FolleMente : quand l’amour devient un champ de bataille intérieur entre désir, raison et pulsions contradictoires.


Follemente se glisse dans l’intimité d’un premier rendez-vous pour révéler le théâtre invisible de nos pensées, entre pulsions, raison et mémoire affective, où l’amour devient une négociation drôle, fragile et profondément humaine.

Sous ses airs de comédie romantique légère, FolleMente cache un dispositif à la fois ludique et vertigineux : raconter un premier rendez-vous en entrant littéralement dans la tête de celles et ceux qui le vivent. Paolo Genovese imagine Lara et Piero, deux inconnus qui se retrouvent pour un dîner, tandis que, dans l’ombre, leurs voix intérieures débattent de chaque geste, de chaque mot, de chaque silence. En donnant corps à ces fragments de personnalité, le film transforme l’attente amoureuse en champ de bataille intime, drôle, fragile, où le désir, la peur, la mémoire et le doute se livrent une guerre aussi tendre que féroce. Chaque décision se joue autant dans le salon que dans ce théâtre mental surpeuplé ; ici, personne ne veut vraiment lâcher le contrôle, surtout lorsque l’idée même de tomber amoureux ravive de vieilles blessures, de vieux réflexes de défense et ce besoin presque enfantin de se protéger avant d’oser se laisser approcher.

Le point de départ est d’une simplicité désarmante : Lara, trentenaire créative, un peu chaotique, invite Piero, quadragénaire au passé sentimental compliqué, pour un dîner chez elle. Il a renoncé au derby pour cette soirée, elle a mitonné son plat signature et tente de masquer son trac. Ce qui pourrait n’être qu’un énième rendez-vous galant devient le théâtre d’un double récit, car, derrière chaque réplique polie, se bousculent des figures intérieures très incarnées. Côté Lara, Juliette la romantique, Trilli la séductrice, Scheggia l’anarchique et Alfa la stratège féministe. Côté Piero, Romeo le tendre, Eros le charnel, Valium le désabusé et le Professeur, gardien froid de la raison. Entre ces deux corps assis à table, ce sont en réalité huit personnages par tête qui négocient, sabotent, encouragent ou censurent le moindre pas vers l’autre. Ils transforment chaque regard en résultat d’un vote intérieur permanent, où personne n’accepte vraiment de perdre ni de baisser la garde le premier.

Une représentation psychodynamique de l’amour et pleine d’humour

Ce qui fascine dans FolleMente, c’est la manière dont Paolo Genovese met en scène un amour en devenir comme un système dynamique, au sens quasi psychanalytique du terme. Lara et Piero ne sont jamais des êtres simples, ils sont déjà des constellations où le désir, le surmoi, le principe de réalité et les pulsions de répétition se donnent la réplique.

Le dispositif du film consiste à faire exister ces forces sous forme de personnages à part entière : ils débattent dans une salle encombrée de souvenirs, de jouets, de dossiers et de photos, métaphore de l’inconscient et de la mémoire affective. Juliette et Romeo incarnent ce que chacun voudrait croire de l’amour, cet élan vers la fusion, vers la possibilité que, cette fois, ce soit la bonne rencontre. Alfa et le Professeur, eux, veillent à rappeler les défaites passées, les humiliations, les illusions brisées et les normes sociales qui disent jusqu’où l’on peut se risquer sans perdre la face.

Face à eux, Trilli et Eros représentent la pulsion de plaisir à l’état pur, celle qui murmure qu’il suffirait d’un baiser, d’un geste un peu audacieux pour balayer les hésitations. Scheggia et Valium sont les saboteurs, la part anarchique qui veut tout brûler et celle, blasée, qui préfère n’engager aucune partie pour ne pas avoir à perdre. Ce jeu de forces, que la psychanalyse décrit souvent sous forme de concepts abstraits, le film le rend lisible, comique, presque enfantin, sans jamais le ridiculiser. Quand Lara hésite à rappeler un ex ou à inventer un mensonge pour se protéger, on voit littéralement les alliances se former, les coalitions se défaire, comme un psychodrame miniature où chacune des voix intérieures cherche à imposer sa logique.

L’humour naît de cette disjonction permanente entre la scène réelle, très banale en apparence, et l’intensité des débats internes. Un simple silence à table devient l’équivalent d’une crise diplomatique, un compliment mal formulé déclenche un tollé dans la salle de contrôle mentale. Paolo Genovese joue avec cette exagération, car elle reflète la disproportion entre ce qui se passe à l’extérieur et ce que nous vivons dedans. Qui n’a jamais surinterprété un regard, un sms, un retard de quelques minutes comme la preuve d’un désintérêt. Le film met en lumière ce théâtre intérieur en montrant qu’il est à la fois ridicule et touchant. En cela, il ne se contente pas de célébrer la rencontre amoureuse, il montre combien aimer, c’est négocier en permanence avec ses peurs, ses fantasmes, ses contradictions et ce besoin d’être choisi qui ne disparaît jamais tout à fait.

Follemente – Edoardo Leo, Pilar Fogliati © Moonlight Distribution

Sous le charme de ces deux personnages qui tombent amoureux

Si le dispositif conceptuel est réjouissant, FolleMente fonctionne surtout parce que Lara et Piero touchent très vite quelque chose de reconnaissable. Edoardo Leo donne à Piero une gaucherie douce, un mélange de loyauté un peu old school et de maladresses attendrissantes, tandis que Pilar Fogliati fait de Lara une jeune femme vive, désordonnée. Il masque ses fragilités derrière l’humour et l’autodérision. On les observe se frôler, se rater, se rattraper, chacun trahi par ses peurs et sauvé par un éclair de sincérité.

Au fil du dîner, l’identification glisse du jeu intérieur à ces deux corps bien réels qui se cherchent, qui se dévoilent à demi. On connaît leurs stratégies, leurs voix contradictoires, pourtant on espère qu’ils parviendront à faire taire le vacarme intérieur le temps d’un choix simple, accepter de se laisser aimer. Le charme du film tient alors à ce moment très précis où l’on cesse de regarder un dispositif malin pour, tout bonnement, souhaiter que ces deux-là se trouvent vraiment.

Notre avis sur le film : On a aimé et voici pourquoi !

Étrange et drôle !  On a aimé ce film pour cette représentation des émotions et de la vie psychique des deux protagonistes.
À certains moments, nous avions l’impression de voir le How I Met Your Mother de la première saison, ces différentes instances inconscientes en pleine joute orale ressemblent à Marshal et Lili essayant de conseiller Ted.

Bref, un bon moment de cinéma ! Dans l’air du temps et à partager à tous ceux qui cherchent l’amour ou viennent de le trouver ! Car oui, l’Homme autant que la Femme sont en mode conflit et dissonance cognitifs permanent lorsqu’il s’agit de séduire ou de co-habiter avec quelqu’un !

Tomber amoureux revient à s’abandonner à la conjugaison des ordres et des désordres d’un autre différent de nous. Les différentes personnalités à l’écran représentent les différentes voix intérieures nous traversant sans cesse pour nous permettre de vivre en société. Des pulsions, le surmoi, l’inconscient. Comme vous le souhaitez.

Combien de batailles intérieures menons-nous avant de prendre une décision déterminante, notamment amoureuse ? En filigrane de ce jeu amoureux, Paolo Genovese assume une véritable mise en abyme de la psyché, où chaque décision sentimentale devient le fruit d’un affrontement intérieur minutieusement orchestré. Le film s’appuie sur cette salle mentale concrète, saturée d’objets, de souvenirs et de strates affectives, pour donner corps à l’invisible. La comédie tente de rappeler que tomber amoureux relève moins du hasard que d’un combat silencieux entre impulsion et mémoire, désir et protection, lucidité et abandon.

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Note : 5 sur 5.

26 novembre 2025 en salle | 1h 37min | Comédie, Romance
De Paolo Genovese | 
Par Paolo Genovese, Isabella Aguilar
Avec Edoardo Leo, Pilar Fogliati, Emanuela Fanelli
Titre original Follemente


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