Extra-lucide : une série qui téléporte la télépathie au cœur de l’intime


Télépathe malgré elle, Denise lit les pensées des autres et affronte le tumulte intérieur que provoque ce don envahissant. Extra-lucide explore avec humour et sensibilité la frontière entre intimité, vérité et reconstruction personnelle.


Dans Extra-lucide, Camille Rutherford incarne Denise, une femme de 38 ans, célibataire, dotée d’un pouvoir que beaucoup envieraient, du moins en apparence : elle lit dans les pensées de tout le monde. Cette idée de départ, brillante et piquante, sert de moteur à une série en six épisodes, récemment arrivée sur OCS et Ciné+. Le concept pourrait flirter avec le fantastique pur, mais la série choisit une voie plus fine, où la télépathie devient un révélateur de nos zones d’ombre, de nos illusions, et de nos maladresses humaines. Denise avance avec le poids de ce don encombrant, entre humour cru, situations décalées et questionnements profonds sur l’altérité.

Extra-Lucide: Camille Rutherford © Prélude TV / Jack N’a Qu’un Oeil

Quand la télépathie raconte notre époque

Ce qui frappe d’emblée, c’est la manière dont Bruno Merle et Emmanuelle Destremau utilisent ce superpouvoir comme un outil dramatique, émotionnel et social. Denise n’est pas une super-héroïne classique, elle ne vole pas, elle ne sauve pas la planète, et elle n’a pas de costume futuriste. Elle navigue surtout dans la complexité des autres, leurs secrets et leurs pensées les plus brutes. Cette surcharge mentale provoque de véritables embouteillages, que la mise en scène traduit par un humour cinglant et un rythme intérieur permanent.

Autour d’elle, la série compose un tableau très contemporain : la colocation avec Joy, actrice porno et meilleure amie ; les patients qu’elle accompagne en tant que coach de vie ; les ruptures, les illusions, les reconstructions. Sa rencontre avec Sybil, qui dit tout ce qu’elle pense sans filtre, crée un choc savoureux entre deux façons opposées d’habiter le monde.

La force d’Extra-lucide tient surtout à ce pas de côté constant : un superpouvoir rarement exploré dans les séries, utilisé pour interroger le lien social, la vérité, le mensonge utile et la beauté du jardin secret. On entend beaucoup de pensées, mais jamais celles qui expliqueraient l’origine du don. Ce silence-là est volontaire. La série ne cherche pas à rationaliser, elle préfère observer ce que la télépathie révèle de nos fragilités.

Visuellement, la réalisation de Bruno Merle se distingue par une vraie signature. L’appartement où se déroule la majorité des scènes ressemble à un cerveau traversé de couloirs, une sorte de cartographie mentale qui renforce la dimension introspective du récit. L’esthétique, très colorée et sensorielle, empêche l’histoire de devenir trop cérébrale, et offre un contrepoint lumineux à des thématiques parfois acides.

Récompensée au dernier Festival de la Fiction de La Rochelle (meilleure série 26 minutes et meilleure réalisation), Extra-lucide confirme son statut d’objet télé singulier, drôle, intime et étonnamment humain. Une série qui rappelle que lire dans les pensées est peut-être la meilleure manière de découvrir qu’on ne voudrait surtout pas avoir ce pouvoir.


Fiche technique : Extra-lucide

Création, scénario : Emmanuelle Destremau, Bruno Merle
Réalisation : Bruno Merle
Interprètes : Camille Rutherford, Sabrina Ouazani, Antoine Chappey, Bellamine Abdelmalek, Emmanuelle Destremau, Daniel Lundh
Photo : Romain Carcanade
Décors : Gaëlle Guitard
Montage : Matthieu Ruyssen, Bruno Merle
Musique : Arnaud Jollet, Ruppert Pupkin
Son : Josselin Panchout
Production : Prélude TV, Jack N’a Qu’un Œil, Marc Cohen
Format : 6 épisodes
Diffusion : OCS / Ciné+


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