Depuis le lancement du Chapitre 7, Fortnite fait face à une nouvelle controverse : de nombreux joueurs affirment que le jeu d’Epic Games regorge d’éléments visuels et musicaux créés par intelligence artificielle, déclenchant un vaste débat sur la place de l’IA dans la culture du jeu vidéo.
Anatomies impossibles et réactions virulentes
Le nouveau Chapitre 7, inauguré après l’événement Zero Hour ayant réuni plus de 10 millions de participants, devait marquer une ère dorée pour le battle royale. À la place, il a ouvert une fracture entre les fans et l’éditeur. Dans les recoins de la carte « Golden Coast », inspirée de Los Angeles, les joueurs ont relevé une série d’anomalies troublantes : affiches et objets au style instable, personnages aux traits indéfinis ou anatomies erronées, textures incohérentes sur les vêtements et les accessoires. Parmi les exemples les plus cités figure une affiche du Mile High Retreat, où un yéti confortablement allongé en hamac possède quatre orteils d’un côté et cinq de l’autre — un classique des maladresses issues de générateurs d’images IA.
Sur une autre illustration, Sauce Talk, le visage de l’animateur, hybride humanoïde façon tomate, semble déformé par un lissage numérique. D’autres créations, comme les fausses émissions Cooking with Thunder ou Golden Opportunity, montrent des détails surréalistes — un sushi doté d’une queue de poisson, des plis vestimentaires impossibles — que la communauté n’a pas tardé à relever comme preuves d’automatisation.
Ces observations ont provoqué une véritable explosion sur les réseaux : sur Reddit, un sondage du sous-forum r/Fortnite indique que 84,7% des joueurs rejettent l’emploi de l’IA dans le jeu, contre à peine 3,7% qui s’en déclarent indifférents. Le mot d’ordre « Say no to AI slop » (« dites non à la bouillie d’IA ») a ainsi fédéré des milliers d’utilisateurs lassés de voir leur jeu favori perdre, selon eux, son identité artistique. Cette révolte s’enracine dans le sentiment que Fortnite, autrefois vitrine de collaborations prestigieuses — de Marvel aux Simpsons —, cède désormais à une logique de production rapide et impersonnelle.
L’ambiguïté d’Epic face à l’intelligence artificielle
Au cœur de la polémique, la communication d’Epic a paru vacillante. L’artiste Sean Dove, accusé d’avoir produit une image de Marty McFly via un générateur, a publié ses calques Procreate sur Instagram pour prouver la nature artisanale de l’œuvre. Il admet toutefois avoir utilisé, sans y prêter attention, des visuels de montres récupérés en ligne — potentiellement créés par IA. Ce cas illustre une difficulté majeure : distinguer les artistes qui s’aident ponctuellement d’outils automatiques de ceux qui délèguent l’intégralité de la création à des systèmes génératifs.
Mais l’une des preuves les plus tangibles d’un usage assumé d’intelligence artificielle provient d’un autre élément : l’ajout de l’emote LATATA dans le Battle Pass gratuit. Cette chanson, créditée à un compte musical déjà saturé de compositions IA sur les plateformes de streaming, suggère un choix éditorial validé par Epic. La controverse s’est amplifiée lorsque, quelques jours plus tôt, Tim Sweeney, fondateur d’Epic Games, avait publiquement désavoué les mesures de transparence imposées par Steam : la boutique concurrente oblige désormais les studios à déclarer toute utilisation d’IA, ce que le PDG a raillé en ligne, affirmant qu’« à ce rythme, on exigera bientôt la marque de shampooing des développeurs ».
Cette intervention a donné à la polémique une dimension politique. Derrière l’esthétique douteuse de quelques affiches se cache un enjeu idéologique : faut-il informer le public lorsque l’intelligence artificielle intervient dans la création d’une œuvre ? Epic prône l’intégration sans contraintes, tandis qu’une vague croissante de joueurs réclame la préservation du savoir-faire humain. Or, cette dispute fait écho à une tension plus large traversant le milieu du jeu vidéo, où l’IA promet des gains de productivité mais menace la reconnaissance des artistes. L’absence de réaction officielle d’Epic ne fait qu’alimenter le ressentiment d’une base fidèle, nostalgique de l’époque où chaque saison portait la griffe identifiable de ses créateurs.
L’affaire du Chapitre 7 marque un tournant symbolique pour Fortnite : plus qu’un débat esthétique, elle cristallise la confrontation entre productivité algorithmique et créativité humaine. En refusant la transparence, Epic alimente une méfiance durable qui pourrait bien, à terme, redéfinir la relation entre jeu vidéo et intelligence artificielle.
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