MALINA de Werner Schroeter avec Isabelle Huppert – 26 novembre 2025 au cinéma


Malina revient au cinéma dans une version restaurée en 4K, l’occasion de redécouvrir l’une des œuvres les plus envoûtantes de Werner Schroeter. Porté par Isabelle Huppert, ce récit fiévreux mêle désir, vertige intérieur et visions baroques au cœur d’une Vienne imaginée comme un labyrinthe.


Dans la Vienne des années 70, une écrivaine incarnée par Isabelle Huppert avance entre lucidité et vertige. Libre, brillante, insaisissable, elle partage sa vie entre Malina, compagnon rationnel qui veille sur elle, et Ivan, amant fulgurant qui réveille son désir. Cette femme sans nom traverse un monde façonné par ses pensées, ses blessures et ses fantasmes, cherchant une unité impossible entre passion et raison, entre mémoire et feu intérieur.

Un classique du cinéma

Avec Malina, Werner Schroeter transforme le roman d’Ingeborg Bachmann en un opéra mental où chaque plan devient une projection de l’âme. Sa mise en scène baroque, traversée de visions, de couleurs saturées et d’images presque cérémonielles, capte la dislocation intérieure d’une femme hantée par ses propres démons. Le cinéaste filme son héroïne comme une figure d’opéra, excessive, tragique, sublime, toujours au bord de l’incandescence.
Elfriede Jelinek signe un scénario qui renforce la dimension psychique du récit, où Malina et Ivan semblent parfois n’être que des fragments d’un même imaginaire, deux pôles masculins nourris par son histoire et ses traumatismes. Isabelle Huppert, toujours au paroxysme, habite ce rôle comme une partition totale, criante de vitalité, de douleur et d’élan. Sorti en 1991, le film s’impose comme un sommet du Nouveau Cinéma Allemand, une œuvre éclatée et hypnotique qui fait dialoguer littérature, opéra et cinéma avec une liberté rare.

Trois raisons de ne pas manquer la version restaurée 4K

• Cette restauration révèle pleinement l’esthétique somptueuse imaginée par Werner Schroeter. Les jeux de lumières, les couleurs flamboyantes et les tableaux baroques trouvent ici une nouvelle précision qui redonne au film sa puissance visuelle originelle. La 4K restitue les matières, les contrastes et les détails qui faisaient de Malina un objet presque pictural.
• Retrouver Isabelle Huppert à un moment clé de sa carrière constitue en soi une expérience. Sa performance extrême, oscillant entre intensité et fragilité, trouve une nouvelle profondeur grâce à la finesse de l’image, qui capte chaque frémissement et chaque tension de ce rôle entièrement habité.
• Cette ressortie rend justice à un cinéaste majeur trop peu montré en salles. Werner Schroeter, compagnon de route de Rainer Werner Fassbinder et Wim Wenders, n’a cessé d’inventer un cinéma de la transgression, de la poésie et du désir. Redécouvrir Malina aujourd’hui, c’est redonner une visibilité à une œuvre essentielle qui explore la psyché, la création et le rapport intime au monde. Un moment rare pour voir un film pensé comme un rituel, et retrouver une modernité qui frappe encore de plein fouet.


En attendant la sortie au cinéma, une version Blu-Ray existe en import !

Une restauration de qualité dans un contexte particulier

La ressortie restaurée de Malina bénéficie d’un éclairage particulier grâce au label Lumière Classics, distinction qui honore chaque année les restaurations les plus marquantes. Présenté en avant-première au Festival Lumière en présence d’Isabelle Huppert, le film réapparaît dans un contexte où son importance artistique retrouve toute son ampleur. La projection en 4K révèle l’ambition esthétique de Werner Schroeter, car sa mise en scène baroque, nourrie de psyché et de visions mentales, s’appuie sur un travail minutieux de photographie signé Elfi Mikesch. Cette précision nouvelle permet de redécouvrir la puissance symbolique de l’appartement bourgeois, conçu par Alberte Barsacq comme un espace mental voué à s’embraser, écho dramatique à la disparition d’Ingeborg Bachmann dans l’incendie de son logement.

Cette restauration permet aussi de réévaluer la partition inquiétante du compositeur Giacomo Manzoni, qui renforce l’atmosphère oppressante du récit, et le montage de Juliane Lorenz, qui donne au film son rythme fiévreux. Avec le recul, Malina prend une dimension encore plus troublante, car la figure sans nom interprétée par Isabelle Huppert semble absorber chaque élément de mise en scène pour exprimer une identité fragmentée. Son jeu physique, maladroit, tendu, trébuchant, crée un contraste permanent entre maîtrise et dérive, comme si chaque geste traduisait une lutte intérieure. Ce retour en salle replace également le film dans son histoire originale, de la présentation au Festival de Cannes 1991 à ses sorties allemande et française qui avaient déjà souligné sa singularité.

À travers cette relecture technique et artistique, la ressortie 2025 rappelle la richesse des collaborations qui ont façonné le film, d’Elfriede Jelinek au scénario jusqu’aux producteurs Steffen et Thomas Kuchenreuther. Elle permet aussi de reconnaître l’ampleur de la vision de Schroeter, créateur protéiforme qui traversa le théâtre, l’opéra et le cinéma avec une même quête du sublime. Redécouvrir Malina aujourd’hui, c’est renouer avec un cinéma où l’image devient langage, où la folie devient matière, et où la fiction se tisse avec la mémoire pour donner naissance à une œuvre brûlante, profondément moderne.



En savoir plus sur Direct-Actu.fr le blogzine de la culture pop et alternative

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.

Un commentaire ça aide toujours !

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.