Eleanor The Great, une histoire de reconstruction et de deuil signée Scarlett Johansson


Eleanor the Great explore la solitude, le deuil et la reconstruction à travers le parcours bouleversant d’une nonagénaire qui cherche encore sa place. Scarlett Johansson signe un récit tendre, lucide et profondément humain sur l’amitié, l’amour et la seconde chance.


Eleanor the Great s’inscrit dans cette lignée de récits américains où la douceur apparente cache un vacillement intérieur bien plus profond. Scarlett Johansson filme une femme qui, à plus de quatre-vingt-dix ans, découvre que la vieillesse n’annule ni les besoins du cœur ni la nécessité d’être vue. Eleanor, encore brisée par la perte de sa meilleure amie, tente de reconstruire des liens avec sa fille et son petit-fils. À travers cette quête intime, le film interroge la solitude, les mensonges que l’on s’accorde pour survivre, et ce besoin viscéral d’exister dans le regard des autres.


Une histoire d’amitié et de solitude

Eleanor Morgenstein quitte la Floride après la mort de sa meilleure amie et s’installe à New York auprès de sa famille. Elle espère retrouver une forme d’élan, mais se heurte à un quotidien où elle se sent transparente. Par accident, elle entre dans un groupe de parole dédié aux rescapés de la Shoah. Par peur d’être mise à la porte, elle invente un passé qui n’est pas le sien. Ce mensonge, qui semblait anodin, s’emballe et finit par attirer l’attention d’une jeune étudiante en journalisme, Nina, qui veut faire d’Eleanor son mentor. Entre elles naît une relation touchante où chacune porte un deuil qu’elle n’arrive plus à contenir. Autour de ces deux femmes gravitent des figures essentielles : Roger, père mutique et présentateur accaparé par son travail, et Lisa, la fille d’Eleanor, coincée entre sa propre vie et la gestion d’une mère qu’elle aime autant qu’elle redoute. Le film explore avec finesse ces dynamiques intergénérationnelles où l’humour, la peine et le non-dit cohabitent.

Peu à peu, chaque interaction vient fissurer la carapace de ces personnages qui se croyaient condamnés à la solitude, et l’on voit se tisser une circulation d’affection, de colère, de pardon, qui redonne du relief à leurs vies. En multipliant les scènes du quotidien comme celles montrant les repas, les disputes et les silences lourds, le récit montre comment la peur de perdre l’autre peut pousser au mensonge, mais aussi comment l’écoute, la curiosité et une amitié inattendue finissent par ouvrir un chemin vers la vérité et la réconciliation.

Eleanor The Great : Photo Erin Kellyman, June Squibb ©2025 CTMG, Inc. All Rights Reserved.

Notre avis en quelques mots

Eleanor the Great frappe par son humanité, sa tendresse et son refus de juger trop vite. Scarlett Johansson réalise une comédie dramatique qui observe le réel avec une précision presque documentaire, sans jamais sacrifier l’émotion. Eleanor n’est pas un symbole ni une figure édifiante, c’est une femme abîmée par la solitude, perdue dans un monde qui va trop vite pour elle. Le film réussit à faire tenir ensemble la pudeur, l’ironie et une émotion brute, celle qui remonte quand les personnages cessent de jouer un rôle.

Là où l’on s’attendait à un récit sur le vieillissement, Eleanor the Great devient une méditation sur la transmission, sur les traces que laissent les amitiés anciennes et sur la manière dont un mensonge peut naître d’un immense manque d’amour. Le parallèle entre Eleanor et Nina fonctionne parfaitement, car chacune cherche à survivre à une perte qui l’a rendue silencieuse. Le film refuse pourtant la noirceur gratuite. Il préfère la nuance, la lumière d’une promenade à Coney Island, la force d’un geste sincère, la chaleur d’un lien qui renaît. Scarlett Johansson filme New York comme une ville de seconde chance, un espace où l’on se reconstruit malgré le chaos. C’est un film d’écoute et de réparation, porté par June Squibb, bouleversante de justesse. À ses côtés, on retrouve Erin Kellyman, avec qui elles forment un duo d’une justesse rare. Leur énergie contraste, se répond et crée une émotion immédiate. June apporte la gravité tendre d’Eleanor, Erin la vulnérabilité vive de Nina, et ensemble, elles donnent au film une intensité qui dépasse chaque scène.


Se reconstruire après la perte

Eleanor the Great trouve sa profondeur dans cette idée simple et pourtant essentielle : la tristesse isole, l’absence creuse des gouffres intérieurs, et l’amour, même maladroit, devient la seule force capable de nous ramener parmi les vivants. Le film montre comment Eleanor, rongée par la peine, commet une faute qui n’est pas motivée par la volonté d’exister à tout prix, mais par la peur intime de disparaître dans l’indifférence. Ce point est crucial.

Le film fait beaucoup fait penser dans son intrigue en surface à Marco (2025, Aitor Arregi, Jon Garaño ), mais derrière un message différent. Ce n’est pas exister qui est le moteur, mais l’amour et comment réussir à sortir du deuil et de la peine.

Cet angle éclaire parfaitement ce que raconte le film : Eleanor ment non pas pour briller, mais parce que la perte l’a fissurée. Le récit montre comment la solitude pousse à s’agripper au moindre regard, au moindre signe d’attention. La relation qu’elle noue avec Nina devient alors le cœur battant du film. Deux femmes de générations opposées, réunies par un traumatisme silencieux. Leur amitié n’est pas seulement un moteur narratif, c’est un moyen de dire qu’on ne guérit jamais seul.

Chaque personnage du film se bat à sa manière contre ce vide intérieur. Roger se protège en verrouillant ses émotions, Lisa tente de gérer sans s’effondrer, Nina oscille entre fragilité et force. Ce sont des êtres blessés qui réapprennent à respirer ensemble. La réalisatrice ne filme jamais la solitude comme une fatalité, mais comme un état que les autres peuvent fissurer par leur présence. Ce qui sauve Eleanor, ce n’est pas la vérité ou le courage, mais la relation. L’attention, l’écoute, la main tendue. Et c’est là que le film touche juste : il rappelle que l’amour n’est pas toujours flamboyant, parfois il se manifeste par un pardon, un regard, une seconde chance. Le mensonge d’Eleanor devient presque un prétexte narratif pour aborder la manière dont on se protège du réel quand il devient trop lourd, et comment, paradoxalement, le lien à l’autre nous ramène à la vérité.

Le saviez-vous ?
•Pour garantir l’authenticité des scènes de groupe de parole, Scarlett Johansson a fait appel à de véritables rescapés de la Shoah. Leur présence donne au film une dimension humaine et historique particulièrement forte, car Eleanor invente son récit face à des personnes dont les témoignages sont réels. La réalisatrice, qui a découvert que des membres de sa propre famille avaient péri dans le ghetto de Varsovie, tenait à traiter cette séquence avec un profond respect. Grâce au soutien de la Fondation pour la mémoire de la Shoah et d’organisations communautaires, plusieurs survivants ont accepté de participer au tournage, offrant au film une intensité et une sincérité impossibles à simuler.
•De même, la réalisatrice a dédié son film à sa grand-mère, Dorothy Sloan. Femme indépendante, exubérante et profondément attachée à New York, elle a inspiré l’esprit du personnage d’Eleanor. Elle raconte que son amour pour la ville vient directement de cette grand-mère qui l’y emmenait enfant, lui transmettant son énergie, sa curiosité et son sens de la liberté. Cette influence personnelle irrigue tout le film, jusque dans sa manière de filmer New York comme un lieu intime, vivant et chargé de mémoire.


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Note : 5 sur 5.

19 novembre 2025 en salle | 1h 38min | Comédie dramatique
De Scarlett Johansson | 
Par Tory Kamen
Avec June Squibb, Erin Kellyman, Chiwetel Ejiofor


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