce qu’elle espère et ce qu’elle sait déjà perdu. C’est dans cette tension entre désir et vérité que réside la force de l’interprétation.
La chanson se referme comme une boucle douloureuse : I am just a plus one that you call when you’re alone. Cette phrase, murmurée comme une évidence résignée, agit comme un couperet. B.Miles transforme l’émotion en lucidité, dévoilant l’absurdité de chercher l’amour là où il n’est pas. Ce n’est pas seulement un chagrin d’amour, c’est un éveil. L’originalité de +1 réside dans cette manière pudique de dire l’abandon : pas de cris, juste la mélancolie d’un violon invisible entre les mots. Le motif de la couleur violette, qu’elle dit détester, devient image puissante du mensonge affectif. Elle évoque le velours, matière noble mais traîtresse, qui couvre les blessures d’une apparence lisse. Chaque vers est un miroir, chaque image un fragment d’elle-même confrontée à ses illusions. Ce n’est pas un simple morceau de rupture, mais un constat existentiel, celui de toutes les fois où l’on confond désir avec amour.
Ce qui frappe d’abord, c’est la justesse de la production, à la fois fine et minimale. Aucun effet superflu, chaque élément est placé avec précision pour laisser l’espace nécessaire à la voix. Et quelle voix. Claire, nuancée, elle devient elle-même un instrument, modulant le souffle, effleurant parfois le silence pour mieux en révéler la tension. Une interprétation à fleur de peau, suspendue entre fragilité et contrôle.
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