Dans Turn Me On, Michael Tyburski imagine une société où chaque émotion est neutralisée par une pilule quotidienne, créant un monde propre en apparence, mais profondément dérangé. Lorsque Joy et William sautent leur dose, tout bascule. Ils découvrent le désir, la joie et la peur, et surtout la possibilité d’exister vraiment. Leur éveil réveille une mécanique sociale inquiétante centrée sur le contrôle absolu.
L’histoire s’ouvre dans une communauté isolée où chacun vit sous vitamine gouvernementale, une substance qui efface émotions et désirs. Joy, interprétée par Bel Powley, suit docilement les règles jusqu’au jour où elle ne prendra pas sa dose pour des raisons de traitements médicaux. Ce premier interstice dans la routine l’expose à un frémissement d’humanité qui bouleverse sa perception du monde. William, joué par Nick Robinson, vit la même expérience et devient le seul capable de comprendre ce qu’elle traverse. Ensemble, ils explorent timidement la joie, la confusion, l’attirance et la peur d’être découverts. Ces deux adultes physiquement matures, mais émotionnellement naïfs apprennent à ressentir comme des enfants qui avancent à tâtons. Autour d’eux, la communauté veille, uniforme et polie, avec des personnages comme l’employée incarnée par D’Arcy Carden qui veillent au maintien d’un ordre strict. Chaque interaction porte ce mélange de douceur artificielle et de menace latente. Ce tandem devient alors le cœur battant de l’intrigue, fragile, curieux et courageux dans un monde qui refuse le vivant et qui étouffe toute forme d’expression personnelle pour préserver une harmonie factice. À mesure qu’ils s’éveillent, Joy et William découvrent aussi les limites d’un système où chaque geste est observé, ce qui renforce leur désir de comprendre leurs propres réactions. Cette quête maladroite, mais sincère crée un contraste puissant avec l’immobilité émotionnelle du reste de la communauté et amplifie la portée de leur révolte intérieure.
Comment est née l’idée du film ?
Turn Me On naît de l’imagination d’Angela Bourassa, scénariste américaine fascinée par la manière dont nos sociétés modernes gèrent, contrôlent ou anesthésient les émotions. En écrivant l’histoire, elle s’inspire de données montrant que les jeunes générations vivent moins de relations physiques, happées par les écrans et la communication distante. Cette idée d’un monde où le sexe et l’intimité disparaissent devient alors le socle du récit. Michael Tyburski découvre le scénario pendant la pandémie et y voit une parabole puissante sur l’isolement et la normalisation du vide affectif. Leur rencontre artistique scelle la naissance d’un film où la satire, la tendresse et l’inquiétude s’entremêlent pour interroger ce qui fait encore de nous des êtres humains.
Un monde à la Eternal Sunshine
Un duo surprenant d’acteur, Bel Powley et Nick Robinson, évoluant dans un monde étrange et qui fait froid dans le dos. Rapidement, on sent que quelque chose ne va pas en voyant tous ces gens se demander s’ils vont bien à longueur de journée. Un peu comme un miroir de notre société où la question prime sur la réponse, puisqu’elle n’a de fonction qu’enclencher une conversation menant vers une demande d’un service.
Le plus drôle est de voir l’actrice D’Arcy Carden tenir le rôle d’une employée de cette congrégation où l’on vit sous pilule de bonheur artificiel et conditionné. Elle s’est fait connaitre du public pour son personnage de Janette dans The Good place. Ce bonheur illusoire n’en est pas un, puisqu’on anesthésie toute émotion vive. Ce sont finalement que des êtres vivant chaque jour de manière identique et répondant à une charte d’action propre à chaque position-fonctionnelle dans la communauté. De même, le traitement des souvenirs venant abimer l’équilibre est intéressant. Voir ces boites à souvenirs détruites pour ne pas érayer le système rappelle en quelque sorte Eternal Sunshine, mais finalement la liberté de celui aspirant à une vraie vie est de connaitre la tristesse et le déplaisir !

Les émotions, vecteurs et moteurs de notre monde
Le film repose sur une idée simple, mais redoutablement efficace. Sans émotions, l’être humain perd sa capacité à choisir, à rêver et à se projeter. Michael Tyburski montre comment un monde apparemment paisible peut devenir une prison dès que les affects disparaissent. Joy et William découvrent ce que signifie ressentir réellement : la joie vive, la peur, le désir, la honte même, et ce vertige qui précède chaque pas vers l’autre. Ces sensations deviennent leur porte de sortie, mais aussi leur principal danger, car toute émotion forte attire l’attention des autorités.
La communauté semble polie et bienveillante, mais cette douceur forcée dissimule un contrôle rigide. Le cinéaste met en évidence la manière dont une société peut remodeler ses membres en supprimant ce qui les rend humains. Les émotions, longtemps considérées comme gênantes ou secondaires, réapparaissent ici comme des moteurs essentiels qui révèlent l’instinct, la conscience et la liberté.
En voyant ces deux personnages goûter à des sentiments interdits, on mesure à quel point la vulnérabilité et la sensibilité sont des forces. L’éveil de Joy et William rappelle que toute relation authentique suppose un risque et que la tristesse comme le plaisir participent à construire une existence pleine et vivante et profondément habitée par ce mouvement intérieur que rien ne peut totalement étouffer.
Leur chemin, hésitant, mais déterminé, montre aussi que ressentir oblige à regarder le monde autrement et à entendre ce que l’on avait appris à ignorer. Cette reconquête de soi devient alors un acte presque politique dans un univers qui cherche à lisser chaque émotion pour maintenir l’ordre. En retrouvant leurs sensations, ils retrouvent aussi leur capacité à penser, à douter et à refuser la mécanique imposée, ce qui rend leur transformation d’autant plus bouleversante. On est dans une forme d’utopie, une Krypton où l’on n’est plus parents biologiques, où tout est écrit et programmé pour nous.
Deux acteurs talentueux à découvrir dans différents films
Bel Powley s’impose depuis plusieurs années avec une présence singulière et une intensité rare. On peut la retrouver dans The Diary of a Teenage Girl, dans White Boy Rick ou encore dans Everything I Know About Love, où elle révèle une palette émotionnelle saisissante. Elle nous avait aussi séduite dans Carrie Pilby, l’un des films les plus touchants de sa filmographie.
Quant à Nick Robinson, de son côté, il s’est fait connaître dans Love Simon, où il incarnait avec justesse un adolescent en quête d’identité. Il a également brillé dans A Teacher et Jurassic World, passant avec aisance du drame intime au divertissement spectaculaire. Les réunir dans une histoire où tout repose sur l’éveil des émotions fonctionne admirablement, car chacun porte cette mixité entre fragilité et intensité. Leur tandem apporte au film un ancrage sincère et une humanité qui contraste avec l’univers aseptisé qui les entoure.
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Date de sortie 17 novembre 2025 | 1h 39min | Comédie, Romance, Science Fiction
De Michael Tyburski |
Par Angela Bourassa
Avec D’Arcy Carden, Nick Robinson, Bel Powley
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